L'amour ! Encore !?

Chapitre 1

Deux ans plus tôt

PdV d'Anjel

Depuis gamine, j’ai toujours cru que ma bonne étoile me protégeait, peu importe la galère.

Mais là… je crois qu’elle a pris un jour de congé stellaire. Direction une autre galaxie. Peut-être même un spa cosmique. Avec massage inclus.

Et sérieusement, tout ce que je voulais, c’était un après-midi tranquille. Un peu de soleil, un peu de vent marin, un peu de guitare. Pas une ambiance "réunion générale de mes exs anonymes".

— Sérieusement, Anjel ! J’aimerais vraiment pas être à ta place, gémit Érina en étouffant un rire nerveux.

— Et tu crois que ça me plaît, à moi ? Mon Dieu… j’aimerais être n’importe où sauf ici ! Aide-moi, Érina, je t’en supplie !

Parce que oui : aujourd’hui, par une conspiration qui dépasse la logique humaine, tous mes ex se sont retrouvés dans le même endroit.

Les mêmes bancs.

La même herbe.

Le même soleil.

Le même petit vent… qui a sûrement aussi soufflé sur ma dignité avant de l’emporter au large.

— Fais comme s’ils n’étaient pas là, et tout ira bien, dit-elle en me tapotant l’épaule.

— Facile à dire ! Ça se voit que t’es pas à ma place.

Je me cache le visage dans mes mains, puis je redresse la tête d’un coup. Mauvaise idée, j’ai une bouffée de détective parano qui monte.

— Dis-moi, Érina… t’aurais pas un petit rapport avec tout ça, par hasard ?

Elle bondit en mode lionne outrée, les mains sur les hanches, sa crinière rouge flamboyant au soleil.

— Non mais t’es sérieuse ? Tu crois que j’ai rien d’autre à faire que d’aller voir tous tes exs pour leur dire de se pointer ici ? You know very well that’s not my kind of joke. It’s you who loves this kind of prank, not me !

Ah. Voilà. Le mode anglais.

Quand Érina passe en anglais, c’est qu’on est à deux doigts de l’explosion volcanique.

Je joins mes mains façon prière sacrée, et je prends la tête de chiot battu. Celle qu’elle ne peut pas ignorer.

— I’m really, absolutely, gigantically sorry for what I said. I didn’t think. It’s just that seeing them all here at the same time… put a lot of pressure on me. I beg your pardon, my dear, my very, very dear Érina.

Comme on dit : combattre le feu par le feu.

Moi je dis : combattre l’anglais par l’anglais.

Elle soupire, vaincue, puis se rassoit à côté de moi.

— Sérieux, plus têtue et gamine que toi, tu meurs.

— Mais tu m’aimes comme ça, avec mes défauts et mes qualités. T’y peux rien.

— Toi alors… soupire-t-elle. Au fait, je me demandais : comment va Danie ?

Je lève les yeux au ciel, réfléchis deux secondes.

— Bien, je suppose.

— Tu supposes ? Vous êtes pas censées être meilleures amies ?

Je pouffe un rire sec.

— Des meilleures amies ? Elle s’est autoproclamée comme telle. Moi je la vois juste comme une amie. J’ai accepté pour lui faire plaisir, parce qu’à l’époque presque tout le monde la supportait pas.

— C’est cruel, ce que tu dis.

— Peut-être, mais c’est la vérité. J’en ai marre de jouer la gentille juste pour rendre les autres heureux au détriment du mien.

Je prends une grande inspiration.

— La preuve : elle me parle seulement quand elle a un problème, et m’ignore quand tout va bien. Tu sais pas à quel point c’est usant.

— Pourtant tu l’écoutes toujours. Tu la conseilles toujours.

— C’est normal. Je lui dois bien ça. Elle m’a aidée plus d’une fois.

Je souris, sincère.

— Elle m’énerve, mais elle m’a déjà rattrapée quand j’allais tomber mentalement, tu vois. Continue ai-je.

— Je l’aimais bien aussi, mais on était trop différentes. De nous toutes, c’est toi qui l’as supportée le plus, malgré son sale caractère.

— Ça, j’avais remarqué, rigolais-je. Vous n’arrêtiez pas de vous disputer.

— C’était pas de ma faute si elle me contredisait tout le temps ! ricane-t-elle en sortant sa guitare. Tu m’accompagnes ?

— Avec plaisir ! sifflais-je, presque en sautillant.

Si j’ai pas trouvé un plan pour éviter mes exs, au moins j’ai la musique pour me consoler.

Elle commence à jouer, et mon cœur ralentit un peu.

Je ferme les yeux.

Je chante avec elle.

Ça fait du bien. Le genre de bien qui tombe comme une couverture chaude sur les épaules.

La brise marine est fraîche, le bruit des vagues ressemble à un murmure, et l’herbe sous mes pieds est si douce.

Si je pouvais figer le monde à cet instant, je le ferais.

— ATTENTION !!!

Je rouvre les yeux immédiatement. Et me retourne.

Un ballon fonce droit sur nous.

Ou plutôt, sur moi.

Il arrive comme un missile intergalactique, lancé par un champion de basket en quête de destruction.

Pas le temps de réagir.

BAM !!

Impact.

Mes neurones applaudissent puis démissionnent.

La balle retombe au sol.

Moi aussi, ou je m’apprête à le rejoindre.

Je perds tout équilibre. Mes bras moulinent dans le vide, comme si je tentais de combattre la gravité à mains nues.

Je ferme les yeux, prête à embrasser le sol poussiéreux. Et honnêtement, j’ai pas spécialement envie d’avoir la terre comme rouge à lèvres.

Mais…

Je ne tombe pas.

Deux bras puissants se referment autour de moi.

Un torse solide me rattrape, large, chaud, ferme.

Wow. Juste wow !

C’est quoi ce scénario ?

Pourquoi j’ai l’impression d’être tombée dans un drama coréen ?

Où est la caméra cachée ?

Qui a ajouté une b***e-son romantique ?

J’ouvre les yeux lentement.

Je me retrouve nez-à-nez avec…

UN MEC.

Pas juste un beau mec.

Pas juste un très beau mec.

Mais un p*tin de trop beau mec.

Un danger public pour la gente féminine.

Je bloque complètement.

Je reste là, suspendue dans ses bras, sans bouger, sans respirer.

Il sent la vanille masculine, la sueur propre, le sport, l’été.

Sa peau est tiède, son souffle un peu court.

Son visage… trop proche. Beaucoup trop proche.

Je crois que mon cerveau redémarre comme un vieux PC Windows de 2008.

Non mais…

C’EST QUOI CE p*tin de bordel de merde !?

Je suis littéralement dans les bras d’un inconnu sculpté comme si son père était athlète et sa mère déesse grecque.

Ses yeux… je les vois pas encore très bien, mais ils brillent comme s’ils avaient une punchline à me sortir.

Et moi ?

Moi je suis juste là, pendue à lui, digne comme une chaussette mouillée.