"Ma mère est morte Fèmi." Shola a déposé sa tasse de thé à nouveau sur la petite table devant elle. Elle fixait son regard sur Fèmi. Il y a eu une légère désolation sur le visage de Fèmi. "Je suis désolé, je ne le savais pas." Fèmi était contrarié d'avoir parlé de sa mère. Perdre quelqu'un qu'on aime, surtout sa mère ; ce n'est pas quelque chose dont on a vraiment envie de parler.
"Ne t'en fais pas, il y a longtemps déjà." Shola a eu un rire étouffé. "Et toi ton père ? Je ne l'ai pas vu. Je suppose qu'il rentre tard ?" Shola a repris sa tasse et elle soufflait sur le contenu. "J'ai perdu mon père déjà aussi. J'étais encore enfant quand je l'ai perdu. A vrai dire, le vide est là, mais c'est comme si je ne ressens pas grande chose. Des fois, j'aimerais qu'il soit là, à me parler, me donner des conseils, me gronder quand il le faut." Il y a eu un petit moment de silence puis Fèmi a repris "D'autres fois, je ne ressens rien. Je ne sais pas si je me suis vite habitué à son absence, mais je sais quand même qu'il y a une partie de moi que je ne vais probablement plus retrouver."
Les deux se sont regardés et ont souri. Shola a posé sa main sur l'épaule de Fèmi. "Tu sais, je peux te prêter mon père des fois, et tu vas me prêter ta mère aussi d'autres fois. Ce serait équitable n'est-ce pas ?" Les deux jeunes se sont mis à rigoler bruyamment. "Mais je te préviens, mon père est très autoritaire. Un homme qui pense qu'il peut tout décider et tout se permettre. Si tu es partant, je prépare le contrat entre nous deux." Shola a souri et a fait un clin d'oeil à Fèmi. "Il faudrait aussi que tu saches que ma mère est le genre de femme qui aime quand c'est vite fait et bien fait. Attention si tu es du genre à trop vite vouloir protester contre tout." Fèmi a tendu la main vers Shola. Les deux ont fait un sourire sournois et se sont serrés la main. "Marché conclu."
"Alors, tu as une sœur et ton père. Moi j'ai une sœur et ma mère aussi. En plus de mon beau-père, qui est le père de ma petite soeur. Je trouve qu'on est pas si différents l'un de l'autre", a dit Fèmi. "J'ai plutôt un frère et une sœur. Je suis la seconde née. Notre frère aîné est hors du pays actuellement. Il ne vit plus avec nous. Et mon père, je peux te jurer que ce n'est pas le genre de père que tu voudrais avoir..." Shola avait le visage un peu différent de celui de tout à l'heure. On pouvait y lire des traits ressemblant à des peines dissimulées au fond d'elle. Des choses cachées qu'elle gardait pour elle. "Tu sais, tu peux me parler Shola. On n'est plus si étrangers que ça l'un pour l'autre. Si tu as des peines, c'est aussi en quelques sortes mes peines. Même si ce sont des situations compliquées, ça te ferait du bien d'en parler." Fèmi a poussé les cheveux rebelles qui descendaient sur le front de Shola.
Shola a pris une profonde inspiration, puis a commencé. "Mon père est un puissant homme d'affaires. Il a d'énormes actions et sociétés un peu partout. Son plus grand rêve, c'est de me voir prendre la tête de ses entreprises un jour. C'est vrai que j'ai un frère nommé Radji, mais lui il est beaucoup plus dans un secteur propre à lui. Il désire bâtir son propre empire. Actuellement, il est celui qui dirige la plupart des sociétés de notre père, mais à un moment ou à un autre, il va laisser tout cela et se concentrer sur ses propres affaires. On peut dire qu'il prépare juste le chemin à ma sœur et moi. Moi je ne partage pas les mêmes visions que mon père et pour lui, on doit toujours faire ce qu'il veut de nous. On n'a pas le droit de choisir ce qu'on veut ou de donner notre opinion pour qu'il en tienne compte. Même avec notre frère Fignon, ça a été un véritable problème au début quand il disait qu'il voulait construire son propre business."
Shola a soupiré et a jeté un regard à Fèmi en passant sa main autour de son cou. "Moi, tout cela ne m'intéresse pas. Je veux rester loin de toute cette histoire. Je veux juste suivre ma propre passion et faire ce dont j'ai vraiment envie. Que cela me crée une énorme fortune ou pas, je veux pouvoir ressentir de la passion et du plaisir chaque fois que je verrai les gens me féliciter pour mes créations."
Oun oun. Fèmi a raclé sa gorge. "Pardon, c'est quoi déjà ton secteur à toi ? L'art ??"
"Pas que l'art Fèmi, je m'inspire énormément des vêtements de mode aussi. J'adore faire les portraits et des dessins abstraits dont le thème est généralement porté sur l'art visuel ou l'art abstrait. Mais il m'arrive aussi de créer des collections de vêtements, de dessiner des modèles ou de modifier les vêtements que j'ai à la maison. Bien sûr, pour le moment, tout cela n'est qu'un rêve imaginaire, une sorte de passe-temps ou de récréation pour moi. Je travaille qu'avec du papier. J'ai tellement besoin de me mettre à pratiquer, mais je n'ose en parler à mon père. J'ai fini ma formation dans le domaine qu'il m'avait demandé de choisir, mais si je dois lui parler maintenant de continuer dans un domaine que moi je veux, ce serait le début d'une grande catastrophe."
