LE SERMENT Le roi des Catacombes, en proie à une émotion qu’il essayait en vain de dompter, avait déjà appuyé son front sur la grille, et, à travers les barreaux, fixait anxieusement cet enclos funèbre, tandis que Macallan, revenant un peu sur ses pas, allait sonner à la petite porte qui précédait la grille. En attendant qu’on vint lui ouvrir, il rejoignit R. C. à la grille et, comme lui, considéra ce maigre champ des morts qui, sous le linceul de la neige, revêtait un aspect plus impressionnant encore. Et Macallan, de sa petite voix de crécelle, de sa petite voix odieuse, fit entendre : – Ne trouvez-vous point, monseigneur que ceci ressemble beaucoup au cimetière du Chevalier Ténèbre ? Indead ! My dear ! Paul Féval l’a dit : « Le cimetière ne possédait pas une seule tombe dont la pierre pût rester scellée. Il n’y avait, pour les tenir en repos, ni plâtre moderne, ni antique ciment. Minuit soulevait tous ces marbres mobiles !… » Cette voix, cet accent avec lequel il prononçait ces phrases d’un romantisme macabre eurent sans doute le don de révolter prodigieusement, en un tel moment et en un tel endroit, le roi des Catacombes, car Mystère, qui était, comme nous l’avons dit, appuyé à la grille, tordit littéralement l’une des barres de fer sous l’effort insensé de son poignet irrésistible. Jamais on n’eût pu croire que cette main délicate de femme était susceptible de déployer cette force de Titan. Et il se retourna. Sa figure, si pâle à l’ordinaire, était alors plus blanche que la neige qui ensevelissait le cimetière. Il s’avança d’un pas menaçant vers Macallan. Mais Macallan avait déjà tourné le dos à R. C. et était retourné à la porte, où un homme, coiffé d’un képi, l’attendait. C’était le gardien du cimetière. Il lui dit quelques mots et passa. R. C. suivait. L’homme au képi referma la porte. Macallan tourna tout de suite à droite, passa entre une double rangée de tombes abandonnées, remonta un peu la pente du terrain et arriva ainsi vers ce coin de cimetière qui touche au mur et qui, encore aujourd’hui, semble ne point avoir abrité de morts, puisque la terre, où pousse une herbe rare l’été, où s’étend uniformément le givre l’hiver, n’exhibe là ni croix, ni couronne, ni fleurs artificielles. C’est dans ce coin, pourtant, que furent enterrés momentanément, lors de la Commune, les cadavres des généraux Lecomte et Clément-Thomas, que l’on avait traînés jusque-là après la fusillade du petit jardin de la rue des Rosiers. Que venait faire dans cette partie désertée même des morts du cimetière Saint-Vincent, le gnome Macallan suivi comme une ombre par R. C. ? Arrivé au haut du monticule, Macallan se tourna vers R. C. et, lui montrant l’angle du mur, lui dit : – C’est là !… R. C. s’approcha, vit qu’on avait tracé, au goudron, une croix sur le mur. Il tomba à genoux. La douleur de R. C., profonde comme le silence, muette comme la tombe, discrète comme la mort, le courbait, immobile, sur cette terre sur laquelle l’être le plus pieux eût marché sans que rien fût venu l’avertir qu’il commettait un sacrilège… Rien, pas même ce renflement du sol qui dénonce au regard le plus distrait qu’on a enfoui quelque chose… ou quelqu’un… rien ne pouvait faire soupçonner qu’il y eût là une dépouille sacrée capable un jour de faire plier les genoux à quelque mystérieux passant. R. C. ne se relevait point… Les minutes s’écoulaient dans le silence de toutes ces choses mortes et dans la douceur glacée de la neige qui pleurait sur le cimetière toutes ses larmes blanches… R. C. ne soupirait point, ne gémissait point, ne pleurait point, ne priait point, mais quand enfin ses épaules se redressèrent et que sa tête nue, que son front dans la pâle lumière du jour, réapparurent à Macallan, celui-ci ne put supporter l’éclat des deux yeux foudroyants, et il recula en étouffant entre ses