Apparemment, les relations amoureuses n'étaient pas faites pour les Perez. Yanie le pensait depuis longtemps, mais se fut confirmé lorsqu'elle avait entendu les murmures des couloirs, disant que Christian, son fiancé, fricotait avec une nouvelle venue à l'université, une certaine Cécilia. Cette fille blonde et élancée semblait attirer tous les regards, surtout ceux des membres du club de foot, où Christian occupait une place de choix. Yanie ne supportait pas cette idée, même si elle tentait de garder la tête froide.
Ce jour-là, elle observait distraitement le terrain de foot depuis les gradins, cherchant du réconfort dans la routine des entraînements. Christian, après avoir terminé ses échauffements, s'approcha d'elle, son regard un peu sombre, visiblement agacé par quelque chose.
— Yanie ?
Elle tourna la tête sans enthousiasme.
— Ouais ?
Il fronça les sourcils, surpris par son ton sec, inhabituel. Yanie n'était pas de nature froide, mais il savait que quelque chose clochait.
— Qu'est-ce que tu as ? Dis clairement les choses au lieu de me parler de cette façon, je n'aime pas.
Yanie inspira profondément, ses yeux rivés sur le terrain de foot comme pour éviter le sien.
— Tu l'aimes bien ?
Le regard de Christian s'assombrit encore plus.
— Sois claire... De quoi tu parles ?
— Ne fais pas l'innocent, Christian. Cecilia. Tu l'aimes bien, n'est-ce pas ?
Il sembla déstabilisé un instant, mais reprit rapidement contenance.
— C'est une jolie fille, ouais... mais c'est toi que je veux, Yanie. On va se marier, tu as oublié ?
Ces mots, qui autrefois auraient suffi à la rassurer, résonnèrent creux cette fois. Yanie croisa les bras, sa méfiance palpable.
— Je n'en sais rien. Je te sens distant ces derniers jours. J'ai l'impression que tu ne me dis pas tout.
Christian soupira, agacé, mais aussi peut-être un peu coupable. Il jeta un coup d'œil vers ses coéquipiers qui l'attendaient sur le terrain.
— Les matchs vont débuter, tu sais que j'ai une certaine pression pour être le meilleur de l'équipe. C'est normal que je sois un peu distant, non ?
Yanie détourna les yeux, frustrée. La pression des matchs... Toujours une excuse.
— Fais en sorte que ces bruits de couloir cessent. Je ne veux pas que ça s'ébruite plus.
Christian secoua la tête, exaspéré.
— Ils racontent tout et n'importe quoi dans cette université, Yanie. Fais-moi juste confiance, s'il te plaît.
Elle hocha doucement la tête, mais son cœur n'y était pas. Elle ne sentait plus la sincérité qu'il avait autrefois dans ses paroles. Pourtant, elle se força à esquiver un sourire, masquant son malaise. Christian, satisfait, l'embrassa doucement avant de retourner rejoindre ses amis du club.
Yanie l'observa s'éloigner, son regard rivé sur son dos, un pincement au cœur. Puis, comme par un étrange signe du destin, Cécilia apparut, entourée de ses amis, riant d'un air insouciant. Yanie les regarda, la gorge serrée. Cécilia avait cette allure parfaite, ce charme désarmant qui attirait l'attention de tout le monde, y compris celle de Christian, qu'il veuille l'admettre ou non.
Elle soupira, rassemblant ses affaires rapidement avant de quitter les gradins. Le bruit des conversations et des rires autour d'elle lui paraissait soudain lointain, comme étouffé par le poids de ses pensées. Chaque pas qu'elle faisait en s'éloignant du terrain semblait plus lourd que le précédent, comme si quelque chose lui échappait.
Elle se souvenait encore du temps où tout semblait simple entre Christian et elle. Ils avaient grandi ensemble, partagé des rêves, des rires, des moments d'insouciance. Elle se souvenait de la première fois où il lui avait parlé de mariage, avec cette étincelle dans les yeux. Elle y avait cru, aveuglément, mais maintenant, tout paraissait flou, incertain.
