Un week-end à deux...

3438 Mots
                                                                                            V L’homme s’était levé aux aurores, pour préparer le p’tit déjeuner d’Alene, mais aussi pour profiter d’un peu de solitude. Il avait toujours vécu seul, et même si la présence de la jeune femme lui faisait beaucoup de bien, il éprouvait à certains moments ce besoin d’écouter le silence. De rentrer en lui et d’écouter les bruits de la vie. Il y avait sur son terrain un grand manguier qui ne donnait pas de fruit et que pourtant les oiseaux appréciaient. Plusieurs d’entre eux y avaient construit leurs nids. Et lorsqu’il se réveillait tôt, il pouvait les entendre s’éveiller eux aussi. Lorsqu’il était enfant, son père le réveillait souvent alors que tous dormaient encore dans la maison et ils allaient ensemble s’assoir près de l’arbre. Ils passaient ainsi les premières heures du jour à écouter la nature s’éveiller. Tous ces moments le ramenaient à sa vie aux côtés de ses parents, et malgré la présence de la jeune femme, il souffrait encore énormément de leur absence. Alors pendant que son gâteau cuisait dans le four, il alla s’assoir près du grand arbre, et ferma les yeux. Il revoyait son père assis près de lui, l’entendait lui dire que le spectacle le plus beau du monde se jouait toujours aux aurores. Et qu’il n’y avait aucune bénédiction plus grande que de pouvoir y assister, en silence. Le réveil des oiseaux avec leurs cris particuliers à chacun, le vent frais du matin naissant, et l’apparition à l’horizon du soleil. Il était presque 08h, et Alene était encore endormie. Omwana attribua cela à toutes les émotions par lesquelles elle était passée la nuit dernière. La découverte de sa nature et la signification de son départ, il avait bien senti que tout cela l’avait perturbée. Mais il alla quand même à son chevet, elle avait assez dormie. En entrant, il vit qu’elle dormait encore, mais au lieu d’être à sa place, elle avait roulée et dormait maintenant à l’endroit où il était encore couché quelques heures plus tôt, serrant son oreiller à lui dans ses bras. Il vint s’assoir sur le lit près d’elle et remarqua qu’elle pleurait en dormant. Elle devait être en train de faire un cauchemar, il la bouscula pour l’obliger à se réveiller :   -          Alene ! Ma belle réveille-toi, dit-il doucement   Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle sembla étonnée de le voir et lui sauta presqu’au cou. Omwana la serra contre lui un moment, le temps qu’elle se calme un peu, puis, il la força à le regarder :   -          Pourquoi tu pleures chérie dis-moi, fit-il en lui caressant les cheveux tendrement -          J’ai fait un cauchemar, dit-elle en reniflant -          Et qu’est-ce qui se passait dans ce cauchemar, pour que tu pleures comme ça ? reprit l’homme -          Tu étais mort, ajouta-t-elle en se remettant à pleurer et moi je ne… je ne… tu me manquais tellement   Elle le regardait et passait tour à tour ses mains sur son visage, son torse etc… comme pour s’assurer qu’il était bien là. Il la serra dans ses bras. Ses rêves l’avaient ramenée à la discussion qu’ils avaient eue la veille au soir dans le salon. Et lui qui pensait que tout était oublié, et qu’après cet instant de pure plaisir qu’ils avaient partagé, elle avait été rassurée sur sa place dans la vie sa vie à lui. Et voilà que sans le vouloir, il avait installé dans son esprit une autre peur, ce n’était pas son but, mais c’est ce qui s’était passé. Il lui fallait désormais la rassurer :   -          Chérie, tu te souviens de ce que je t’ai hier ? Demanda Omwana   Alene le fixa un moment tentant de rassembler ses souvenirs. Elle semblait repenser à leur conversation de la veille, puis elle hocha la tête :   -          Alors rappelles-moi ce que je t’ai promis, fit l’homme -          Que tu ne t’en irais pas, dit-elle en reniflant -          Alors il n’y a aucune raison pour que tu te fasses du mauvais sang, je ne vais nulle part, lui promit-il en la prenant dans ses bras encore, je t’aime ma belle et je ne vais plus nulle part   Il déposa de nouveau un b****r sur son front. Et la garda serrée contre lui un bon moment, il se rendit compte que lui aussi aimait ça. La tenir serrée contre lui, sentir son cœur