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1 4 mars 1589 Il ignore où il se trouve. Les autres l’ont emmené de force. Un vaste espace, un espace vide, cela il en est sûr : chaque pas résonne, tout fait écho. Les autres lui ont bandé les yeux. Une grange, une remise ? En tout cas, pas une cave, l’air circule en courants glacés. Les autres l’ont bâillonné. Il est attaché sur un siège en pierre : c’est froid, dur, rigide. Les mains liées derrière le dos, les pieds ficelés. Les autres ne l’ont pas touché, pas encore. Il entend la voix, cette voix qu’il reconnaîtrait entre mille. Elle dit : « Tu as joué, tu as perdu. Tu as trahi, tu dois payer. » Il a cru qu’il pouvait se passer d’eux. Il a cru qu’il pouvait agir en solitaire. Les autres ne lui feront pas de cadeau. Il sait que la voix a raison. Il a manqué à la règle. Il mérite un châtiment. Les autres se concertent, ils statuent sur son sort. Il sent leur présence, proche ou lointaine, il ne peut dire. Il a perdu ses repères. Il attend le jugement. La voix résonne à nouveau : « Jusqu’à présent, tu nous as fidèlement accompagnés. Tu n’as failli qu’une fois. Tu mérites notre indulgence. Nous te laissons une chance. À toi de la saisir. » Il perçoit qu’on vient vers lui, les liens se dénouent, on enlève son bâillon. Il respire un grand coup. La voix ordonne : « N’ouvre les yeux que lorsque le silence sera complet. » Les pas s’éloignent, il reste un long moment assis à guetter le moindre bruit. Il sait que transgresser l’ordre lui coûterait la vie. Il finit par soulever ses paupières. D’abord, il ne voit rien, rien du tout. Peu à peu, ses yeux s’habituent à l’obscurité. Au fond de la pièce, il distingue une masse compacte. Il essaie de se lever, vacille, retombe, se relève à nouveau. Il se dirige vers la forme faiblement éclairée. Quand il arrive tout près, il reconnaît un autel, l’autel d’une église. C’est un rayon de lune qui au travers d’un vitrail répand une lueur blanche. Il tourne sur lui-même, il est dans une chapelle, une chapelle ronde entièrement vide. Il hésite, avance à pas comptés jusqu’au portail. Il l’ouvre d’un coup, ressent à cet instant le froid mordant. Le vent agite les branches, une chouette ulule au loin. La pleine lune éclaire une prairie d’herbe rase. Il tremble, de froid, de peur. Il n’a qu’un but, leur échapper. Il s’élance vers la forêt refuge pour s’y cacher. Les autres ne doivent pas le retrouver. Il se met à courir, à courir de plus en plus vite, à courir à perdre haleine. Il a rejoint le bois protecteur. Il est sauvé, ralentit pour reprendre son souffle. Son souffle s’arrête net, la douleur le transperce. Il tombe face contre terre. ***
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