CHAPITRE 15 — Sa cousine 15

1303 Mots
Éric Je n’ai pas dormi. Pas une seconde. Le salon est un champ de ruines. Le tapis froissé. Ma chemise, déchirée. Mon corps, marqué. Ma bouche, encore chaude de la sienne. Et pourtant, elle est partie comme un mirage. Je suis resté là, figé, nu, pendant une éternité. Comme si mon corps refusait de revenir à la réalité. Comme si l’air lui-même avait changé de consistance après son départ. Clara s’est levée à 7h comme toujours. Elle m’a trouvé dans la salle de bain, l’air fatigué, le regard fuyant. Un mal de crâne bidon comme excuse. Elle m’a embrassé sur la tempe. Elle a souri. Elle m’a demandé si je voulais du café. J’ai dit oui. Mensonge sur mensonge. Et moi, au milieu, un pantin de chair qui ne sait plus à qui il appartient. Ou plutôt, si. Je sais très bien. Mais je continue à faire semblant. À midi, je suis dans mon bureau. Les rideaux à moitié tirés. Les volets entrouverts. Lumière froide. Ombres longues. Je fixe le mur, incapable de me concentrer sur quoi que ce soit. Je la veux. Encore. J’ai besoin de la voir. De sentir son parfum. D’entendre sa voix. Même ses silences me manquent. Je ne peux pas continuer comme ça. À la mendier. À l’attendre comme un chien sous la pluie. Alors j’ose. Je mets mon orgueil de côté. Je lui écris : « Reviens ce soir. » La réponse ne se fait pas attendre. « Non. » Mon cœur se serre, fort. Je fixe l’écran, incrédule. Je réponds, les doigts glacés : « Pourquoi ? » Elle tape. Elle efface. Elle retape. Je le sens. Je l’imagine. Son visage penché sur l’écran. Son rictus. Son petit rire sec. Puis enfin : « Parce que je ne suis pas un jouet qu’on range quand ça vous arrange. » Et là, je comprends. Ce qu’elle attend. Ce qu’elle exige. Alors je craque. Ou je me rends. Ou les deux. « Dis-moi ce que tu veux. » Cette fois, pas d’hésitation : « Tu veux mon corps ? Alors tu m’installes chez toi. Officiellement. Tu me veux, tu m’assumes. » Je reste bloqué plusieurs secondes sur ces mots. Ils me donnent la nausée. Et pourtant… ils m’excitent. Ça me dégoûte de moi. Mais je continue , car j'ai besoin de son corps , encore et toujours . Donc je ferai tout pour elle , TOUT ! « OK , je ferai tout ce que tu voudras . » « Parfait. Je viens ce soir. Trouve une couverture. Une histoire. Un rôle. » « Lequel ? » « Tu pourras dire que je suis ta cousine , de passage . Je veux une chambre à moi chez toi , avec des affaires à moi chez toi . Une vie. » Puis elle conclut par trois mots : « À ce soir. Éric. » Je passe l’après-midi dans une transe étrange. Un mélange d’excitation brûlante et de peur glacée. Clara est sortie faire quelques courses avec notre fille. J’ai trois heures. Trois heures pour transformer notre maison en scène de théâtre. Trois heures pour installer un mensonge dans chaque pièce. Je descends au garage. Je remonte un vieux sac de voyage que j’avais oublié depuis des années. J’y mets quelques vêtements féminins pris dans un carton que Clara garde pour ses dons. Des pulls. Des sous-vêtements neufs encore étiquetés. Une robe simple. Une paire de chaussures plates. Une trousse de toilette. Une brosse. Je nettoie la salle de bain d’amis. J’y ajoute des détails : un flacon de parfum vide, un bandeau pour les cheveux, un carnet dans un tiroir. Je veux que sa présence semble naturelle. Comme si elle avait toujours été là. Je réaménage la chambre d’amis. Draps frais. Oreiller moelleux. Une photo de groupe trouvée dans un vieux tiroir, que je pose sur la table de chevet une Jade floue dans le fond, lors d’un pique-n***e ancien. Par miracle, Clara ne s’en souvient sûrement pas. Je fais ça mécaniquement. Sans penser. Comme un automate en mission suicide. 