Prologue

332 Mots
PROLOGUEQuimper ! Il était un sonneur Qui, au début de l’histoire, meurt Sans avoir rien dit à personne ! D’un ton lugubre, l’instrument sonne… Lorsqu’elle ouvre la porte pour laisser entrer le gros chat persan qui attendait patiemment sur le seuil, Marie entend le timbre étouffé de la bombarde. — Ah ! Voilà le fantôme qui remet ça ! Sans même lever les yeux de ses grilles de mots croisés, confortablement installé dans le fauteuil du grand salon, son mari s’inquiète : — Il faudrait peut-être en parler à la mairie ; quelqu’un qui joue de la musique aussi tard le soir, cela n’a rien de normal… Dans le voisinage, personne ne pratique cet instrument, et nul n’a encore réussi à déterminer où pouvait se cacher ce talabarder. — Ne t’en soucie pas ! Il ne fait aucun mal et, passé minuit, il aura fini ; j’ai vérifié la semaine dernière. On ne l’entend que depuis la suite de la tour, juste un petit peu. Et puis, ça me fait une belle histoire à raconter aux clients, ils sont friands de ce genre d’anecdotes mystérieuses, même si celle-ci est totalement inventée… Ce soir, La Gentilhommière est vide, raison pour laquelle Bernard peut profiter du moelleux fauteuil club campé au milieu du salon à l’ambiance cosy : en cette fin d’hiver, la maison d’hôte, sise rue Saint-Nicolas, dans le vieux Quimper, est moins fréquentée. Marie attrape le dictionnaire franco-italien dans l’imposante bibliothèque qui orne la pièce. — Je dois d’ailleurs vérifier un mot. L’autre fois, en racontant mon histoire aux retraités napolitains, je crois bien m’être trompée… Pour fantôme, je disais fantomo, et eux me répondaient fantasma… Je pensais qu’ils plaisantaient, qu’ils transformaient mon spectre en fantasme. Mais non ! Ils étaient sérieux. Bon, il faut que je l’inscrive dans mon carnet, pour les prochains clients italiens : un couple de Romains a réservé pour le troisième week-end d’avril. Mais, en cette fin de journée, le joueur de bombarde connaît quelques problèmes de souffle : la gavotte, vaillamment entamée s’arrête au milieu de la phrase musicale, déjà maintes fois répétée, une poignée de notes fausses et éparses jaillissent encore pendant quelques secondes, puis le silence du vieux Quimper gagne le combat. Ce soir, le fantôme du talabarder est mort une seconde fois.
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