Pimpe, pompe......
Sheut, je rabats l'oreiller sur ma tête. Je crois que je ne me ferais jamais aux matins de Dakar. Impossible de faire la grasse matinée.
Je roule environ quinze minutes sur le lit avant de daigner me lever. Je fais un saut à la douche pour me laver le visage, avant d'enfiler mon peignoir et mes pantoufles et de me diriger à la cuisine.
J'ouvre le frigo pour voir ce qu'il contient dans le but de me faire un petit-déjeuner digne de ce nom. Je me fais une omelette, je prends mon plateau et me dirige au salon, j'attrape la télécommande et active le home cinéma, un son de Aya Nakamura emplit bientôt la pièce, j'ouvre la baie vitrée et sors au balcon, l'air frais me fait du bien. Je m'assois sur la chaise savourant mon repas alors que mes cheveux flottent et dansent au gré de la brise en contemplant encore une fois ce tableau magnifique qu'offre la vue à partir du balcon sans m'en lasser.
J'habite au quatrième étage d'un immeuble qui en compte huit, à Fann Résidence, sur la corniche. C'est le fils d'un ministre sénégalais qui me le paye et je ne m'en plains pas.
Une fois que je termine de manger je retourne dans ma chambre pour prendre mon bain. Je chantonne en laissant l'eau ruisseler sur ma peau. J'en ai fait du chemin. Je me rappelle encore du lycée et de tout ce qui s'en ai suivi, de tous les scandales dont j'ai été le centre. Je suppose qu'ils ont fait un ouf de soulagement lorsque j'ai quitté le village, et pourtant je ne regrette rien, je sais bien que j'ai perturbé quelques ménages, je continue même à en perturber d'autres, mais je ne regrette rien, même pas ce vieux censeur qui a été poussé à la retraite anticipée, ce n'est pas de ma faute s'il sont guidés par leurs instincts, puis j'étais une gamine à l'époque comment peut-on poser les yeux sur une mineur. J'ai grandi maintenant, et ça se voit.
J'arrête le robinet et sort de la douche, j'ai cours à midi aujourd'hui, heureusement je déteste les cours à huit heures, c'est très difficile de quitter mon lit le matin. Je met une robe moulante, mi cuisse, j'attache mes cheveux en queue-de-cheval, attrape mon sac et mes clés de voiture ; ça aussi c'est l'un de mes soupirants qui me l'a offert pour mon anniversaire.
Je démarre direction l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, je suis en master 1 de Systèmes d'informations repartis (SIR), des études d'informatique.
J'ai d'abord fait deux ans à l'Ecole Supérieure de Polytechnique de Dakar (ESP), où j'ai eu mon diplôme, je suivais les cours du privé, lorsque j'ai eu vent de la section Informatique de la faculté des sciences, j'ai décidé de l'intégrer, et depuis deux ans déjà je suis les cours. Nous sommes en Juillet il ne nous reste que quelques jours de cours c'est pourquoi les choses sont plus relaxe car en général Pa Konaté ( le responsable de la section) ne nous laisse même pas respirer.
Je me gare et descends pour tomber nez à nez avec Sonko (un camarade de classe) qui me prend mon sac.
-alors la plus belle comment ça va?
-très très bien. Quoi de neuf ?
-on organise une sortie, ce week-end à Gorée, tu viens?
Je fais une moue, sceptique.
-Allez ce ne sera pas la même chose sans toi, ya yorr thiathiou classe bi.
-Nous verrons je réponds alors qu'on pousse la porte de la salle.
Je lance un "salamou aleykoum" général avant de me laisser tomber sur la chaise en tendant les jambes.
Je n'ai pas changé, je suis toujours aussi arrogante, insolente et suffisante qu'avant, mais je suis plus calme, je me suis même fait en quelque sorte des "amis" même si c'est un bien grand mot, il y a des comédiens dans la classe, et en général il y a une bonne ambiance même si je reste le plus clair du temps dans mon coin, ils viennent se mettre autour de moi pour taper la discute.