"Ouuuu ! Je crois que ton histoire est à en couper le souffle. Je ne sais pas quoi en penser", a soufflé Fèmi. "T'inquiète pas, moi-même je suis tout autant dépassée par la situation que toi", a répliqué Shola. "Et si tu essayais au moins de lui en parler ? Selon toi, as-tu la moindre chance qu'il puisse accepter ? Moi je pense que ça vaut la peine de toujours tenter avant d'abandonner." Fèmi a dit à Shola.
"Mon père, tel que je le connais, la chance qu'il puisse accepter n'atteint même pas 0 en matière de pourcentage." Elle a fait un sourire.
"J'ai une idée alternative pour toi, je ne sais pas ce que tu en penserais... Et si tu..." Clinnnggg clinnggg... Le téléphone de Shola s'est mis à sonner. Elle a tendu la main pour tirer son sac vers elle. Elle l'a ouvert et a sorti le téléphone. "Ohhw, c'est mon père. Bon Dieu, je n'ai pas vu le temps passer... Il serait furieux déjà parce que je ne suis pas encore rentrée." Shola a attrapé sa bouche avec sa main. Elle a pris une profonde inspiration et a posé le téléphone sur son oreille après avoir décroché l'appel.
"A-Allô papa ?" Sa voix était légèrement tremblante et calme. Elle n'était plus une enfant, cependant quand elle devrait rentrer tard, elle informait souvent sa sœur qui le transmettait à leur père quand il demandait d'après elle.
"Allô Sho, tu es où ?" La voix rauque de Monsieur Fassassi se faisait entendre à l'autre bout de la ligne. "Je suis encore en ville papa. Je suis passée quelque part avant de rentrer." Shola a dit doucement. "Passe par une pharmacie pour me prendre des médicaments contre la grippe et la toux. Et aussi, les médicaments que je prends d'habitude sont sur le point de finir. Prends moi quelques uns en plus. On se voit à la maison." "D'accord papa, à tout à l'heure."
Shola était soulagée de savoir que c'était pour autre chose qu'il avait appelé. Elle a raccroché le téléphone et a sorti une grande expiration. "Alors, c'était pour quoi ?" a demandé Fèmi. "Il m'a demandé de lui prendre des médicaments avant de rentrer. Heureusement que je n'étais pas encore proche de la maison." Shola a dit d'un ton calme. "Il se fait tard, on a vraiment pris toute la soirée à discuter. J'ai même pas vu le temps passer." Fèmi a rigolé.
"Je suis ravie de te voir en meilleure santé que ce que je pensais. Tes blessures vont vite cicatriser, et je passerai de temps en temps te rendre visite. Encore désolée pour ce qui t'est arrivé. Prends soin de ta santé s'il te plaît." Shola disait cela tout en rangeant son téléphone dans le sac. Elle s'est mise rapidement debout et était déjà prête à partir. "Tu salueras maman de ma part, je pense qu'elle doit être couchée déjà. Nous, nous nous reverrons plus tard. Je t'écrirai quand je rentrerai." Shola a pris Fèmi dans ses bras et lui a fait un bisou sur la joue au moment où elle se retirait de son étreinte. Il sentait tellement bon.
"Merci à toi pour ton passage Shola. Tu as soulagé en quelques sortes les douleurs que je ressentais. C'est toujours agréable de passer du temps avec toi", a dit Fèmi avec un large sourire sur les lèvres. Il a raccompagné Shola jusqu'à l'extérieur, et il l'a aidée à trouver un zem.
Cette soirée entre Fèmi et Shola s'était passée autour d'une tasse de thé et des gourmandises, et chacun a exprimé ce qu'il gardait, levant peu à peu les petites barrières qui s'étaient érigées. La situation avec Sègla avait créé des fissures, mais peut-être que cette soirée a finalement renforcé les choses entre Fèmi et Shola.
Shola est passée par la pharmacie et a pris les médicaments que son père lui avait demandés. Le conducteur de taxi-moto s'est garé devant la résidence de la famille Fassassi. Shola a payé les frais, puis est entrée dans la maison. Elle a déposé son sac sur la table à manger au salon, et elle s'est dirigée vers la chambre de sa sœur.
En montant les escaliers, elle se préparait à toutes sortes de scènes possibles. Surtout qu'elle était rentrée en retard sans avoir au préalable averti qui que ce soit, elle s'attendait à une grosse blâme de la part de son père.
"Hey, petite soeur, ça va ? Je t'ai manqué ?" a chuchoté Shola en passant doucement sa tête par la porte d'entrée de la chambre de sa sœur. Elle était restée dans le couloir sans entrer dans la chambre et elle tenait le poignet de la porte dans sa main en adressait un magnifique sourire à Adoukè. "Tu me prends pour un bébé ? Ferme-moi ma porte, vilaine fille." Adoukè a taquiné Shola. "Le vieux est déjà monté dans sa chambre ? Il m'a appelée tout à l'heure", a demandé Shola. "Il a pris une petite portion de la nourriture et s'est levé dès qu'il l'a finie pour monter dans sa chambre. Tu crois qu'il veut recommencer avec sa crise habituelle ?" Adoukè avait le regard inquiet. Elle s'inquiétait pour Shola et pour elle, mais aussi pour leur père.
"Je crois que j'irai vérifier cela. A tout à l'heure soeurette. Je dois vite aller le voir." Shola a refermé la porte de la chambre d'Adoukè, puis elle a monté les escaliers pour se rendre à l'étage supérieur. Là, se trouvait la chambre de leur père, Mr Fassassi. Il était le seul qui résidait à cet étage. Shola a toqué doucement la porte de son père, puis elle l'a ouverte délicatement sans faire de bruits.
"Bonsoir papa."