dents quelques syllabes incompréhensibles. L’éclair n’est pas plus aveuglant que le regard de R. C. quand R. C. se retrouve debout sur cette terre dont il possède le secret. C’était de la Douleur qui s’était courbée sur elle, c’est une Fureur sainte qui se relève. Et, en vérité, quand, retourné vers Paris, vers la ville dont on aperçoit, du haut de ce misérable tumulus, les tours, les clochers, les flèches innombrables, les dômes monstrueux, quand, debout au-dessus de la prodigieuse cité qui s’éveille, le roi des Catacombes étend lentement la main dans un geste de divine menace, il apparaît bien comme l’ange redoutable, tranquille et sûr de la Vengeance ! À côté de lui, un démon s’agite, souffle sur sa haine, attise la flamme qui dévore le cœur de R. C. : – Jure ! fait Macallan. Jure et souviens-toi ! Les lèvres muettes de R. C. doivent prononcer un terrible serment, un serment qu’elles n’osent même pas confier aux morts, car elles remuent sans qu’on les entende… Macallan lui-même, le gnome Macallan, n’entend pas. Et il veut entendre. – Plus haut ! implore le gnome, dont toute la physionomie est étrange à voir en ce moment. Ah ! ce n’est plus là une tête à farce, à blague, à clownerie grotesque. Cette tête-là ne se moque plus de rien ni de personne. Elle rayonne aussi de fureur, comme si le feu qui sort des yeux de R. C. l’avait embrasée… Mais quel aspect ! Quel aspect surprenant a cette tête-là… La fureur qui l’anime semble faite à la fois de joie et de colère… Oui, c’est de la fureur joyeuse… En vérité, à le regarder de bien près, M. Macallan tressaille de joie furibonde… – Jure !… Jure ! Que je t’entende !… Dis, dis seulement « Je jure ! » Et le gnome tend l’oreille, et il entend le Roi des Catacombes qui dit : – Je jure ! Alors, Macallan se frotte les mains à s’en arracher l’épiderme, fait un petit salut bref à R. C., du bout de son bâton, accomplit un rapide demi-tour, et, sans plus s’occuper de R. C. que s’il n’existait pas, se dirige vers la porte du cimetière. Il n’est pas plutôt sorti du champ des morts qu’il ne se retient pas de traduire pour lui tout seul l’extraordinaire et fantastique allégresse furieuse de son âme par le mouvement désordonné de son corps. De son gros et court bâton, il tambourine le sol durci, et puis ses genoux se déclenchent et le revoilà parti pour une gigue insensée qui le conduit à nouveau sur le seuil de la mère Fidèle. Là, il cesse sa danse à la vue d’un personnage qui semble l’attendre, debout sur les marches de l’Auberge du Bagne.
– Tiens ! Le Vautour ! s’exclame-t-il joyeusement. Très gentil d’être venu ! Et il l’entraîne rapidement dans la salle où tout à l’heure nous l’avons vu commencer sa correspondance. Il le tire par la main… Il lui secoue la main. – Vautour ! Tu vas me raconter des histoires !… Tu vas me dire tout… tout… tout… je veux tout savoir depuis le commencement… Mystère ne me dit jamais rien, lui !… Jamais !… Pas un mot !… Tu entends, pas un mot !… Il y a des jours où je suis bien malheureux, Vautour ! Et il assied lui-même le Vautour sur la petite chaise et il reste planté devant lui, attendant les histoires de Vautour avec une curiosité extrême. C’était bien le Vautour qui était devant Macallan, mais encore une fois il avait changé de costume. Il avait quitté son déguisement d’ouvrier terrassier et se présentait, le pardessus ôté, dans un complet veston marron qui semblait devoir habiller à l’ordinaire sa réelle personnalité. La coupe n’en était nullement commune, et, si le Vautour avait eu une autre façon de porter son chapeau melon, il serait peut-être parvenu à tromper ceux qui ne le connaissaient point, sur la classe sociale à laquelle il avait l’honneur d’appartenir. Mais un rien, un « on ne savait quoi » de la forme du chapeau qui le distinguait tout de suite, à première vue, de tous les