battre, l’odeur de ses cheveux, la douceur de sa peau… toutes ces petits gestes avec lesquels il lui disait qu’il l’aimait :   -          Tu sais quoi mon cœur ? -          Quoi ? S’enquit-elle -          Je t’ai fait un moelleux au chocolat avec de la crème chantilly, j’espère que tu vas aimer, -          Tu veux te rattraper hein, dit-elle en riant -          Et comment ! Après la soirée gâchée d’hier, j’ai envie de te faire passer une superbe journée, -          Toi et moi un dimanche matin à faire la grasse matinée, c’est déjà une superbe journée tu ne crois pas ? Questionna-t-elle en retournant s’allonger sur le lit et en tendant les bras vers lui -          Oui, c’est vrai chérie ! C’est déjà une superbe journée, dit-il en passant la main tout doucement sur son ventre, avant de saisir les mains qu’elle lui tendait   Puis, il l’attira vers lui et la prit sur ses genoux en l’embrassant tendrement. Ils n’avaient pas besoin de plus, ils étaient tous les deux. Omwana comprenait désormais ce que tentait de lui expliquer sa mère, depuis si longtemps. Il était déjà venu bien des fois dans ce monde, pour aider une famille ou une autre. Combien de couples avaient vu leur rêve d’avoir des enfants se réaliser, grâce à lui. C’était toujours pareils, après s’être fait initié à la religion traditionnelle de leur clan, ils arrivaient chez sa mère les bras chargés de présents, s’installaient au bord de la source dans laquelle elle vivait, et exécutaient le rituel pour l’appeler. Il avait vu cela des milliers de fois. Ensuite une fois face à l’ondine couronnée, ils présentaient leur requête. Sa mère était exigeante, elle regardait les cœurs et non les présents qu’on lui avait apporté, si vous lui conveniez, alors elle vous confiait un de ses petits. Toujours avec la même condition ; le traiter aussi bien qu’elle traitait elle-même ses enfants, car s’il se plaignait un jour d’être malheureux dans sa nouvel famille, elle venait le récupérer lui et toutes les richesses qu’il vous avait apporté. C’était l’entente ! Ses frères venaient souvent seuls, et en général, ils étaient enfants uniques, mais Omwana lui, était porteur de vie. Dès qu’il venait dans un couple, il passait toujours sept années tout seul puis, il permettait à ses nouveaux parents d’avoir d’autres enfants. Ayant eu la chance de vivre au milieu de parents aimants et dévoués, il développait à chaque fois un attachement presque viscéral à ceux-ci, et à chaque fois qu’il les perdait, il ne leur survivait pas longtemps. Il n’avait donc jamais prit le temps de vivre autre chose. Cette fois c’était différent, il y avait Alene. Elle était assise sur ses genoux et le taquinait en souriant. Tantôt en ramenant ses tresses sur son visage, tantôt en le chatouillant :   -          Alene ! -          Oui, dis-moi ! -          Tu ne veux pas savoir avec qui tu partages ta vie ? Demanda Omwana en souriant à la jeune femme   Elle baissa la tête un peu hésitante, il avait raison. Cette créature qu’il était, avait une réalité autre que celle qu’elle connaissait, et si elle l’aimait, elle se devait d’apprendre à la connaitre elle aussi. Il y avait peut-être des règles à suivre pour pouvoir vivre à ses côtés, ou encore des précautions à prendre pour qu’il se sente bien dans ce monde et ne soit pas tenté de partir. Puis d’un coup elle se souvint de quelque chose qu’il avait dit la veille :   -          Tu as dit des bénédictions… alors l’afflux de clients à la boutique depuis que je te connais… c’est toi ? -          Oui mais je ne le fais pas exprès… c’est juste que mon amour pour une personne à tendance à lui apporter la fortune, -          Je sais, j’ai bien compris ce que tu as dit, fit la jeune femme, et il y a des choses que je n’ai pas le droit de faire ou de te faire faire… ou… ?   