Marlon
J’attends devant tout le monde comme un con. Je suis serré dans ce p****n de costume, le nœud papillon qu’Adena m’a attaché me comprime la gorge alors que j’ai déjà du mal à respirer. Il fait une chaleur infernale, même si la pergola installée pour l’occasion nous offre un brin d’ombre.
- Vous pensez qu’elle a changé d’avis ? demandé-je aux filles assises sur les chaises face à moi qui me mitraillent de leurs prunelles acérées comme si j’avais dit la plus grosse connerie de ma vie.
- Elle arrive, trente secondes ! cingle Adena en s’éventant pourtant avec impatience.
James débarque en courant puis se plante devant moi.
- Je suis là ! C’est bon ! s’exclame-t-il en souriant comme un cinglé.
- Bah p****n, on a failli attendre ! T’étais où ?!
- J’avais des choses à préparer pour votre voyage de noces abruti !
- Tu connais ton texte ?
- Évidemment, j’ai le signal ! Musique, sourires, assurance ! Marions-vous !
Je secoue la tête, exaspéré, lorsque Serena entame la musique qu’elle joue au piano qu’ils ont sorti à l’extérieur pour l’occasion. La traditionnelle marche nuptiale débute et j’attends, comme un alien qui débarque sur terre sans savoir où il est.
Puis tout à coup, elle apparaît, au bras du patron, dans une robe à couper le souffle, d’une beauté exquise. J’ai la mâchoire qui tombe par terre. p****n, je me croirai dans un dessin animé tellement je dois avoir l’air con. Je n’arrive pas à croire qu’elle veuille m’épouser… On dirait… il n’y a pas de mot, même un ange ne pourrait décemment pas être aussi beau.
Elle remonte l’allée entre les rangées de chaises tandis que tout le monde la regarde. Elle sourit et rougit. Bordel… Je vais me marier avec elle.
Dès qu’elle est face à moi, je suis muet comme une p****n de carpe débile. Je ne trouve pas les mots pour dire ce que je ressens, intimidé comme un gamin. J’ai chaud, je n’arrive plus à respirer. Je prends sa main, je suis moite et tremblant.
- Tu… es… très… belle, déglutis-je difficilement.
- Merci, toi aussi, répond-elle en élargissant son sourire timide.
- C’est bon ? Tout le monde se trouve tout mignon ? On peut commencer ? réplique James face à nous, l'air goguenard.
- Vas-y, lui lance Devon en s’installant à côté d’Adena.
- Parfait ! Alors, mes biens chers frères, s’exclame-t-il après s’être raclé la gorge, hilare. p****n, j’ai rien d’un enfant de chœur, mais j’ai été désigné aujourd’hui pour unir par les liens sacrés du mariage, euh… ces deux-là.
- Fais un effort, James…, le menace Isis avec un regard noir.
- Oui, oui, pardon Madame… Je reprends, donc blablabla, liens sacrés du mariage, donc Isis, et Marlon, qui se témoignent leur amour inconditionnel, j’espère pour eux, parce que sinon c’est la merde.
- James !
- Oh ! Ça va, si on peut plus plaisanter !
L’assemblée autour de nous éclate de rire, James ne peut pas s’empêcher de faire le pitre et ça me détend un peu, même si ma belle blonde ne semble pas apprécier qu’il manque de sérieux.
Il poursuit son discours cérémonieux, lançant quelques petites blagues de son cru, puis enfin, nous échangeons nos vœux. Je fais très simple, parce que merde, j’étais contre tous ces trucs, mais ce que je lui dis semble lui suffire… même si rien de ce que je pense vraiment n’est transcrit par mon discours. Je suis incapable de lui dévoiler clairement tout ce que je ressens, c’est trop puissant pour les mots. C’est au-delà de toute expression pour mon âme de soldat rustre. Elle pousse un grand soupir lorsque vient son tour, ne cesse de sourire, je la sens trembler en tenant sa main, elle semble même passer d’une jambe sur l’autre dans un léger mouvement de balancier.