honnêtes chapeaux melons et aussi, comme nous l’avons dit, la manière que ce chapeau avait d’être porté, suffisaient à rejeter un jeune homme comme le Vautour dans la catégorie des jeunes gens qui ont accoutumé de se faire entretenir par les dames. D’autant plus que, grand, bien découplé, carré d’épaules, tout en lui attestant la bonne santé et la puissance musculaire, il devait leur plaire infiniment, malgré le relief effrayant de son masque tragique. Macallan avait tiré de la poche de son pantalon un immense canif, dont il ouvrit la lame énorme ; il se mit en mesure de se tailler les ongles, et dit au Vautour : – Je t’écoute ! Le Vautour parla et raconta à l’avorton, qui semblait y prendre un plaisir d’enfant à qui on raconte des histoires de fées, tous les événements de la nuit et tous les détails de l’évasion de Desjardies. Quand il en fut au moment où le malheureux s’était vu arrêter sur le seuil même de la prison par l’interrogation indiscrète du portier, Macallan soupira, ouvrit des yeux effarés, se réfugia entre les genoux du Vautour, avec des gestes de gamin qui redoute pour le petit chaperon rouge la grande bouche de la mère grand. Heureusement, Desjardies n’avait pas été dévoré. L’intervention opportune du gardien aux yeux d’albinos, qui surveillait avec le Vautour et Patte d’Oie, du haut du judas du greffe, les mouvements de Desjardies, avait décidé à temps le portier à laisser « le nouvel aide du bourreau, qui avait besoin de se rendre au fourgon ». Dix secondes plus tard, Desjardies se trouvait au milieu de la foule de la rue de la Vacquerie, emporté il ne savait où par il ne savait qui. Descendu dans la cave d’un chantier de bois, il n’en était ressorti que pour se retrouver en face de sa fille. Macallan s’émut à ce récent souvenir, mais il rit bien en apprenant la cruelle et dernière aventure qui était survenue aux véritables aides du bourreau. L’adjudant Beauvisage, qui avait vu entrer les deux aides du bourreau (les deux faux), avait d’abord marqué quelque étonnement d’en voir ressortir trois (Desjardies, le Vautour et Patte d’Oie), et il n’avait rien moins fallu que la nouvelle intervention du gardien aux yeux d’albinos, connu comme le plus fidèle des gardiens par le portier, pour lui faire comprendre que Patte d’Oie n’était autre que le greffier du juge d’instruction, qui courait au-devant du procureur impérial, pour le mettre au courant des sensationnelles révélations faites à l’instant même par Desjardies, ce qui faisait du reste que l’exécution, en dehors de toutes les règles, avait été retardée. Or, Patte d’Oie, le Vautour et le gardien aux yeux d’albinos n’étaient pas plutôt hors de la prison que le bruit infernal fait par tous les fonctionnaires enfermés dans la cour de l’administration venait éveiller la curiosité du portier, qui entrait sous le guichet du greffe et découvrait « le pot aux roses ». Or, la police du Vautour, aidée par cet excellent Dixmer, venait de lui apprendre que, dans ce même moment, les vrais aides du bourreau, les deux vrais Prosper et Denis, auxquels la b***e des Titis de Pantin venait de rendre la liberté, s’étaient présentés à la porte de la prison comme des fous. Mais l’adjudant Beauvisage, en apercevant encore des aides du bourreau, déclara qu’il en avait assez ! – Qu’on les arrête ! hurla-t-il. Et c’est ainsi qu’après avoir été arrêtés une première fois, cette nuit-là par des bandits, M. Denis et M. Prosper le furent une seconde fois par des soldats. Et en écoutant cela, le gnome Macallan ne se tient pas d’aise. Mais pourquoi maintenant le Vautour se penche-t-il à son oreille ? Quelle nouvelle surprenante lui conte-t-il ? D’abord il y a sur les traits du gnome de l’incrédulité, puis de l’anéantissement, puis, tout à coup, de la rage. Mais une rage tellement insensée et si subitement éclatante que, saisissant à plein poing le couteau dont il se nettoyait les ongles, Macallan en donna un coup formidable à la table, si bien que la lame entra de plus d’un pouce dans le bois et que le manche qu’il avait lâché se mit à vibrer comme une flèche empennée qui vient d’atteindre la cible… – By Jove ! hurla-t-il. Si ce que tu dis là est vrai, Vautour, tu es mon ami ; mais si tu mens ou si seulement tu t’es trompé, je ne donnerais pas un penny de ta peau ! Qui t’a raconté une chose pareille ! – C’est la Mouna ! répliqua simplement le Vautour.