Son téléphone vibra dans sa poche, la tirant de ses pensées. Elle le sortit rapidement et lut le message : "Je t'aime, ne t'inquiète pas pour ces rumeurs."
C'était Christian, encore une fois. Mais cette fois-ci, les mots semblaient vides, comme une réponse automatique à une inquiétude qu'il préférait ignorer. Yanie glissa le téléphone dans sa poche sans répondre, accéléra le pas. Elle avait besoin de réfléchir, loin du tumulte de l'université et de ses mensonges.
Les jours suivants ne firent que renforcer ses doutes. Christian devenait de plus en plus occupé, avec les matchs, les entraînements, les sorties avec le club. Et Cécilia, elle, semblait être partout. Chaque fois que Yanie pensait à elle, c'était comme une ombre grandissante dans son esprit. Le rire cristallin de cette fille résonnait trop souvent dans les couloirs, et son visage apparaissait bien trop souvent à côté de Christian. Même s'il ne disait rien, Yanie sentait ce changement.
Un après-midi, elle décida d'affronter ses craintes de front. Elle alla directement voir Christian après un entraînement, l'attendant devant la salle des vestiaires. Il sortit enfin, essuyant la sueur de son front, un sourire sur les lèvres.
— Hé, tu m'attends ?
Elle ne répondit pas immédiatement. Il continua, cherchant à détendre l'atmosphère.
— Tu sais que j'ai hâte que le tournoi finisse ? Qu'on puisse enfin passer plus de temps ensemble sans toute cette pression.
Mais Yanie ne se laissa pas attendrir.
— J'ai besoin que tu sois honnête avec moi, Christian. Et je veux une réponse sincère, pas celle que tu penses que je veux entendre.
Il la regarda, visiblement surpris.
— Quoi ?
— Est-ce que tu ressens quelque chose pour Cecilia ? Je ne parle pas juste d'attirance physique. Est-ce que tu... envisages quelque chose avec elle ?
Le silence s'installa entre eux, lourd, presque palpable. Il détourna le regard, cherchant ses mots. Ce simple geste suffit à Yanie pour comprendre.
— Christian... murmura-t-elle, le cœur serré. Je veux savoir. Ne me mens pas.
Il soupira, enfin.
— C'est compliqué, Yanie. Je ne veux pas te blesser, tu comptes énormément pour moi, mais...
Elle ferma les yeux un instant, comme pour se protéger de ce qu'elle redoutait d'entendre.
— Mais ?
— Je ne peux pas nier que je me suis rapproché d'elle, avoua-t-il à contrecœur. Mais ça ne veut pas dire que je ne tiens pas à toi. C'est juste... je ne sais pas, différent.
Ces mots la transpercèrent. Elle recula légèrement, comme si elle venait de recevoir un coup en plein cœur. L'air lui manquait soudainement.
— Différent ?... Je pensais que tu étais sûr de nous. Du mariage, de l'avenir qu'on imaginait ensemble...
Il passa une main nerveuse dans ses cheveux.
— C'était vrai. C'est toujours vrai, mais...
— Mais quoi, Christian ? Est-ce que tu l'aimes ?
Le silence de Christian lui répondit mieux que tous les mots. Elle sentit les larmes monter, mais elle refusa de les laisser couler devant lui. Pas ici. Pas maintenant.
— Yanie, s'il te plaît...
— Non, murmura-t-elle. Je crois que c'est suffisant. Je t'aime toujours, mais je mérite mieux que ça. Je ne peux pas rester avec quelqu'un qui doute de ce qu'on a construit.
Elle tourna les talons, le laissant derrière elle, alors que son cœur se brisait un peu plus à chaque pas qu'elle faisait loin de lui. Christian tenta de la retenir, mais les mots semblaient lui manquer.
Les relations amoureuses n'étaient vraiment pas faites pour les Perez.
