Chap. XII
_ Je ne sais pas ce que tu as de si personnel à me demander pour m’attirer loin des autres, dis-moi, fit Nko’o en arrivant près de son ami
Le jeune homme était resté assis là et pendant qu’il attendait, il s’était mis à penser à autre chose si bien qu’il sursauta lorsque l’autre s’adressa à lui :
_ Oh mince excuse moi, j’étais à des années-lumière d’ici,
_ Maintenant que tu es revenu, raconte, dit encore Nko’o en prenant place en face de lui
_ J’ai un sérieux problème, et franchement ce n’est pas du tout une question de vie ou de mort mais j’aurais besoin que tu me donne un coup de main
_ Accélères frangin, tu sais que je n’aime pas les entrées en matière qui durent trop longtemps
_ Ok, je vais faire court, depuis un bon moment je fais n’importe quoi avec mes finances, j’aimerais bien me mettre à mon compte mais… c’est…
_ Tout doux, d’abord commence par me dire ce que tu veux faire, se mettre à son compte c’est bien mais si tu ne choisis pas bien dans quoi te lancer c’est la m***e, tu me comprends ?
_ Bien sûr, mais si j’ai une idée claire de ce que je veux faire tu pourras me donner un coup de main ?
Nko’o observa son ami un petit moment, il se dit que le type avait l’air sérieux, mais sacré bonhomme il y avait mis le temps :
_ Ça fait un bail que je t’en parle et là tu te réveilles au moment où j’ai plein de projets sur le feu, mince mon gars, tu vois dans quelle situation tu me mets ? Si je n’arrive pas à t’aider ça va donner l’impression que c’est à cause de la gamine, et cette p****n de rivalité qui est entre nous…
_ Tu ne me croiras pas mais tout ça m’était un peu sorti de la tête tu es la seule personne…
_ Je sais bien, coupa Nko’o, je sais bien ce que tu veux dire, je vais te donner un coup de main quoi que ça me coute…
_ Non frangin tu…
_ Laisses tomber, d’accord ? J’ai dit que j’allais t’aider, penses à ce que tu veux faire et on en discute dès que tu es prêt
_ Ok,
_ Tu as le chic pour choisir tes moments toi hein ??? Pourquoi maintenant ?
_ Je viens de réaliser qu’avec les folies que j’ai faites pour Afep, j’ai jeté par la fenêtre l’équivalent de l’investissement pour un petit hôtel, et je me rends compte que j’aurais pu être autonome depuis un bail, et voilà que j’ai une fille et c’est à cause d’elle que je réalise tout ça
_ C’est normal, ok, écoutes on est juste passé te montrer la p’tite aujourd’hui alors essaie de passer du temps avec elle, pour le reste on a la semaine pour en parler,
_ Merci frangin je ne sais pas ce qui m’arrive, je n’ai pas les idées en place depuis que j’ai eu ce boulot, je ne me reconnais pas la plus part du temps…
_ Comment ça ??
_ Entre le stress, le manque de sommeil, les employés qui font n’importe quoi, je suis tout le temps à cran…
_ C’était déjà comme ça quand tu étais avec Melu ??
_ Oui,
_ Pourquoi tu ne sais pas demander de l’aide avant que les choses ne soient grave, mince Otse, tu as des potes qui tiennent à toi, et je ne suis pas en train de parler de moi, c’est énervant, et ce n’est pas la première fois que tu te comportes comme ça, c’est quoi ce caractère pourri mec
Otse secoua la tête. Lui-même se demandait ce qui lui arrivait, il avait trop de mal à appeler à l’aide lorsque les choses n’allaient pas bien pour lui. Et lorsque la jeune femme l’avait quitté, il avait préféré se réfugier dans les bras d’une autre au lieu de demander à un ami de lui parler, au moins pour lui expliquer qu’elle n’était pas à la base de ses problèmes, mais que ce boulot était en train de le détruire moralement et psychologiquement.
Alors que son ami était assis la tête entre ses mains, Nko’o le regardait triste. Il se disait maintenant qu’il avait mal jugé l’homme. Et que peut-être qu’il n’aurait pas dû lui prendre Melu. Mais revenir en arrière ce n’était pas possible, alors il se dit qu’il s’agissait désormais d’aider son ami à aller mieux. Il se promit d’être là pour lui, autant que possible. Il s’en voulait pas mal maintenant. Il se cala dans son siège, et se passa la main dans les cheveux, sacrée situation de M… Il avait fallu à Otse cette séparation avec Afep pour se rendre compte qu’il avait tout de même des amis sur lesquels il pouvait compter en cas de besoin. Au moins maintenant il le savait.