Le roi Mystère remontait la Butte par des chemins déserts ; son front semblait encore penché sur cette terre funèbre qui avait entendu son serment, et la vision du petit cimetière habitait encore son regard souverain. Le vent qui vint le fouetter au visage dès qu’il arriva au sommet de son ascension parut le rendre à la réalité. Sa figure si sombre se rasséréna et la pensée terrible qui, les instants précédents, le dominait tout entier, sembla faire place à quelque chose de très doux et de très humain… D’un pas déterminé, il redescendit la Butte du côté de la rue Gabrielle. Avant d’arriver à la Vieille-Rue-des-Moulins, il s’arrêta devant des terrains vagues. Là, il regarda autour de lui et sauta par-dessus une barrière de planches qui bordait un pauvre champ envahi par des tas d’ordures et des tessons de bouteilles. Soudain, il se trouva arrêté par un vaste bâtiment dont la façade donnait certainement sur la Vieille-Rue-des-Moulins. Il contourna le bâtiment par derrière et ne s’arrêta que lorsqu’il fut devant une petite porte creusée dans le mur même de sa bâtisse. Il tira une clef de sa poche et ouvrit cette porte. Celle-ci laissa voir un escalier sombre et décrépit. R. C. ayant encore jeté un regard inquisiteur sur les terrains vagues, certain de n’avoir pas été aperçu, referma la porte et, malgré la quasi-obscurité, gravit l’escalier avec une rapidité telle qu’il n’y avait point de doute qu’il ne connût admirablement l’étrange masure. Mystère avait certainement franchi la hauteur de trois étages sans rencontrer un seul palier. On pouvait donc en conclure que cet escalier avait été construit jadis pour uniquement desservir l’appartement auquel il allait aboutir. Et, à la vérité, c’était bien là un passage secret qui conduisait à une mansarde meublée le plus pauvrement du monde. Une tenture dissimulait la porte de l’escalier par laquelle entra Mystère. Un lit de fer occupait un coin en face ; à côté, une « commode » contre le mur et, pendue au mur, une misérable glace. Au-dessus du lit, un portrait de femme et, seul de tous les objets qui étaient là, ce portrait semblait avoir de la valeur ; non point que le cadre en fût riche, mais le tableau était certainement d’un maître. La signature de l’artiste en était absente. Cette tête était merveilleusement jolie, pleine de grâce et de douce noblesse. C’était une blonde aux yeux noirs profonds d’Andalouse ; le nez était un peu busqué, très légèrement, suffisamment pour ajouter à cette physionomie enchanteresse un rien de ce caractère un peu altier que tout homme est heureux de rencontrer chez la femme qu’il aime. Ce portrait avait été peint par un amant. En entrant, après avoir soigneusement refermé sa porte, R. C. s’en fut à de vastes placards qui tenaient tout un côté de la mansarde, les ouvrit avec des clefs spéciales, y prit quelques vêtements, un béret, une boîte qu’il jeta sur une table de toilette, et immédiatement se mit à l’ouvrage. D’abord, il ouvrit la boîte et en tira une soyeuse barbe blonde, et, après avoir puisé à nouveau dans le petit coffret, il en tira une perruque qu’il disposa fort artificieusement sur son front, et dont la teinte était, ma foi, tout à fait pareille à la teinte des cheveux du portrait. C’était même une chose surprenante que la ressemblance en blond de R. C. et du portrait de cette femme. C’étaient les mêmes yeux noirs, les mêmes traits réguliers et fins, le même ovale aristocratique, le même teint de lait. Un frère ne ressemble point davantage à sa sœur, ni un fils à sa mère !