L’homme sourit, elle se croyait certainement dans un conte maintenant, dans lequel, à la moindre erreur, elle risquait de le perdre. Alors c’était ça, sa plus grande peur maintenant… le perdre. Il la prit contre lui et lui parla dans le creux de l’oreille :   -          Maintenant que je suis adulte, je suis régit par les même lois qui régissent la vie des humains, et personne même pas ma mère ne peux plus me reprendre, puisque c’est ça qui semble t’inquiéter. Simplement en dehors de ma vie ici, j’ai des obligations chez moi alors de temps en temps tu remarqueras que je suis plongé dans un genre de coma, il ne te servira à rien d’essayer de me réveiller, et tu ne dois pas avoir peur non plus, ni m’emmener à l’hôpital, c’est juste que je suis avec ma mère pour un moment, selon ce que je dois y faire, ces périodes peuvent être plus ou moins longues, tu comprends ? -          Oui je comprends, dis-moi Omwana, si on vie tous les deux ensemble, on pourra avoir des enfants ?   Il sourit à cette remarque, il n’avait jamais pensé à ça. En plusieurs vies, il n’avait jamais été que l’enfant et c’était tout ce qu’on lui avait demandé. Il avait toujours été « le fils de… » ou « l’enfant de… », et jamais autre chose. Pour la première fois, il était l’amoureux de quelqu’un, et peut-être que pour une fois ce serait lui le père de quelqu’un, et tout cela était nouveau pour lui, même le simple fait de l’envisager. Il ne savait rien de ce que cela impliquait. Heureusement pour lui, tout au long de ses vies, il avait eu des pères et, il les avait vu se comporter avec lui et ses jeunes frères et sœurs, il s’en inspirerait. Des pères il en avait eu et ces hommes au fil du temps lui avaient à leur manière apprit à en être un. Et un bien meilleur que ceux qu’avaient certains enfants alors, il était sûr de s’en sortir. Et puis aussi il pourrait surement compter sur Alene pour l’aider. La jeune femme le regardait en attendant la réponse à sa question. Elle se demandait à quoi il pouvait bien penser. Etait-ce une question difficile, ou ne l’avait-elle pas formulée comme il fallait ? Et ne le voyant pas réagir, elle en conclut que peut-être lui était-il impossible d’avoir des enfants :   -          Je… je suis désolée pour la question, mais tu sais si tu ne peux pas avoir d’enfants ce n’est pas grave tu sais, et puis si tu veux on peut parler d’autre chose, dit-elle -          Non, excuses-moi j’étais perdu dans mes pensées, en réalité je peux avoir des enfants, c’est juste que c’est la première fois que je suis face à une demande pareil, d’habitude c’est moi l’enfant et j’apporte la fertilité au ventre qui m’a porté, mais être père… c’est la première fois que je me retrouve en train de simplement envisager cette possibilité, je n’ai jamais été amoureux avant, je n’ai jamais eu de petite amie avant, et encore moins une assez proche de moi pour faire de tels projets tu vois ??? Et je dois avouer que cela m’a un peu surpris de t’entendre me poser cette question   Alene rit en voyant la tête qu’il faisait, et se souvint tout à coup qu’il avait mentionné son âge, elle le regardait maintenant d’une façon étrange et il s’en rendit compte :   -          A quoi tu penses ? -          A ton âge, je me disais « ma grande tu sors avec un vieil homme », dit-elle avant d’éclater de rire à nouveau, -          Tu continu de te moquer de moi Alene ce n’est vraiment pas bien, dit-il un peu gêné cette fois -          Hey, je te taquine c’est tout, ne fais pas cette tête, elle l’embrassa et contrairement à son habitude il ne répondit pas à son b****r, chéri, ne te vexes pas je t’en prie, fit-elle suppliante en le prenant dans ses bras, je n’aime pas quand tu es fâché avec moi   L’homme passa ses bras autour de sa taille et la serra contre lui. Il avait un peu de mal à comprendre son humour certaine fois et la question de son âge semblait l’émouvoir plus qu’il ne l’avait pensé. Il ne se savait pas si sensible. Mais elle n’avait pas tort, et en tant que son ainé de très très loin, il se devait de faire preuve de patience envers elle. Surtout qu’elle ne disait pas cela dans le but de le vexer :   -          Tu me pardonnes ? fit-elle sans bouger -          Oui bien sûr, répondit l’homme en lui passant la main dans les cheveux, je ne suis pas fâché… -          Je m’excuse, je vais arrêter de faire l’idiote tout le temps je… -          Non ce n’est pas ce que je veux d’accord, simplement évite de parler de mon âge, ça me frustre, c’est la première fois que j’entends une personne y faire allusion et je ne savais pas que cela me mettais à ce point mal à l’aise -          Promis,   Elle était toujours serrée contre lui, et ne semblait plus vouloir bouger, et ne disait rien non plus. L’homme cru revivre