3
Nora
Je me réveille avec un terrible mal de tête et un estomac barbouillé. Il fait sombre et je ne peux rien voir.
Pendant une seconde, je ne me souviens plus de ce qui s’est passé. Est-ce que j’ai trop bu à la fête ?
Puis je retrouve mes esprits et les évènements de la veille au soir reviennent m’envahir. Je me souviens du b****r et puis… Jake, oh, doux Jésus, qu’est-ce qui est donc arrivé à Jake ?
Et qu’est-ce qui m’est donc arrivé ?
Je suis tellement terrorisée que je reste là, couchée et tremblante.
Je suis couchée dans un lit confortable. Avec un bon matelas vraisemblablement. Je suis sous une couverture, mais je ne sens aucun vêtement, seulement la douceur des draps de coton sur ma peau. Je me touche et il s’avère que j’ai raison : je suis complètement nue.
Je tremble de plus belle.
D’une main, je vérifie entre mes jambes. À mon immense soulagement, rien n’a changé. Je ne suis pas mouillée, je n’ai pas mal, rien n’indique que j’aie été violentée.
En tout cas pas encore.
Des larmes me brûlent les yeux, mais je les retiens. Pleurer n’aiderait en rien la situation en ce moment. Il faut que je comprenne ce qui se passe. Ont-ils l’intention de me tuer ? De me v****r ? De me v****r et ensuite de me tuer ? Si c’est une rançon qu’ils cherchent autant dire que je suis déjà morte. Depuis que mon père a été licencié pendant la récession, mes parents arrivent tout juste à payer l’emprunt de la maison.
J’ai du mal à me calmer. Je ne veux pas me mettre à hurler. Pour ne pas attirer leur attention.
Je reste donc allongée dans le noir en passant en revue toutes les horreurs que j’ai vues au journal télévisé. Je pense à Jake et à la tendresse de son sourire. Je pense à mes parents qui seront bouleversés quand la police leur dira que j’ai disparu. Je pense à tous les projets que j’avais, je n’aurai sans doute jamais l’occasion d’aller à l’université pour de bon.
Et puis je me mets en colère. Pourquoi ont-ils fait ça ? Et d’abord qui sont-ils ? Je pense qu’ils sont plusieurs parce que je me souviens d’avoir vu une grande silhouette se pencher sur le corps de Jake.
Quelqu’un d’autre a dû m’attraper par-derrière.
La colère m’aide à contrôler ma panique. J’arrive à réfléchir un peu. Je ne vois toujours rien dans le noir, mais ça ne m’empêche pas d’avoir des sensations.
En bougeant silencieusement je commence à explorer ce qu’il y a autour de moi.
D’abord pour confirmation je suis effectivement dans un lit. Un grand lit, probablement un lit de presque deux mètres de large. Il y a des oreillers et des couvertures et les draps sont agréables au toucher. Ils ont l’air cher.
Sans savoir pourquoi, ça me fait encore plus peur. Il s’agit de criminels qui ont de l’argent.
En glissant au bord du lit je m’assieds tout en tenant une couverture serrée autour de moi. Mes pieds nus touchent le sol. Il est lisse et froid comme un plancher.
Je m’enveloppe dans la couverture et je me lève, prête à poursuivre mon exploration.
À ce moment-là, j’entends s’ouvrir la porte.
Une douce lumière pénètre dans la pièce. Même si elle est faible, elle m’éblouit un instant. Je cligne plusieurs fois des yeux et mes yeux s’y habituent.
Alors je le vois.
Julian.
Il se tient dans l’embrasure de la porte comme un ange des ténèbres. Ses cheveux bouclent légèrement autour de son visage et adoucissent la dureté parfaite de ses traits. Il me parcourt le visage des yeux puis ses lèvres dessinent un léger sourire.
Il est superbe.
Et totalement terrifiant.
Mon instinct ne m’avait pas trompé, cet homme est capable de tout.
― Bonjour, Nora, dit-il d’une voix douce en entrant dans la pièce.
Je regarde désespérément autour de moi, rien qui puisse me servir d’arme.
J’ai soif à avaler ma langue. Je n’ai même pas assez de salive pour parler. Alors je me contente de le regarder s’avancer vers moi comme un tigre affamé se dirige vers sa proie.
S’il me touche, je vais me battre.
Il se rapproche et je recule d’un pas. Puis d’un second et d’un troisième jusqu’à ce que je sois plaquée contre le mur. Tout en me recroquevillant dans la couverture.
Il lève la main et je me raidis, prête à me défendre.
Mais c’est seulement pour m’offrir une bouteille.