Les deux hommes retournèrent se joindre au reste du groupe et trouvèrent Assengone assise parterre en train de jouer avec son grand-frère. Oboun dit à Otse qu’il n’était pas le seul à se réjouir que la famille compte un nouveau membre, et que ce ne serait pas aisé de faire comprendre à son fils que la petite ne vivait pas avec eux, lorsqu’elle devrait s’en aller tout à l’heure. Nko’o s’en amusa, il se revoyait avec son frère lorsqu’ils étaient p’t**s, ils étaient toujours fourrés partout ensemble à faire des bêtises, et Dieu sait quoi d’autre. Les deux enfants s’entendaient bien, c’était l’essentiel. Le temps ferait le reste.
Puis arriva l’heure où il fallait se séparer, mais encore une fois contre tout attente, les enfants ne versèrent pas de larme. Nko’o et Melu allèrent raccompagner la gamine chez son grand-père. Ils lui racontèrent la journée surnaturelle qu’ils avaient passée avec elle chez son père. Nko’o avoua qu’il en était plus que satisfait, son ami et lui avait fait la paix, et ils pourraient se concentrer sur l’éducation de la p’tite sans que cela ne vire à la rivalité constante. Pour le bien de la p’tite c’était mieux avait dit le père de Melu, parce qu’elle paraissait très attachée au nouveau compagnon de sa mère, cela risquait de la perturber si ses deux « papas » ne s’entendaient pas.
Il suffit parfois de peu de chose pour faire la paix, et l’amour qu’on a pour un enfant, est une bonne excuse ma foi. Ce dimanche avait été un nouveau départ dans la vie des jeunes, avait pensé le père de Melu en écoutant, sa fille et son jeune compagnon lui raconter leur journée. Il repensait à toutes ces années ne sacrifice et de galère qu’il avait traversé avec ses enfants. Melu était la plus âgée, et à cause de ça, elle avait toujours été son bras droit. A prendre soin de ses petites-sœurs, à se démener pour que le peu qu’il arrivait à avoir dure le plus longtemps possible. Elle n’avait pas eu le type d’adolescence que la plus part des jeunes avaient. Mais à en croire les choix de la jeune femme, cela ne la dérangeait nullement. Lui cependant, s’en voulait beaucoup, il se disait toujours qu’il aurait dû travailler plus, pour pouvoir offrir à ses filles tout ce qu’elles voudraient, heureusement que les gamines ne le lui reprochaient pas, elles étaient heureuses, et au finale c’était tout ce qui comptait.
Les raisons pour jeter un regard vers son passé sont nombreuses, parfois on tente de se souvenirs, de qui on était, des rêves qu’on faisait, ou du moment où les choses ont commencés à aller dans une direction qu’on ne voulait pas suivre au départ. Pour faire le bilan, tenter de savoir quels étaient nos ambitions passées et savoir à quel niveau on se situe. Le temps déjà parcouru et le chemin qui nous reste à faire. Il y en a bien d’autres c’est certain. Et quelles que soient ces raisons, elles nous aident à nous souvenir de qui nous étions et parfois elles nous aident à savoir qui nous sommes vraiment, si ces choses qui nous importaient nous définissent, ou si nous avons fini par passer à autre chose. Le vieil homme lui, n’avait pas de regret, quelques ratés, mais pas de regret. S’il devait en avoir un ce serait celui de ne pas avoir vécu toutes ces choses avec la mère des filles, mais ça, ça ne dépendait pas de lui.
Comme trop de chose dans la vie que nous regrettons. On voudrait que telle ou telle chose ne soit pas arrivée et nous oublions que nous n’y pouvions pas grand-chose la plus part du temps. La mort d’un proche, une personne qui nous quitte pour x ou y raison. Un évènement qui nous rend incapable de réaliser un rêve que nous caressions. Un déménagement qui nous éloigne de nos proches, de personnes qui faisaient notre monde. Un changement d’emploi qui nous oblige à nous remettre en question. Tellement de circonstances contrariantes qui trop souvent nous minent le moral, alors qu’elles ne le devraient pas. Simplement accepter que parfois les choses changent, et qu’on n’y peut rien, peut être un bon moyen d’aller de l’avant sans souffrir inutilement.