la scène de la veille, il n’avait en aucun cas voulu l’offusquer juste lui faire comprendre qu’au milieu de toutes ces premières fois qu’il vivait avec elle, certaines n’étaient pas des expériences positives. Mais de la voir si triste, le mit mal à l’aise :   -          Ecoutes, j’ai bien compris que tu plaisantais, et ça va, alors ne sois plus aussi calme, ça me fait tout drôle de te voir comme ça, -          Je n’ai pas envie que tu te fâches encore… expliqua la jeune femme -          Tu sais ce qu’elle dit ma mère à propos de ça ? Coupa l’homme -          Non dis-moi, -          Que la vie, c’est aussi des déceptions, ajouta-t-il, et on n’en est pas encore là tous les deux non ? -          Non ! Affirma Alene -          Alors arrête d’être comme ça, aller viens on va goûter mon gâteau tu veux ?   Elle ne dit rien, se contentant d’hocher la tête. L’homme se leva, ils sortirent de la chambre ensemble et allèrent s’installer dans le salon :   -          Tu es prête à goûter mon gâteau ? dit-il en souriant -          Oui, répondit-elle en souriant elle aussi, timidement   Il alla dans la cuisine et revint avec le gâteau dans les mains, et le posa sur la table basse. Il lui tendit le couteau qui était posé sur l’assiette sur laquelle se trouvait le gâteau, et lui fit signe de le couper. Elle en coupa deux parts et prit deux petites assiettes dans l’armoire derrière eux et servit :   -          Tu ne m’aimes plus c’est ça ? Interrogea Omwana inquiet, lorsqu’elle revint s’installer à ses côtés -          Pourquoi tu dis ça ? S’enquit Alene un peu surprise -          Parce que je te sens distante maintenant, comme si tu ne voulais pas être ici avec moi, comme si ma présence te mettait mal à l’aise quelque chose comme ça, tu sais que je ne supporte pas m’imposer, et déteste être là où je sens qu’on ne me veut pas…   La jeune femme souffla, elle leva les yeux sur lui et il se rendit compte qu’elle avait encore les yeux qui brillaient :   -          Et moi qui pensais te faire passer une superbe journée, je n’arrête pas de te faire pleurer, je comprends maintenant ce que tu voulais me dire le jour où on s’est rencontré, un ami ça sait quand on plaisante et ça ne se vexe pas pour une blague idiote, et ça se confie librement sans avoir peur d’être jugé, et moi jusqu’ici je n’ai pas été un très bon ami pour toi -          Ne dis pas ça, dit-elle en s’essuyant les yeux -          Ce n’est pas parce que je ne le dirais pas que je ne le penserais pas, alors autant que je te le dise, je voudrais pouvoir effacer tout ça et tout recommencer depuis le début, mais je ne le peux pas, je n’ai pas ce pouvoir, alors ça va être encore à toi de me pardonner tu veux bien ? -          Oui, fit-elle en s’approchant de lui   Il la prit dans ses bras :   -          Après un séjour pareil tu ne voudras surement plus jamais venir chez moi, je suis un piètre hôte, même pas fichu de recevoir sa copine comme il faut, fit-il   Elle éclata de rire dans ses bras, et déposa un b****r sur ses lèvres cette fois il répondit à son b****r en la serrant contre lui. Il n’avait pas le pouvoir de faire remonter le temps ni d’effacer la mémoire des gens, mais il savait quoi dire pour la faire rire et ça aussi mine de rien, c’était un super pouvoir. Omwana la tenait serrée dans ses bras et mettait du cœur à lui montrer son amour à travers ses caresses. Ce monde et toutes les nouvelles interactions, qu’il y découvrait, était bien compliqué. Il se demandait comment faisait les humains pour s’en sortir avec tout ça. Il avait passé toutes ses vies à servir des couples qui l’aimaient sans rien lui imposer, en prenant ce qu’il était comme une bénédiction. Et là il se retrouvait confronté à une personne qui avait une personnalité différente de la sienne et qui n’avait aucune idée des codes de comportement de son monde. Pour une fois ce serait à lui de faire des efforts pour ne pas la vexer, ou la rendre malheureuse, ou encore la frustrer. Il se demandait si tout cela valait bien le coup. En deux jours il avait fait tellement d’effort sans arriver à rien.  
Lecture gratuite pour les nouveaux utilisateurs
Scanner pour télécharger l’application
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Écrivain
  • chap_listCatalogue
  • likeAJOUTER