Chapitre8

1367 Mots
Ses mâchoires se crispèrent. Je vis dans son regard qu’il comprenait parfaitement la menace. La meute nordique était bien plus puissante que la nôtre — cinq fois plus nombreuse, mieux armée, impitoyable. Je me détournai, saisissant ma valise. « Je pars une semaine, Graham. C’est tout. » Il resta immobile quelques secondes, les poings serrés, incapable de répondre. Puis il quitta la pièce sans un mot, claquant la porte derrière lui. Le silence qui suivit fut assourdissant. Je restai seule un instant, le cœur lourd, en songeant à ce que cette séparation allait réellement signifier. Dès le premier instant où mon regard s’est posé sur Kylie, à l’université, quelque chose en moi s’est éveillé. C’était bien plus qu’une simple attirance : une force sauvage, viscérale, incontrôlable, brûlait dans mes veines. Blaze, mon loup, n’avait cessé de s’agiter, grognant, grondant, m’obligeant à la suivre du regard chaque fois qu’elle passait. Je luttais intérieurement, cherchant à comprendre pourquoi cette jeune femme, au sourire discret et au regard farouche, avait autant d’emprise sur nous. Si je m’étais retrouvé à cet événement universitaire, c’était uniquement parce que Katy, son amie et colocataire, m’y avait traîné de force. J’avais accepté, sans enthousiasme, pensant ne rester qu’un mois tout au plus. Mais dès l’instant où j’avais croisé Kylie, j’avais su que rien ne serait simple. Blaze, lui, ne me laissait aucun répit. Il voulait l’approcher, la sentir, la connaître. C’était une lutte permanente entre lui et moi. Pourtant, la froideur avec laquelle elle m’avait observé m’avait glacé. Ce regard qu’elle m’avait lancé — méfiant, presque dégoûté — m’avait dissuadé d’aller vers elle. Je n’étais pas homme à me jeter sur quelqu’un qui me repoussait, encore moins à imposer ma présence. Alors j’avais fait ce que tout Alpha raisonnable aurait fait : j’avais tourné les talons. Le lendemain, au moment de partir, je n’avais même pas eu le courage de lui dire au revoir. J’avais quitté le dortoir sans prévenir Katy, de peur que la voir à nouveau ne m’incite à faire une erreur. Si je lui avais parlé, j’aurais probablement tout gâché. Les années avaient passé, mais je ne l’avais jamais oubliée. Alors, quand Katy m’avait contacté récemment, la voix excitée, pour me dire que Kylie souhaitait me rencontrer, j’avais ressenti une étrange secousse dans la poitrine. Pourquoi maintenant ? Et surtout, pourquoi moi ? J’avais d’abord hésité, pensant à Zoé — la fille du Bêta Graham, une femme au passé trouble. Mariée autrefois à Alpha Liam, elle avait fui son mari v*****t pour revenir sous la protection de Graham. Sa présence dans la meute lunaire m’avait toujours dérangé, et je savais qu’elle ne se gênait pas pour semer la discorde. Mais Blaze, lui, ne voulait rien entendre. Il me reprochait encore d’avoir abandonné Kylie deux ans plus tôt, et maintenant, il brûlait d’impatience à l’idée de la revoir. « Oui, on y va », avais-je fini par dire à voix haute, et aussitôt, je sentis mon loup se calmer, satisfait. Lorsque j’arrivai enfin à la meute lunaire, je la vis. Elle se tenait près d’une fenêtre, observant le jardin avant de disparaître derrière un rideau, comme si elle voulait m’éviter. Mon cœur s’emballa malgré moi. Mais la joie de la revoir s’évanouit aussitôt que j’aperçus Zoé, drapée de son éternelle arrogance, rodant autour de Graham comme une ombre malfaisante. Je savais que Kylie avait travaillé dur sur le projet Golden Gate, un plan audacieux qui avait déjà prouvé son efficacité dans plusieurs meutes. Officiellement, c’était la raison de ma visite. Officieusement, c’était l’occasion parfaite pour la revoir — pour comprendre ce que j’avais ressenti autrefois, et pourquoi je ne l’avais jamais oubliée. Plus tard, lors du bal organisé en son honneur, elle m’avait retrouvé. Le simple fait qu’elle s’avance vers moi, vêtue d’une robe couleur d’argent, avait suffi à faire taire la salle entière. Graham l’ignorait ostensiblement, trop occupé à flatter Zoé, et cette indifférence me révolta. Comment