Dans la villa ...
La piÚce est plongée dans la pénombre, seuls quelques rayons de lune filtrent à travers les stores. Je suis debout devant la grande table en acajou, les mains posées dessus, mon regard perçant balayant la carte de la ville étalée devant nous.
Gabriel est assis en face, les yeux fixés sur moi, attendant mes ordres.
« Chaque mouvement doit ĂȘtre calculĂ©. » Ma voix est ferme, implacable. « Thalia ne se bat pas Ă armes Ă©gales, et moi non plus. »
Je sens lâair se charger dâune Ă©nergie Ă©lectrique, un mĂ©lange de menace et de dĂ©fi.
« Son empire est bĂąti sur la peur, mais la peur, câest une arme Ă double tranchant. Nous allons retourner cette arme contre elle. »
Gabriel hoche la tĂȘte, conscient que sous cette façade de contrĂŽle, je cache une dĂ©termination farouche, un feu intĂ©rieur qui refuse de sâĂ©teindre.
« Jâai des informateurs partout. Chaque mouvement, chaque alliĂ© quâelle serre est sous surveillance. Je veux des rapports quotidiens. »
Je me redresse, mon regard devenant encore plus dur.
« Et surtout, je veux quâelle sache que je ne suis pas un adversaire quâon peut ignorer. Que son passĂ©, aussi douloureux soit-il, ne lui donnera pas un avantage sur moi. »
Gabriel sourit, ce sourire froid qui en dit long sur sa loyauté mais aussi sur sa propre ambition.
« Tu es un roi, Noam. Une force que personne ne peut arrĂȘter. Elle va devoir lâapprendre Ă ses dĂ©pens. »
Je me tourne vers la fenĂȘtre, regardant la ville qui ne dort jamais, prĂȘte Ă basculer dans le chaos ou la conquĂȘte.
« Quâelle vienne. Quâelle ose. »
Puis, sans quitter la fenĂȘtre des yeux, je murmure :
« Je suis prĂȘt Ă tout. »
*****point de vue Thalia ******
Lâair est chargĂ© dâune odeur mĂ©tallique et piquante, celle du sang frais et des nĂ©ons fatiguĂ©s. Je glisse dans lâombre, mon regard aiguisĂ© parcourant la piĂšce, chaque mouvement calculĂ©, chaque souffle maĂźtrisĂ©.
Ce lieu est une plaque tournante pour les faibles, un repaire pour les perdants. Mais pas pour moi. Ici, je suis la tempĂȘte que personne ne peut arrĂȘter.
Je nâattends rien, je ne crains rien. La douleur, la trahison, tout ça est derriĂšre moi. Je suis Thalia, reine dâun empire forgĂ© dans la douleur et le feu.
Et pourtant, ce soir, un frisson inattendu me traverse. Quelque chose ou plutĂŽt quelquâun.
Je le vois, là -bas, dans la pénombre, à peine visible mais impossible à ignorer. Noam.
Dix ans. Une dĂ©cennie dâombres et de silences. Et le voilĂ , debout au milieu de ce chaos, aussi calme et inĂ©branlable quâun monolithe.
Je ne laisse rien paraĂźtre. Pas une hĂ©sitation, pas un battement de cĆur. Mon visage reste de pierre.
Il ne doit pas savoir que sa prĂ©sence bouleverse lâordre fragile que jâai construit.
Alors je me dĂ©tourne, reprenant ma route, laissant le silence sâinstaller entre nous, lourd de non-dits.
Je suis la chef. Je suis la menace. Et je ne recule devant rien.
Mais ce soir, quelque chose a changé.
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La lumiĂšre blafarde dâun nĂ©on grĂ©sillant Ă©claire Ă peine la piĂšce oĂč je me tiens, entourĂ©e de mes hommes. Leurs regards sont braquĂ©s sur moi, attentifs, prĂȘts Ă recevoir mes ordres. Je suis leur chef, leur reine, et personne ici nâoserait montrer la moindre faiblesse.
Un de mes lieutenants, Marco, sâavance, son visage marquĂ© par des annĂ©es dans la rue.
« Le nouveau fournisseur, il est prĂȘt Ă passer Ă lâaction. Mais il y a du mouvement du cĂŽtĂ© de Bastien. Il commence Ă bouger, plus que dâhabitude. »
Je le regarde, froide, les traits serrés.
« Bastien⊠» Je rĂ©pĂšte le nom, sans laisser transparaĂźtre quoi que ce soit. « Quâil bouge. Ăa ne changera rien. Nous sommes prĂȘts. »
Marco hoche la tĂȘte, mais je sens lâinquiĂ©tude dans ses yeux. Moi, je ne laisse rien paraĂźtre.
Je me détourne, faisant signe à mes hommes de se disperser.
Seul dans le silence qui suit, mes pensées dérivent, vers lui. Noam.
Il est lĂ , quelque part, dans cette ville. Toujours Ă sa place, toujours en contrĂŽle.
Je ne peux pas nier que sa prĂ©sence dans ce secteur me dĂ©stabilise. Pas parce que je craque, non. Mais parce quâil est le rappel dâun passĂ© que jâai enterrĂ© trop profondĂ©ment.
Il ne sait rien de ce que je suis devenue.
Il ne doit rien savoir.
Mais au fond, je me demande⊠est-ce que lui, lui, a changé ?
Ou porte-t-il toujours cette mĂȘme froideur, ce mĂȘme empire quâil dirige dâune main de fer ?
Je secoue la tĂȘte, repoussant ces pensĂ©es. Je ne peux pas me permettre cette faiblesse.
Pas maintenant.