Sa fausse sœur jumelle, Cyana, avait eu une journée pour retourner en famille après une semaine passée aux côtés de Fernando. Ce dernier n'était pas du genre à parler beaucoup, leurs échanges restaient toujours succincts et empreints de respect. Pourtant, quelque chose d'inattendu s'était produit ce jour-là. Fernando, d'ordinaire si distant et calculateur, s'était soudain intéressé à Cyana, lui posant des questions sur sa vision de l'avenir.
Le regard intense qu'il posait sur elle l'avait déstabilisée. Cyana, habituée à se protéger derrière un masque de froideur, avait senti son assurance vaciller sous la curiosité de cet homme. Il voulait comprendre, creuser derrière l'apparente indifférence qu'elle affichait. Ces questions, bien que posées calmement, étaient un bouleversement pour elle. Jusqu'ici, personne n'avait réellement cherché à connaître ses aspirations, ses rêves, et encore moins Fernando.
— Cyana, où te vois-tu dans quelques années ? demanda-t-il brusquement, son ton légèrement moins formel qu'à l'accoutumée.
Elle leva les yeux vers lui, hésitant à répondre. Qu'était-ce, une stratégie pour la tester ou une réelle curiosité ? Mais ce regard perçant, cette manière qu'il avait de soutenir son regard la désarma complètement. Elle prit une inspiration avant de lui répondre.
— Je ne sais pas vraiment... J'imagine que je vivrai loin de tout ça, loin des affaires, des intrigues. Je voudrais... retrouver un peu de paix.
Ses mots s'étaient échappés avant même qu'elle n'ait pu les retenir. Elle se mordit la lèvre, regrettant peut-être d'en avoir dit autant. Mais contre toute attente, Fernando ne réagit pas négativement. Il l'observa quelques instants, puis hocha lentement la tête.
— La paix, hein... murmura-t-il presque pour lui-même. C'est un objectif respectable.
Elle ne savait pas si c'était une forme de validation ou simplement une réflexion qu'il partageait avec elle. Mais ce bref échange sembla changer quelque chose. Peu après, il lui accorda cette permission inattendue : un demi-jour pour retourner voir sa sœur. Cyana ne comprenait pas d'où venait ce geste soudain, mais elle ne chercha pas à l'analyser trop longtemps. L'idée de pouvoir revoir sa sœur, même pour quelques heures, la réchauffait d'une manière qu'elle n'aurait pas imaginée.
Pourtant, un demi-jour, ni plus ni moins, venait de Fernando. Ce geste, bien que minime à première vue, était colossal venant de lui. Cyana le savait, et elle mesurait pleinement la portée de cette décision. Ce n'était pas seulement une autorisation ; c'était un signal qu'il avait perçu quelque chose chez elle, un écho à cette vulnérabilité qu'elle avait montrée, même involontairement.
--Yanie? cria Cyana à peine arrivée.
La concernée dévala les escaliers à toute vitesse en apercevant sa sœur. Elle lui sauta dans les bras, toute excitée, incapable de contenir son enthousiasme.
— T'es enfin revenue ! Je croyais que tu ne devais faire qu'une seule journée ! Et tu répondais même pas à mes appels ! As-tu un nouveau téléphone ? Qu'est-ce qui est arrivé à l'ancien ?
Cyana leva les yeux au ciel, amusée par cette avalanche de questions.
— Tu me chauffes le cerveau avec toutes ces questions.
— C'est normal, je suis trop contente de te voir ! Tu sais quoi ? On devrait faire une après-midi pyjama !
— Ça n'existe pas, Yanie, rit-elle doucement.
— Maintenant, si. Je vais demander à Margareth de nous préparer de petits fours. Toi, tu vas te changer en m'attendant.
Voir sa sœur lui redonnait le sourire. Pour un instant, Cyana sentit le poids des jours passés s'alléger, mais elle ne pouvait pas ignorer une pensée qui lui trottait dans la tête. Elle avait l'intention de voir Nath. Une envie qui la rongeait depuis plusieurs jours, mais elle savait que cela allait sans doute s'avérer compliqué. Elle doutait fortement que ses parents, et encore moins le chauffeur de Fernando, la laissent approcher Nath. Ce simple obstacle rendait chaque plan plus hasardeux.