― Tiens ! dit-il, j’ai pensé que tu devais avoir soif.
Je le fixe des yeux. Je meurs de soif, mais je ne veux pas qu’il me fasse de nouveau avaler un somnifère.
Il semble comprendre pourquoi j’hésite.
― Ne t’inquiète pas, mon petit chat. Ce n’est que de l’eau. Je veux que tu sois réveillée et consciente.
Je ne sais comment réagir à ces paroles. Mon cœur bat la chamade et la peur me donne la nausée.
Il reste là et regarde patiemment. Tout en maintenant la couverture d’une main, je succombe à ma soif et prends la bouteille d’eau qu’il me tend. Ma main tremble et mes doigts effleurent les siens. Une vague de chaleur m’envahit alors, une étrange sensation à laquelle je ne prête pas attention.
Et maintenant, il faudrait enlever le bouchon, ce qui veut dire qu’il faut lâcher la couverture. Il observe le dilemme dans lequel je suis avec intérêt et non sans un certain amusement. Heureusement, il ne me touche pas. Il est à environ cinquante centimètres de moi et se contente de me regarder.
Je garde les bras le plus près du corps possible pour tenir la couverture de cette manière et je débouche la bouteille. Puis je reprends la couverture d’une main et je porte la bouteille à mes lèvres pour boire.
L’eau fraîche est délicieuse sur mes lèvres desséchées et sur ma langue. Je vide entièrement la bouteille. Je ne me souviens pas avoir jamais trouvé l’eau aussi bonne. C’est le somnifère qu’il m’a donné pour m’amener ici qui a dû rendre ma bouche sèche à ce point.
Maintenant que je suis de nouveau capable de parler, je lui demande :
― Pourquoi ?
À mon immense surprise, ma voix semble presque normale.
Il lève la main et touche une nouvelle fois mon visage. Comme il l’avait fait à la boîte de nuit. Et de nouveau, je suis là, impuissante, et je le laisse faire. Ses doigts sont doux sur ma peau, sa caresse presque tendre. Ce geste contraste tellement avec la situation qu’il me désoriente un instant.
― Parce que ça m’a déplu de te voir avec lui, dit Julian et je peux entendre une rage à peine maîtrisée dans sa voix. Parce qu’il t’a touchée, parce qu’il a posé la main sur toi.
J’ai du mal à réfléchir.
― Qui ? ai-je murmuré en essayant de comprendre de qui il parle. Et puis j’y suis. Jake ?
― Oui, Nora, dit-il sombrement. Jake.
― Est-ce qu’il est… je ne sais même pas si je vais réussir à le dire. Est-ce qu’il est en vie ?
― Pour le moment, dit Julian dont les yeux brûlent comme des flammes. Il est à l’hôpital et il souffre d’une légère commotion cérébrale.
Je suis tellement soulagée que je m’affale le long du mur. C’est à ce moment-là que je réalise ce qu’il vient de me dire.
― Qu’est-ce que ça signifie, « pour le moment » ?
Julian hausse les épaules.
― Sa santé et son bien-être dépendent entièrement de toi.
J’avale ma salive pour m’humecter la gorge, elle est encore sèche.
― De moi ?
Il me caresse de nouveau le visage, replace une mèche de cheveux derrière mon oreille. J’ai si froid que j’ai l’impression qu’il me brûle en me caressant.
― Oui, mon petit chat, de toi. Si tu te conduis convenablement tout ira bien pour lui. Sinon…
J’ai grand-peine à respirer.
― Sinon ?
Julian sourit.
― Il n’a plus qu’une semaine à vivre.
Son sourire est ce que j’ai vu de plus beau et de plus effrayant au monde.
― Qui êtes-vous ? ai-je murmuré. Que voulez-vous de moi ?
Il se tait. Au lieu de me répondre, il me caresse les cheveux et approche une épaisse mèche brune de son visage. Il respire comme s’il voulait la sentir.
Je le regarde, pétrifiée. Je ne sais que faire. Me battre contre lui ? Et à quoi cela servirait-il ? Il ne m’a pas encore fait de mal et je ne veux pas le provoquer. Il est beaucoup plus grand que moi, et beaucoup plus fort. Sous le tee-shirt noir qu’il porte, je peux voir la taille de ses muscles. Sans talons hauts, je lui arrive à peine à l’épaule.
Alors que je me demande si ça vaut la peine de se battre contre quelqu’un qui pèse presque cinquante kilos de plus que moi il prend la décision à ma place. Il lâche mes cheveux et tire sur la couverture que je tiens de toutes mes forces.
Je ne la lâche pas. En fait, je m’y agrippe encore plus. Et je fais quelque chose d’humiliant.