J'ai bien évidemment beaucoup de soupirants, dans et en dehors de la classe, et quelques "ennemies" si on peut dire, mais ce n'est pas la même chose qu'au village, ils se font plus discrets mais exaucent tous mes souhaits, je ne suis pas en couple ça c'est clair, mais je ne refuse pas les cadeaux et les bonnes grâces, après je vis ma vie librement comme il me plaît de le faire, il n'y a pas d'autorité parentale ni une quelconque autre forme d'autorité, je les appelle régulièrement (mes parents), tous les week-end, et tant que je leur envoie beaucoup d'argent à la fin du mois ça leur va. À mon père je parle juste quelques minutes le temps de le saluer et de demander des nouvelles de la famille ; ma mère par contre me raconte tout ce qui se passe au village, les querelles et disputes, les mariages les baptêmes et les derniers potins quoi, elle est assez cool, et ne me pose pas de problèmes, la seule chose à laquelle elle tient, c'est ma virginité, elle l'appelle "le ticket gagnant", elle rêve de me marier à un homme hyper riche, et c'est ce que je dois offrir à cet homme. Je suis bien consciente qu'elle veut me vendre au plus offrant, aux enchères, que je suis sa poule aux œufs d'or mais bon elle reste ma mère, de toute façon me marier ne fait pas partie de mes projets pour le moment, je veux continuer mes études, être indépendante, voyager, avoir une brillante carrière avant de penser à m'engager.
Je suis réaliste, je sais que rien est éternel, je ne me ferais pas entretenir toute ma vie, tout peut basculer d'un moment à l'autre et je veux prendre toutes mes précautions pour que ce jour là je ne me retrouve pas à la débauche.
J'ai un compte bancaire bien fourni que j'alimente tous les mois et auquel je ne touche pas. Tous les mois, celui qui m'a offert la voiture envoie un gars qui vient la chercher, fait toutes les révisions nécessaires et fait le plein de carburant avant de me la ramener.
Il y a un complexe qui comprend, salon de coiffure complet et esthéticienne où je me rends tous les quinze jours pour me faire bichonner de la tête aux pieds et bien sur sans que je ne débourse un franc.
J'ai beaucoup de bijoux de valeur, et j'ai un très grand dressing rempli à craquer.
Côté nourriture aussi, il y a trois propriétaires de restaurant étoilé qui disent m'aimer et qui m'envoie tous les jours des mets SAVOUREUX, EXQUIS, je me régale, j'ai du m'inscrire dans un complexe sportif avant d'être plus potelée que Modou Lo (lutteur sénégalais).
Je suis une grande solitaire, je n'ai pas l'habitude des sorties entre copines, virées en boite et autres...
Déjà je n'ai pas beaucoup de temps avec les études (un nombre de matières incalculables et des projets à n'en plus finir), mon temps libre je le passe à peaufiner mes projets d'avenir, lire des chroniques, lire les publications des pages comme Sama Dieukeur Sama kharite (SDSK) ou encore T'es de Dakar si... (TDD) pour rigoler comme une mongole, de vrais distributeurs de bonheur, ils te font oubliés tous tes soucis, ou encore regarder film sur film avec un grand pot de glace, les vidéos et textes drôles sur les statuts w******p ; et ma vie me convient ainsi, je ne cherche noise à personne, je m'énerve très rarement car je sais bien que quand je m'y mets vraiment je détruit plusieurs relations ou vies sans scrupules, je me souviens encore de l'histoire avec le censeur et cette folle furieuse de.....
-Hé oh, hé oh fait Bass en bougeant sa grosse main devant mon visage.
-Euh oui.
-le prof est là depuis quelques minutes déjà, tu sembles absente.
-C'est bon suis je réponds en me concentrant sur ce que disais le Mr Thiongane le prof de JAVA.
Le samedi suivant il était dix heures quand je sortais de chez moi, j'ai eu du mal à sortir du lit, ils ont tellement insisté car tout le monde y allait que j'ai fini par abdiquer. Rendez vous était donné à huit heures au plus tard à l'embarcadère, ils ne croyaient tout de même pas que j'allais me réveiller à sept heures juste pour partir à Gorée. Je ne m'en fais pas, je sais qu'ils sont entrain de m'attendre et qu'ils m'attendront le temps qu'il faudra donc je suis passée par la Brioche Dorée pour un copieux petit déjeuner avant de les rejoindre.
