10 Un jour qu’il pleuvait, que le rata était immangeable, que le travail qui nous restait à faire était plus pénible que d’habitude, que la plaine qui s’étendait autour de nous semblait sans limite, je m’approchai de deux de mes camarades qui s’étaient abrités sous un wagon, entre les essieux, et qui, dernier vestige de l’indépendance perdue, avaient laissé leur gamelle devant eux, sans la ranger immédiatement. Ils fumaient une cigarette à deux, se la passant après chaque bouffée. Je m’assis à côté d’eux. Je leur dis que cette existence ne pouvait plus durer, que j’en avais assez, que si ça continuait je ferais un mauvais coup. Je croyais qu’auprès d’hommes plongés dans une pareille détresse, d’autres plaintes répondraient aux miennes. Mais ils gardèrent le silence. Je leur dis qu’il ne