Alors qu'elle montait à l'étage pour se changer, un léger soupir lui échappa. Elle adorait Yanie et l'idée de passer un moment tranquille avec elle l'apaisait, mais au fond, il y avait ce désir de retrouver Nath, de le voir, de sentir cette connexion qu'ils partageaient, une flamme qui, malgré tout, continuait de brûler en elle.
Elle se changea rapidement, choisissant une tenue plus confortable, sans pour autant perdre de vue l'idée de s'éclipser un peu plus tard, discrètement. Elle ne savait pas encore comment, mais elle était prête à trouver un moyen.
L'après-midi avançait doucement, baignée d'une lumière douce et apaisante. Yanie et Cyana étaient installées confortablement, échangeant des mots sur des sujets légers, leur conversation semblable à un flot ininterrompu de paroles qui allait et venait, ponctué de rires et de confidences. Yanie semblait plus volubile que d'habitude, mais malgré cela, son téléphone n'arrêtait pas de vibrer, interrompant sans cesse le fil de leurs discussions. À chaque son de notification, un sourire discret s'esquissait sur ses lèvres tandis qu'elle répondait rapidement aux messages.
— Qui est-ce ? demanda finalement Cyana, intriguée par ces interruptions fréquentes.
Yanie hésita une seconde avant de lâcher un simple :
— Oh, personne.
Cyana haussa un sourcil, sceptique.
— Personne ? Pourtant, tu souris à chaque message. C'est Christian, non ?
Un soupir échappa à Yanie. Elle détournait légèrement le regard, ses mains jouant nerveusement avec son téléphone.
— Pas vraiment... répondit-elle, la voix légèrement voilée. Honnêtement, je ne sais plus où j'en suis avec lui.
Cyana fronça les sourcils, une confusion palpable dans son regard.
— Comment ça ? Vous allez vous marier, n'est-ce pas ?
Yanie ferma les yeux un instant, laissant échapper une légère respiration tremblante.
— Je doute de lui, avoua-t-elle. Il est distant... Et puis, il y a cette fille, Cecilia. La nouvelle.
Le silence s'installa brièvement, pesant comme un secret trop longtemps gardé.
— Tu lui en as parlé ? demanda Cyana, sa voix douce, mais inquiète.
— Oui, mais cette fois, c'est différent. J'ai l'impression qu'elle lui plaît vraiment. Et qu'il le nie simplement pour ne pas me blesser, d’ailleurs, il ne m’a pas répondu quand je lui ai demandé si, il l’aime…
Cyana se redressa légèrement, son regard s'assombrissant. Elle savait que Christian, tout comme Nath, avait toujours attiré l'attention des filles. Mais contrairement à Nath, Christian était extraverti, toujours à l'aise avec les gens, ce qui facilitait les relations. Il avait toujours choisi Yanie, mais cela ne signifiait pas pour autant qu'il avait été irréprochable.
Un léger sourire coupable apparut sur les lèvres de Yanie avant qu'elle n'ajoute à voix basse :
— J'ai rencontré quelqu'un... et c'est avec lui que je parle en ce moment. Mais je te rassure, il n'y a rien entre nous. Il est juste drôle, il me remonte le moral... et il sait que je suis en couple.
Cyana, surprise, répliqua presque aussitôt :
— Et que tu vas surtout te marier ?
— Oui... enfin, je crois… souffla Yanie, pensive.
Cyana la regarda longuement, partagée entre l'empathie et l'injustice qu'elle ressentait. Yanie et Christian avaient eu la chance d'échapper au même sort qu'elle et Nath. Pourtant, ils semblaient prêts à gâcher ce bonheur que, de son côté, elle avait perdu avec Nath, un bonheur qu'elle ne retrouverait peut-être jamais.