Chapitre 3

1113 Mots
POV Anjel Après quelques plaisanteries enfantines, on retourne à notre petit concert improvisé sur le banc — sans ballon cette fois, heureusement. Le soleil tape encore un peu, mais l’air commence à sentir la fin d’après-midi, ce moment où tout devient doré, où la vie semble presque trop douce pour être vraie. — Tu restes combien de temps ? demande Érina, sans lever les yeux de sa guitare après avoir terminé son morceau. Je souris en remuant légèrement mes jambes pendantes du banc. — Encore un mois, et après j’y retourne. Rien que d’y penser, j’ai déjà la flemme, rigolais-je. Elle souffle, pince une corde au hasard. — Toi, au moins, tu peux réaliser ton rêve d’être avocate. Tu avances, toi. Rien ne t’arrête… alors que moi, je suis toujours à la traîne. Je me tourne vers elle, vexée pour elle. Je la prends dans mes bras sans réfléchir. J’aime pas quand elle parle comme ça. Ça fait comme une petite fissure dans ma poitrine. — Dis pas ça, chuchotai-je en lui caressant le dos. On sait pas ce que l’avenir nous réserve. C’est vrai, pour le moment tu te sens au plus bas, mais un jour — peut-être pas demain, ni après-demain — ton rêve se réalisera. Je rigole un peu, histoire de casser l’ambiance dramatique avant qu’elle s’installe trop. — Parce que t’es une bonne personne, travailleuse, avec le cœur sur la main. Ne baisse jamais les bras. Moi, je serai toujours là, d’accord ? Elle relève la tête, un vrai sourire cette fois, celui qui montre qu’elle est touchée mais qu’elle tente de le cacher. — Tu sais te montrer très convaincante, quand tu veux. — Oui, je sais. Ça fait partie de mes nombreux charmes. — Je comprends mieux pourquoi t’as autant d’ex, ricane-t-elle. — Ha ha ha ! Très drôle. Dis-je de façon sarcastique. Et on repart dans un fou rire. Le genre de rire qui efface tout. Même les petites ombres du cœur. On secoue la tête, on manque de tomber du banc, et pour une seconde, j’oublie tout ce qui me pèse. Maintenant que j'y pense… Liam était beau et avait un beau sourire. Il m’a lancé un regard plus tôt qui… Non non non. Mais qu’est-ce que je raconte ? Anjel, stop ! Arrête de penser à des trucs comme ça sinon tu vas encore te faire des fausses idées et— — Salut, Anjel. On se retourne toutes les deux. Et là… je le vois. Nasher Colman. Le mec qui m’a laissée un vide dans le cœur. Un connard certifié. Manipulateur, charmeur, dangereux. Vingt-quatre ans d’égo et de mensonge. Un Don Juan en version toxique — et moi, j’ai été assez bête pour y croire. Il fait un signe à Érina, comme si de rien n’était, puis reporte son attention sur moi. — Salut, dis-je sèchement. Que nous vaut le déplaisir de ton approche ? Il rit, passe une main dans ses cheveux — ces cheveux que j’aimais tant caresser autrefois. Stop, Anjel. Remets-toi sur les rails. — Toujours aussi directe et sarcastique, à ce que je vois. Je croise les bras, menton levé, comme une petite armure invisible. — Que veux-tu que je te dise ? Dire que je suis contente de te voir serait un euphémisme. — Ah là là… n’empêche, je suis content de te revoir en forme. — Moi aussi, je suis contente de me savoir en forme… et sans parasite pour m’embêter, lançai-je avec un sourire tranchant. — Range tes griffes, tigresse, je suis pas venu pour me disputer. Je fais que passer. — Super. Tu m’as vue, tu m’as saluée, le ciel est beau, tout le monde est content. Bye ! Il me fixe longuement, cherchant une émotion dans mes yeux. Une once d’affection, une once de regret… mais il se trompe d’époque. Je ne ressens plus rien. Rien d’autre que du dégoût pur et simple. — J’ai été ravi de te revoir, dit-il finalement. Silence. — J’espère qu’on se reverra ! — Ouais, c’est ça. Dans tes rêves les plus fous, oui. Et le voilà qui s’éloigne, mains dans les poches, comme si c’était lui la victime de l’histoire. Pitié. Érina soupire derrière moi. — Tu penses pas que t’y es allée un peu fort ? me dit-elle, l’air réprobateur. — Désolée si j’ai paru impolie, mais je peux pas le supporter, soupirai-je. Elle pince les lèvres. — Hm… Ça a un rapport avec ce qui s’est passé à la Saint-Valentin ? Je me mords la lèvre. Le souvenir pique encore. — Y a pas que ça. C’était pas seulement une question d'amour… c’était une question de confiance. Elle hoche lentement la tête. Son regard se fait doux. Pas intrusif. Juste… présent. — D’accord. C’est toi qui vois. Elle souffle, cherche une transition. — Sinon… comment ça se passe avec Dylan ? Je ris, mais sans joie. La version brisée du rire. — J’te l’ai pas dit ? On s’est séparés. — Et le fautif ? — Je suppose que c’est moi. C’est moi qui ai cassé. Elle soupire comme une grande sœur fatiguée de mes déboires sentimentaux. — Ah, ma petite folle… qu’est-ce qu’on va faire de toi ? Je regarde la mer. Les vagues. Le ciel qui commence à se charger d’un gris léger. L’air salé me brûle un peu le nez. — C’est pas grave, murmurai-je. On m’a trop brisée, alors j’ai du mal, c’est tout. Rien de nouveau. — Allez, viens là, toi. Elle m’ouvre les bras. Je m’y glisse comme une enfant, blottie contre elle, bercée par ses paroles apaisantes. Et dans ce silence salé, je me dis que si les gens partent… certains restent vraiment. Et parfois, ceux qui restent sont ceux qu’on n’attendait pas. — Mais n'empêche, si Liam te voyait ainsi blottie dans mes bras, je crois qu’il t’appellerait l’ange pleurnicheuse, rigole-t-elle. Je crois que si ça arrivait, je ne sentirais plus du tout mes organes. Je suis sûre que vous formeriez un couple de ouf. Je relève brusquement la tête. — Dis pas n'importe quoi Érina. Je le connais même pas ce mec. — Peut-être, mais on sait toutes les deux que le destin aime nous jouer des tours. Je ne serais pas étonnée si vous sortiez ensemble. — Anything ! Si jamais ça arrive, je m’habille en sexy pour ton anniversaire. Autant te dire que je ne compte pas m’habiller ainsi, dis-je en lui donnant un petit coup de coude au ventre. — On verra bien. Elle sourit, mystérieuse, comme si elle voyait déjà quelque chose que moi je refuse de prononcer. Un frisson me parcourt l’échine — un mélange de peur, d’excitation, d’inconnu.
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