L’ancien regardait les jeunes gens assis en face de lui, et tellement de chose lui traversaient l’esprit. Tous les deux ils avaient un peu la même histoire, ils avaient commencés à travailler jeune. À batailler pour créer et développer leurs affaires et parfois sous les regards incrédules de tous ceux qui n’y croyaient pas. Et heureusement, ils y avaient cru assez eux-mêmes pour y arriver. Et de ça le vieil homme était fier. Ne disait-on pas que les plus belles fleurs s’épanouissent sur des terres arides ou difficiles. Et sa fille était devenue une très belle fleur, certainement la plus belle d’entre toutes. On sait tous qu’il ne s’agit là que de l’avis d’un père.
Melu était heureuse de voir son père de si bonne humeur, ça faisait un moment qu’il était souvent perdu dans ses pensées la plupart du temps. Et là, il les écoutait et paraissait ravi de savoir qu’ils avaient passé une si bonne journée. Il était content d’apprendre que finalement, Melu avait fait la paix avec le père de sa fille et Nko’o avec son ami. Les sentiments changent si souvent, et l’amitié et l’amour sont si rares qu’il vaut mieux les préserver quand on le peut, et prendre comme une bénédiction le fait de les posséder. Malgré tout ce par quoi elle était passée, elle était heureuse d’avoir un père qui voyait les choses comme ça, il avait réussi à lui faire voir les choses d’un autre point de vu, et il ne fallait pas oublier Nko’o, le fait que son ami et lui ne soient plus en très bon terme, ne l’avait pas empêché d’insister auprès d’elle afin qu’elle le laisse être le père de la petite.
Elle était bien entourée avec ces deux-là, et le fait qu’ils ne soient pas toujours d’accord n’était pas un problème. Du moins c’est ce qu’elle pensait maintenant. Il lui avait quand même fallu un certain temps pour l’accepter, elle avait d’abord pensé que tout le monde était contre elle et qu’ils ne comprenaient pas ce qu’elle avait traversé. Ce qui bien sûr n’était pas vrai, elle le savait, et avec le temps elle s’était ranger à l’avis général. Aujourd’hui plus que n’importe quel autre jour, elle reconnaissait qu’ils avaient tous eu raison de la pousser à être « juste ». Sa fille avait deux papas qui l’aimaient, et feraient tout pour qu’elle soit heureuse. Mine de rien c’était une chance, elle s’en rendait compte maintenant.
Quelques heures avec son père avant de rentrer terminer son week-end chez Nko’o, c’était une sacré bonne journée, et depuis quelques temps, elle en avait pas mal des comme ça depuis un moment. Le vent avait fini par tourner, pour son père, ses sœurs et elle. Les choses allaient de mieux en mieux et c’était surtout grâce à Nko’o, l’homme était entré dans sa vie et lui avait montré qu’elle avait plus de potentiel que ce qu’elle pensait, et que tout ce qui lui fallait c’était quelqu’un qui l’encourage. C’était tout. Sa nouvelle vie avait commencée comme ça. Elle se souvenait que c’était lui aussi qui l’avait motivé à garder sa grossesse malgré ce qu’elle avait découvert sur son ex.
Elle y repensait en se disant qu’Otse devrait lui en être reconnaissant, car sans lui, il n’aurait pas eu la chance de connaitre sa fille. Il n’aurait pas eu de fille du tout. Avec le recul, elle se disait que c’était une bonne chose que d’avoir écouté Nko’o, de s’être mis avec lui, etc… en disant cela elle sourit intérieurement, l’homme serait heureux d’apprendre qu’elle ne regrettait pas sa vie avec lui. Elle était d’ailleurs plus que ravie, car depuis maintenant quelques semaines, il avait arrêté d’avoir peur de voir Otse lui reprendre sa dulcinée. C’était une bonne chose. Sans cette peur constante, elle se dit qu’ils pourraient enfin être heureux ensemble. Surtout qu’elle aussi avait cessée d’avoir peur de s’engager. Elle se disait que bientôt peut-être, Nko’o referait sa demande, elle avait déjà prévu de dire « oui ».
Vivre à nouveau avec quelqu’un, faire des projets ensemble, construire quelque chose de bien, avec son homme. Que désirer d’autre ? Mais il y avait tout de même une chose que sa vie avec l’homme ne serait jamais, un long fleuve tranquille. Ils avaient déjà plusieurs projets sur lesquels ils travaillaient, et là il n’en était qu’à l’étape de prospection, la mise en place serait plus pénible, tout ceci allait être un véritable test pour leur couple. S’ils traversaient tout ça et que leur histoire continuait ce serait un signe pour elle. Un super signe qu’ils étaient fait pour être ensemble.