18h50 , je rentre chez moi avec elle . Clara est au salon avec ma fille regarde un dessin animé dans le salon , et Jade est là . Valise à la main. Lunettes de soleil sur le nez. Un trench beige cintré. Chic. Sage. Mais ses yeux… ses yeux, derrière les verres teintés, brillent comme des braises prêtes à tout brûler. Elle sourit. Un sourire poli. Presque doux. Mais dans ce sourire, je vois la menace. Le défi. L’arrogance de celle qui sait exactement ce qu’elle fait. Je bafouille : — Jade… euh… entre. Elle entre. Avec assurance. Comme si cette maison lui appartenait déjà. Comme si c’était son territoire. Clara surgit du couloir, sourcils froncés : — C’est qui ? Je ravale ma salive. Mon cerveau tourne à mille à l’heure. — Ma… cousine. Jade. Du côté de ma mère. Elle est de passage. Quelques jours seulement. Clara reste figée une seconde. Jade retire lentement ses lunettes, puis s’avance avec ce charme vénéneux qu’elle maîtrise à la perfection. — Enchantée, Clara. Éric m’a parlé de toi. Clara sourit, un peu surprise, mais polie. — Oh ! C’est une surprise. Tu restes combien de temps ? — Je ne sais pas encore. Quelques jours, si ça ne dérange personne ? Clara cherche mon regard. Je fais semblant d’être détendu. — Bien sûr que non. Elle peut prendre la chambre d’ami. — Je me ferai toute petite, ajoute Jade. Je retiens un rire nerveux. Elle ne se fera jamais petite. Elle va occuper l’espace. L’air. Le silence. Et je le sais. Le dîner se passe sans heurt. C’est presque surréaliste. Jade est parfaite. Présente juste ce qu’il faut. Pas trop. Pas trop peu. Elle rit doucement. Elle pose des questions. Elle évite les sujets sensibles. Clara rit. Ma fille lui montre ses dessins. Elle lui dit que ses cheveux sont jolis. Moi, je suis ailleurs. Mon ventre est une boule de feu. Je transpire. J’ai envie de fuir. Et de l’embrasser. Et de hurler. Quand le repas se termine, Clara propose une infusion. Jade décline avec un sourire : — Merci, mais je suis épuisée. Longue route. Je l’accompagne jusqu’à la chambre d’ami. Je marche derrière elle. Son odeur m’assomme. Son pas est léger. Sa présence, écrasante. Elle entre. Pose sa valise. Referme doucement la porte. Puis se retourne. Me fixe. Silence. Elle s’approche. Son regard est froid. Contrôlé. Elle chuchote : — Voilà. J’ai dit ce que je voulais. Maintenant, c’est toi qui assumes. Elle me tire brutalement par le col. M’embrasse. Me broie la bouche. M’aspire. Puis me repousse avec la même violence. — Pas ce soir. Ce soir, tu dors avec ta femme. C’est le prix. Le premier. Je la fixe, déboussolé. — Pourquoi tu fais ça… ? Elle sourit. Cruelle. Irrésistible. — Parce que je peux. Parce que tu l’as voulu. Et surtout… parce que je t’aime un peu. Et que j’ai envie de t’apprendre ce que ça veut dire quand c’est moi qui décide. Je reste là. Muet. Hors de moi. Elle me tourne le dos, tire la fermeture de sa valise. Puis me lance une dernière phrase sans me regarder : — Ferme bien la porte. On ne voudrait pas que ta petite vie s’écroule trop vite. Elle claque la porte. Et me laisse là. Suspendu. Je retourne dans ma chambre. Clara est déjà couchée. Elle sourit, dit : — Elle est sympa, ta cousine. Elle a quelque chose de… mystérieux. Je réponds par un sourire vide. Je m’allonge. Elle se blottit contre moi. Sa main cherche la mienne. Et moi, dans le noir, les yeux grands ouverts, je ne pense qu’à une chose. Elle est là. Sous mon toit. Et désormais, c’est elle qui dicte les règles. Et je l’ai laissée faire.
Lecture gratuite pour les nouveaux utilisateurs
Scanner pour télécharger l’application
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Écrivain
  • chap_listCatalogue
  • likeAJOUTER