Je le supplie.
― Je vous en prie, ai-je dit éperdument, je vous en prie, ne faites pas ça.
Il sourit une nouvelle fois.
― Pourquoi pas ?
Sa main continue de tirer sur la couverture, lentement et inexorablement. Je sais qu’il le fait ainsi pour prolonger la torture. Il pourrait facilement arracher la couverture d’un coup.
― Je ne le veux pas, lui ai-je dit. Ma poitrine est si serrée que j’ai du mal à respirer et le son de ma voix est étrangement voilé.
Il semble amusé, mais je vois une lueur sombre dans son regard.
― Ah bon ? Tu crois que je n’ai pas vu comment tu as réagi en me voyant dans la boîte de nuit.
Je secoue la tête.
― Je n’ai eu aucune réaction. Vous vous trompez… Je retiens mes larmes et on l’entend dans ma voix. C’est Jake que je désire…
En un éclair, il m’a mis la main autour de la gorge.
― Ce n’est pas ce garçon que tu désires, dit-il durement. Jamais il ne pourra te donner ce que moi je peux te donner. Tu m’as compris ?
Je hoche la tête, trop effrayée pour faire autrement.
Il me lâche la gorge.
― Bien, dit-il plus doucement. Et maintenant, lâche cette couverture. Je veux te revoir nue.
Te revoir nue ? C’est lui qui a dû me déshabiller.
J’essaie de me coller encore plus près du mur. Toujours sans lâcher la couverture.
Il soupire.
Deux secondes plus tard, la couverture est par terre. Comme je m’en doutais, je n’ai pas la moindre chance de lui résister quand il utilise toute sa force.
Je résiste donc de la seule manière possible. Au lieu de rester debout et de le laisser me regarder nue, je me laisse glisser le long du mur jusqu’à ce que je sois assise par terre, les genoux contre la poitrine. Je me tiens les jambes et je reste assise comme ça en tremblant de tous mes membres. Mes longs cheveux épais me descendent le long du dos et des bras et me cachent en partie à son regard.
Je m’enfouis le visage dans les genoux. Je suis terrifiée à l’idée de ce qu’il va faire maintenant et les larmes qui me brûlent les yeux s’en échappent finalement pour rouler sur mes joues.
― Nora, dit-il d’une voix inébranlable, lève-toi ! Lève-toi immédiatement.
Je secoue la tête sans mot dire et sans le regarder.
― Nora, tu peux y prendre du plaisir ou tu peux souffrir. C’est vraiment à toi de choisir.
Du plaisir ? Il est donc fou ? Les sanglots me secouent toute entière.
― Nora, répète-t-il, et j’entends son impatience dans sa voix, tu as exactement cinq secondes pour faire ce que je te dis.
Il attend et je pourrais presque l’entendre compter mentalement. Je compte aussi et à quatre je me lève, les larmes toujours ruisselantes sur mon visage.
J’ai honte d’être aussi lâche, mais j’ai tellement peur de souffrir. Je ne veux pas qu’il me fasse du mal.
En fait, je ne veux pas qu’il me touche, mais visiblement je n’ai pas le choix.
― C’est bien, dit-il doucement en me caressant de nouveau le visage et en me ramenant les cheveux derrière les épaules.
Je tremble sous ses doigts. Je ne peux pas le regarder, je garde donc les yeux baissés.
Visiblement, ça ne lui plait pas, alors il me remonte le menton pour me forcer à croiser son regard.
Dans cette lumière, ses yeux sont d’un bleu sombre. Il est si près de moi que je sens la chaleur qui émane de son corps. C’est réconfortant parce que j’ai froid. Je suis nue et j’ai froid.
Brusquement, il se penche et s’empare de moi. Avant que je n’aie le temps d’avoir vraiment peur, il glisse un bras sous mon dos et l’autre sous mes genoux.
Puis il me soulève comme une plume et me porte vers le lit.
Il m’y dépose presque doucement et je me mets en boule en tremblant. Il commence à se déshabiller et je ne peux m’empêcher de le regarder.
Il porte un jean et un tee-shirt et il enlève le tee-shirt en premier.
Son torse est une véritable œuvre d’art avec ses larges épaules, ses muscles durs et sa douce peau bronzée. Sa poitrine est légèrement velue. Dans d’autres circonstances, j’aurais été ravie d’avoir un aussi bel amant.
Mais étant donnée la situation je n’ai qu’une envie, hurler.
Ensuite, il enlève son jean. J’entends descendre la fermeture éclair et ça me donne des forces pour réagir.
