VIIICombien de temps Valéry demeura-t-il debout, immobile dans la même attitude où l’avait laissé Estelle ?... La notion du temps avait disparu pour lui devant l’effondrement soudain de ce qui avait été, depuis deux ans, le but de ses plus chères espérances.
Car ce n’était pas le cœur qui souffrait chez lui. Estelle avait incarné pour son cerveau de calculateur, pour son âme de philosophe le sujet moral à diriger, à former, à modeler. En cette œuvre, il avait mis toutes les forces de son esprit, toutes les énergies de son intelligence, au point de ne plus voir en cette jeune créature qu’une abstraction, un être idéal, modèle des générations rêvées par lui. Son orgueil scientifique s’était passionné pour cette tâche. Il avait, en ces derniers temps, refoulé comme d’étranges imaginations le