J'avais mis une petite culotte, sous-fesse, plus une sorte de Madonna sur mon maillot deux pièces, un sac de plage dans lequel j'ai fourré tout ce dont j'avais besoin pour la journée, des sandales de plage, un chapeau de plage sur mes cheveux lâchés, et des lunettes de soleil, je garai ma voiture tels les stars dans les films et en descendis lentement. Je voyais les filles en rage surement fatiguées d'attendre, je ne m'en formalisai point et lançai un salut auquel elles répondirent à peine. Je me tournai vers les garçons qui me lorgnaient sans gêne, je leur dis qu'on pouvait partir, et nous nous mîmes en route.
Pour la traversée j'étais debout sur le pont entourés de mes Classmates qui jacassaient sans arrêt ce qui commençait à me souler, je levai les yeux aux ciels agacée pour voir l'homme le plus élancé que j'ai jamais vu Waouh il doit mesurer plus de deux mètres le gars. Je ne pouvais plus détaché mon regard de sa personne. Le premier moment de stupeur passé je me mis à le regarder plus en détails, de façon très indiscrète, il est élancé, très élancé mais ça je l'ai déjà dis, il a de longs dreadlocks ce que j'ai toujours détesté mais lui, ça lui va à ravir, je mettrai ma main à couper que c'est un basketteur, il en a l'allure, la posture et l'accoutrement. Il était lui aussi entouré d'un groupe d'hommes qu'il dépasse d'une bonne tête une bouteille à la main.
Il a du sentir mon regard puisqu'il a levé la tête dans ma direction, je lui souris gênée d'être attrapée en plein voyeurisme il n'y réponds pas, je détourne le regard.
Je l'ai aperçu plusieurs fois dans la journée alors que j'étais dans l'eau, il ne s'est pas baigné, difficile de ne pas le voir puisqu'il était plus grand de taille que quiconque.
Au retour je m'éloignais de mes camarades pour profiter au calme de la traversée quand je tombais nez à nez avec lui. Je me stoppai net et me tournai vers la rampe et m'accoudai en l'ignorant. Je sentais son regard intense sur ma peau, n'en pouvant plus je me tournai plus lui faire face.
-Quoi ? Je dis le nez retroussez.
-tu prends combien pour une nuit ?
J'ai failli avaler de travers le bonbon que j'avais à la bouche.
-pardon ? je dis croyant ne pas avoir entendu ce qu'il a dit.
-j'ai dit répète t il calmement " tu prends combien pour une nuit ?"
Je sentais mon sang gicler tout contre ma peau en respirant bruyamment. Chaque parcelle de ma personne fulminait de colère, j'allais le gifler avant de suspendre mon geste, quelque chose me dit que cet homme pourrait me rendre ma gifle. Je tournais les talons alors jugeant que cet être mal poli et idiot ne mérite pas que je perde mon temps et qu'il fallait que je mette le plus de distance possible entre lui et moi. Mais il ne l'entendait pas de cette oreille, il me tire par mon avant bras et me remet face à lui l'air furieux. Non mais je rêve.
-Lorsque tu ne veux pas qu'on te prenne pour quelqu'un, il ne faut pas t'habiller ou te comporter comme tel, et puis c'est mal polie de tourner le dos à quelqu'un qui te parle.
Je crois que je vais commettre un meurtre.
-Lâche moi immédiatement, je siffle entre mes dents.
-Hé nous interrompt Bass qui se dirige vers nous.
Je pensais que c'est moi qu'il venait chercher mais non, il regarde celui qui tenait toujours mon avant bras contre ma volonté.
-Mamadou Lamine Dramé s'exclame t il.
-Bassirou Faye répond il sur le même ton en souriant.
-ça fait quoi trois ans qu'on ne sait pas vu.
-non quatre depuis la délibération des résultats du Bac.
-à ce que je vois tu n'as pas changé, toujours une aussi bonne mémoire, et toujours aussi élancé.
-Ouais comme tu peux le voir.
-tu connais Dalanda, c'est notre petite princesse.
-Yallah boumako meusseu ham je murmure.
-Quoi? demande t il
-rien lâche moi je m'en vais, je réponds fermement
Je me précipite pour m'éloigner et rentre sans demander mon reste dès qu'on accoste. Je n'ai même pas diner, ce gars m'a coupé l'appétit, je suis restée irritée et en colère tout le week-end, je n'ai même pas appelé au village. Je n'ai jamais été aussi humiliée de toute ma vie, il va me le payer, parole d'Hassyatou Dalanda Sael Bah.