En l’espace d’une seconde, je me lève du lit et je me précipite vers la porte qu’il a laissée ouverte.
J’ai beau être petite, je suis rapide. J’ai fait de l’athlétisme pendant dix ans et j’étais assez douée. Malheureusement, je me suis fait mal au genou pendant une course et maintenant je dois courir moins vite et faire d’autres sports.
J’atteins la porte, je descends l’escalier et je suis presque à la porte d’entrée quand il me rattrape.
Il est derrière moi et son bras se referme sur moi, il me serre si fort que j’ai d’abord du mal à respirer. Mes bras sont complètement emprisonnés si bien que je ne peux pas me débattre. Il me soulève et je lui donne des coups de pieds. Je réussis à l’atteindre avant qu’il ne me retourne pour que je sois face à lui.
Je suis certaine qu’il va me frapper et je me prépare à recevoir ses coups.
Mais il se contente de resserrer son étreinte et de me tenir encore plus près de lui. J’ai le visage enfoui contre son buste et mon corps nu est serré contre le sien. Je sens la fraîche odeur musquée de son corps et je sens quelque chose de dur et de chaud contre mon ventre.
Son sexe en érection.
Il est entièrement nu et tout excité.
Étant donnée la manière dont il me tient, je suis complètement impuissante. Je ne peux ni lui donner des coups ni le griffer.
Mais je peux le mordre.
Alors j’enfonce les dents dans son pectoral et j’entends ses jurons puis il me tire les cheveux pour me faire lâcher prise.
Il met un bras autour de ma taille et il me tient le bas du corps très serré contre lui. Son autre main agrippe mes cheveux et me tient la tête en arrière. Je le repousse des mains, faisant un effort inutile pour mettre un peu de distance entre nos deux corps.
Je le regarde droit dans les yeux, sans prêter attention aux larmes qui coulent le long de mon visage. Il ne me reste plus qu’à être courageuse. Si je dois mourir, au moins que ce soit avec un peu de dignité.
L’expression de son visage est sombre, pleine de colère, il plisse ses yeux bleus en me regardant.
Je respire fort et mon cœur bat à tout rompre.
Nous nous regardons, le prédateur et sa proie, le conquérant et sa conquête, et à cet instant je me sens étrangement liée à lui. C’est comme si une part de moi-même était altérée à jamais par ce qui est en train de se passer entre nous.
Tout à coup ? Son visage s’adoucit. Un sourire apparaît sur ses lèvres sensuelles.
Puis il se penche vers moi, baisse la tête et pose ses lèvres sur les miennes.
Je suis stupéfaite. Ses lèvres sont douces et tendres en s’attardant sur les miennes, même s’il me tient d’une poigne de fer.
Il embrasse bien. J’ai déjà embrassé un certain nombre de garçons, mais je n’ai jamais rien ressenti de pareil. Son haleine est chaude, parfumée de quelque chose de sucré, et sa langue me taquine les lèvres jusqu’à ce qu’elles s’ouvrent sans le vouloir et le laissent pénétrer dans ma bouche.
Je ne sais pas si c’est un effet secondaire de ce qu’il m’a fait prendre ou simplement le soulagement de ne pas souffrir, mais ce b****r me fait fondre. Une étrange langueur me parcourt le corps et dissipe ma détermination à me battre.
Il m’embrasse lentement, à loisir, en prenant tout son temps.
Sa langue caresse la mienne et il me s**e légèrement la lèvre inférieure, me faisant brûler au plus profond de moi. Sa main relâche son emprise sur mes cheveux et entoure ma nuque. C’est presque comme s’il me faisait l’amour.
Je m’aperçois que j’ai mis une main sur son épaule. Sans savoir pourquoi je me raccroche à lui au lieu de le repousser. Je ne comprends pas mes propres réactions. Pourquoi est-ce que je ne me détourne pas de ses baisers avec dégoût ?
Sa merveilleuse bouche est si douce que j’ai l’impression d’embrasser un ange. J’en oublie un instant la situation dans laquelle je suis et ça me permet d’éloigner la terreur que je ressens.
Il se dégage et baisse les yeux vers moi. Ses lèvres sont humides et brillantes, un peu gonflées après notre b****r. Les miennes aussi, sans doute.
Il ne semble plus en colère. Plutôt avide et content à la fois. Sur son visage parfait, je vois le désir se mêler à la tendresse et je ne peux en détourner les yeux.
Je me lèche les lèvres et il les regarde un instant. Puis il m’embrasse de nouveau en effleurant légèrement mes lèvres des siennes.
Puis, il me soulève une nouvelle fois et me porte au deuxième étage où se trouve son lit.