… Mystère n’est plus reconnaissable. Et quand il aura revêtu ces vêtements qu’il a jetés sur son lit, le large pantalon de velours à côtes, le veston brun de velours, qu’il aura noué sur sa chemise molle la cravate « Lavallière », il vous apparaîtra comme le plus Montmartrois des artistes. Robert Pascal, qui avait son atelier à la Grande-Hôtellerie-de-la-Mappemonde, se qualifiait modestement, bien qu’il fût un peu peintre, beaucoup sculpteur et tout à fait artiste, ouvrier décorateur. Mais ses amis, qui savaient ce dont il était capable, le nommaient Benvenuto Cellini ! Nous comprendrons sans doute l’enthousiasme parfait que dénote une semblable appellation quand nous aurons poussé, avec R. C., redevenu Robert Pascal, la petite porte qui donnait de sa mansarde dans son atelier. Cet atelier était une vaste pièce quadrangulaire admirablement éclairée par un immense vitrage qui avait à moitié remplacé la toiture en zinc couvrant autrefois les mansardes. Dès que l’on avait mis les pieds dans l’atelier de Pascal, on s’apercevait que cet ouvrier décorateur était surtout un orfèvre comme il n’en existe plus guère de nos jours. Bien peu des objets qui se trouvaient là – il était facile de s’en rendre compte à première vue – avaient connu le moule. Tout cela avait été tordu, travaillé, ciselé par la main de l’ouvrier, et il n’eût pas été imprudent de prétendre que le principal, sinon l’unique procédé de l’ouvrier, était le martelage. Ainsi, il était impossible de découvrir dans tout l’atelier un seul tour. Robert Pascal prétendait quand on s’en étonnait, que le tour a sur le métal des effets déplorables ; il allonge les pores en les étirant et les relâche ; il rend la matière plus molle et plus flasque, tandis que le martelage met le métal dans la meilleure condition moléculaire possible. Bref, il était complet dans son art, comme l’avaient été Binnelleschi, Lorenzo Ghiberti, Verrocchio, et, plus tard, Francia et Benvenuto Cellini, le plus illustre de tous, dont les locataires de l’Hôtellerie-de-la-Mappemonde lui faisaient dès maintenant partager la gloire. Robert Pascal, ayant traversé tout l’atelier, tira les verrous d’une porte qui donnait sur le palier ; puis, tout doucement, il tira à lui cette porte, dont le panneau s’ornait d’un des plus beaux médaillons qui se puissent rêver, un véritable bijou en cuivre repoussé représentant Marguerite de Valois, aux plus beaux temps de la gloire amoureuse de la reine de Navarre. Robert risqua un coup d’œil sur le palier et écouta… Puis il repoussa la porte sans la fermer complètement, retraversa son atelier et, se dirigeant vers une enclume ronde qui était placée près du grand vitrage, il saisit sur une tablette un marteau et une feuille d’argent qui s’y trouvaient déposés. En vérité, Robert Pascal était bien pressé de travailler, ce matin-là. Il avait déjà appliqué sa feuille d’argent, qui mesurait environ, en long et en large, vingt-cinq centimètres, et dont l’épaisseur ne dépassait guère deux millimètres, sur l’enclume. Il est probable que le dessein de l’artiste était de transformer cette feuille en un vase, car au milieu de cette feuille, se trouvait déjà dessiné le cercle marquant la partie qui devait rester plate et servir d’embase. Levant son marteau d’une main, maintenant de l’autre la feuille d’argent sur l’enclume, le voilà qui commence son œuvre. Il frappe. Il frappe et il voit la feuille prendre peu à peu la forme sphérique. Pascal est en train d’emboutir sa pièce, c’est-à-dire de rendre celle-ci concave d’un côté, convexe de l’autre. Et il frappe, il frappe encore…