Le Lundi, je me rendais à l'Université en étant toujours d'humeur massacrante. En me garant je tombais sur Bass qui arrivait, exactement la personne que je voulais voir. Je forçais un sourire auquel il répondis avec un large.
-Bonjour toi je lui dis.
-Bonjour princesse comment vas tu?
- très bien et toi ?
-Bien aussi, pas trop fatiguée ? Samedi tu nous a vite fait faux bond.
-non ça va en parlant de samedi tu connais Mamadou Lamine depuis longtemps ? Je demande en essayant de prendre le temps le ton le plus léger possible.
-Ah Lamine, on a fait tout notre cursus ensemble du CI à la terminale.
-Ah bon je dis l'incitant à plus s'exprimer.
-Oui aux cours Sacre cœur, on était dans la même classe, il était brillant, le plus brillant de notre génération surtout dans les matières scientifiques, et puis comme il a toujours était un vrai sportif il a toujours fait des ravages chez les filles, mais il n'a pas pris la grosse tête, il est du genre trop sérieux, il éconduisait gentiment les filles sans leur manquer de respect, puis il est trop réservé, très ponctuel et non exhibitionniste, figure toi que pendant toutes ces années je n'ai jamais mis les pieds chez lui. Je ne sais pas s'il a des frères ou des sœurs, je sais juste qu'ils sont assez aisés et qu'ils vivent dans la discrétion. La seule fois où j'ai entendu quelque chose au sujet de son père c'était en terminal, Mamadou Lamine est un passionné de basket, et franchement il est trop doué, il avait été sélectionné pour intégrer un club à l'étranger, il en été très heureux, je ne l'ai jamais vu aussi euphorique mais son père n'était pas d'accord, c'était leur première dispute et il lui a tenu tête, après le Bac il a rejoint les Etats Unis pour poursuivre son rêve, on s'est perdu de vue jusqu'à hier.
-hum
C'est la première fois que le trop plein de mots que débite Bass en quelques secondes ne me dérange pas, bien que je n'ai pas appris grand chose, respectueux mon œil mal poli oui, incorrect tchiiip.
-d'ailleurs on doit déjeuner ensemble ce midi.
Hum voilà que les choses deviennent intéressantes je me demandais bien comment lui poser d'autres questions sans me faire cramer.
-oh je m'exprime en faisant la moue, moi qui comptais déjeuner avec toi aujourd'hui un brin triste.
Quelle actrice, je mérite un oscar.
Il me regarde hésitant quelques secondes.
-ça ne me gène pas que tu viennes avec moi lance t il.
Je lui souris de toutes mes dents avant de lui coller une bise sur la joue. Il souris à son tour béatement.
Ah très bon début, Mamadou Lamine tiens toi prêt ça va chauffer pour toi. Je me rendais en classe l'esprit plus léger.
Quand on est sorti à midi trente au lieu de midi grâce à Monsieur Konaté, j'étais plus que ravie, d'habitude ça m'agace mais aujourd'hui Mr "très ponctuel" va attendre et pas qu'un peu, j'y veillerai personnellement, j'espère qu'il sera vraiment en rogne.
J'ai demandé à Bass qu'on passe chez moi pour que je prenne une douche, et que je me change, il ne voulait pas vraiment mais je ne lui ai pas laissé le choix.
J'ai mis une combinaison rouge sang qui m'arrive à mi cuisse et j'ai attaché mes cheveux en un chignon négligé, des nus pieds marrons et un sac de la même couleur, sans bijou, j'étais ravissante comme toujours.
Avec tous les bouchons de Dakar à cette heure de pause nous sommes arrivés un peu avant quinze heures au lieu de rendez vous. J'étais ravie, je peinais à cacher mon sourire. Il était déjà attablé, difficile de le manquer avec sa grosse tête là. Il affiche un grand sourire, en tout cas s'il est énervé il le cache bien. Il se lève et donne une accolade à son ami avant de me taper la bise.
-je me doutais bien que tu étais derrière ce retard me souffle t il à l'oreille, il me hume la peau, un bain ? Sourire béat ? Tu adores les hommes quoi... Il te l'a bien fait Bass.
Cette fois-ci je me retins pas, je le giflai de toutes mes forces. Idiot.