- Marlon, tu m’as sauvé la vie, tu m’as fait renaître. Et grâce à toi, je sais maintenant qui je suis. Je te promets d’être aimante, fidèle et loyale, tous les jours de notre vie, puisque tu es celui qui m’as offert cette seconde chance. Tu me rends heureuse, je n’envisage pas d’avenir sans toi… se marier est à mon sens la seule chose qui manquait à notre unité. Car tu es mon univers, je suis comblée avec toi.
Je suis complètement sonné. Rien dans ce qu’elle dit là ne me fait plaisir. Elle ne parle que d’un don, de soumission… alors qu’il ne devrait qu’être question d’amour. J’avais raison. On n’aurait pas dû faire ça. C’est beaucoup trop tard pour reculer maintenant. Et p****n, je l’aime comme un aliéné… si s’accrocher à mon nom est son souhait, je dois l’accepter.
- Bon, on continue si vous voulez bien avant de tous nous faire chialer. Marlon, Isis, acceptez-vous de vous prendre pour époux respectifs, de vous aimer, vous chérir et tout ce qui s’ensuit, jusqu’à ce que vous en ayez marre ?
- Je suis presque sûre que ce n’est pas ça l’énoncé James ! réplique-t-elle.
- Bah quoi ?! Tu veux qu’on parle de mort aujourd’hui ?! Parce que désolé, mais entre toi qui était déjà à moitié crevée chez les terroristes et lui qui garde le petit cul de la mafieuse la plus cinglée du siècle, vous avez plus de chance de mourir avant d’en avoir marre ! Je vois sur le long terme… Après c’est comme vous voulez !
- Tiens-t'en aux bases, s’il te plaît.
- Eh ! Vous vouliez une cérémonie personnalisée, oui ou merde ?! On peut finir ?
Tout le monde éclate de rire, mais nous échangeons nos fameux oui rituels, puis nous passons nos alliances avant de nous embrasser. Je ne suis plus vraiment là, je suis encore en boucle sur son discours, sur ses mots… sur tout ce qu’on ressent tellement différemment. La seule chose qu’elle aurait dû obtenir, c’est la liberté. Mais la voilà attachée à moi par le doigt. Même si je ne serais sans doute pas le pire des maris, puisque je compte bien faire tout ce qu’il faudra pour qu’elle découvre le monde. Je sais que j’enferme son cœur dans un écrin. Elle s’interdira d’en aimer un autre que moi, de s’accorder cette possibilité-là.
- Félicitations les gars !
- Merci James.
- Bon, tant qu’on y est ?! D’autres candidats ?! J’aime bien faire ça moi !
- Eh bien, peut-être que tu devrais poser un genou à terre et me demander à moi, réplique Andréa en lui souriant d’un air provocant.
- Ça y est, c’est fini ?! s’impatiente Devon. On a du boulot quand même, si on pouvait passer à l’apéro…
- Devon, c’est un mariage ! peste Serena.
- Aucun de nous n’a fait toute cette mise en scène et pourtant… on est marié ! D’ailleurs, notre union était bien plus excitante, ma panthère, ajoute-t-il à l’attention d’Adena qui le toise d’un air venimeux. J’ai adoré te voir démunie quand je t’ai montré notre acte de mariage et que tu t’es littéralement liquéfiée de stupeur. Tellement délectable… ces petits duels me manquent.
- Je vais le frapper, comment peux-tu être copine avec lui ?! grogne Adena à Isis pendant que nous redescendons l’allée en essayant de ne pas nous empêtrer dans sa robe.
- Il est drôle et il dit ce qu’il pense, répond-elle spontanément, le sourire aux lèvres.
- Tout le monde au buffet ! s’exclame James en nous emboîtant le pas.
Je suis soulagé d’en avoir terminé avec les mondanités. Je sais que maintenant, nous allons passer une bonne soirée.