pouvait-il la traiter ainsi ? Elle était magnifique, plus forte, plus sûre d’elle que jamais. Quand elle découvrit que j’avais préparé un contrat pour officialiser notre collaboration sur Golden Gate, elle sembla surprise, presque méfiante. Mais je n’avais pas agi par pur intérêt. J’avais fait mes recherches, oui — mais c’était surtout une excuse pour renouer ce lien brisé. Alors que je sortais d’un long bain ce soir-là, les souvenirs tournaient encore dans ma tête. Une serviette nouée autour des hanches, je venais à peine de me sécher quand on frappa à ma porte. À l’odeur qui s’infiltra dans la pièce, je sus immédiatement de qui il s’agissait. Elle entra sans y être invitée, couverte d’un parfum écœurant, vêtue d’un minuscule short et d’un haut de bikini qui ne laissait aucune place à l’imagination. Zoé. Ses lèvres s’étirèrent en un sourire faux tandis qu’elle avançait lentement, les hanches ondulant avec ostentation. Blaze grogna dans ma tête, révulsé. « Alpha Logan », minauda-t-elle d’une voix doucereuse, « je voulais simplement vous dire combien nous sommes honorés que vous ayez accepté de visiter la meute lunaire. Peut-être pourrais-je faire quelque chose pour rendre votre séjour plus… agréable ? » Je la fixai froidement. « Je suis désolé, mais qui es-tu pour entrer ainsi dans ma chambre et m’adresser la parole de cette façon ? La dernière fois que j’ai vérifié, la Luna ici, c’est Kylie. Graham t’a-t-il envoyée pour me remercier personnellement ? » Son sourire se figea. « Je… non, Alpha, je— » « Dans ce cas, tu ferais mieux de repartir avant que je ne me demande si ton Alpha approuve ce genre d’irruption. » Ma voix se fit plus dure, mon ton chargé d’autorité. Elle blêmit. « N… non, il ne m’a rien demandé. Je suis venue de mon plein gré. » Je laissai échapper un grondement bas. « Et pour quelle raison exactement ? Qui t’a donné la permission d’entrer ici ? » « Je voulais simplement… vous avertir », bégaya-t-elle, mal à l’aise. « Kylie se sert de vous pour se venger de Graham. Elle n’est pas sincère. Moi, je vaux mieux qu’elle, à tous points de vue. » Un rictus moqueur étira mes lèvres. « Ah oui ? À tous points de vue ? Tu veux dire… au lit aussi ? » Son visage s’illumina d’un enthousiasme naïf. « Oui ! Exactement ! » Je laissai planer un silence glacial, puis ajoutai avec lenteur : « Et tu pensais me le prouver, peut-être ? » Mais avant qu’elle ne puisse répondre, une voix retentit derrière elle. « Zoé ! » Elle sursauta violemment. Le sang quitta son visage lorsqu’elle se tourna et vit Graham dans l’embrasure de la porte, le regard furieux. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » rugit-il. Je pris la parole avant qu’elle ne puisse balbutier quoi que ce soit. « Elle venait, apparemment, m’exprimer à quel point ta meute était honorée de ma visite. Très dévouée, ta Bêta. » Le visage de Graham se figea. Il comprit aussitôt la gravité de la situation : envoyer une femme comme Zoé pour accomplir une telle tâche aurait été une insulte directe. « Je te présente mes excuses, Alpha Logan », dit-il d’une voix tendue. « Elle ne devait pas— » « Oh, elle a aussi précisé qu’elle était meilleure que Kylie au lit et qu’elle voulait me le prouver. » « Quoi ?! » Les yeux de Graham s’écarquillèrent, tandis que Zoé, paniquée, secouait la tête. « Non ! Non, je n’ai jamais dit ça ! Je… oh ! » Ses jambes se dérobèrent soudainement. Elle s’effondra, inconsciente, dans les bras de Graham. « Zoé ! » Il la rattrapa, la souleva et tourna vers moi un regard implorant. « Pardonne-la, Alpha Logan. Ce sont ses hormones… elle ne se contrôle plus. » Je ne répondis pas. Blaze, lui, grondait de fureur dans mon esprit. Elle ose salir le nom de notre compagne. Et c’est à ce moment-là que je la vis : Kylie, qui s’approchait lentement, le regard clair et la mâchoire serrée. Je sentis mes crocs percer ma lèvre inférieure alors qu’un rugissement menaçait de m’échapper. Blaze gronda dans ma tête, d’une voix vibrante de colère et de désir mêlés : — Maman.
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