Chapitre 7: Luna

2582 Mots
Imagine, tu es cette fille qui sourit, Mais qui chaque soir pleure. Cette fille qui à la fois pleure et rit, Celle qui regarde tout le temps l’heure. Le problème, quand on va dans un endroit qu’on ne connaît pas, c’est qu’on ne sait pas forcément si on va en sortir, et c’est encore plus embêtant quand on ne sait pas comment en sortir. Ça doit bien faire une heure que Simon et moi marchons dans cette forêt d’arbres morts – il y a par endroits d’immenses trous dans le sol, je ne sais pas pourquoi – et nous mourons de froid. — Qu’est-ce que vous faites ici ? Je sursaute et me tourne vers celle qui vient de nous parler. Assise sur une branche d’arbre, en train de manger des frites. Je ne l’ai jamais vue. Ses cheveux sont frisés, courts et brun avec des mèches rouges, sa peau est brune, ses yeux semblent différents, l’un est marron tandis que l’autre est rouge. Elle porte des vêtements gothiques, et un casque audio entoure son cou. Elle a l’air âgée d’un ou deux ans de plus que moi. Je me méfie immédiatement d’elle, ne sachant pas ses intentions. — Je pourrais te retourner la question. — Je suis venue vous ramener. November m’a envoyée. Vous n’avez rien à faire ici. — Et tu es ? — Carolle. Avec deux L. Je me méfie toujours. Elle peut très bien mentir. Elle soupire devant nos expressions méfiantes. — Ça va, à croire que je compte vous amener chez Ronan. — Tu n’as aucune preuve, je lui réponds. — Si c’était ça, je vous aurais tués depuis longtemps. La vieille folle veut absolument vous surveiller tout le temps, et ne jamais vous laisser seuls. — C’est qui, la vieille folle ? demande Simon. — Agent Babou. Elle a cent vingt sept ans, on ne dirait pas, pas vrai ? Enfin quoi que, maintenant, un peu, répond Carolle en avalant une frite. Elle saute de sa branche. — Bon, vous avez juste à me toucher le bras. Juste un doigt, ça suffira. Pour sortir d’ici, il faut savoir se téléporter, et connaître le mot de passe. Elle s’avance vers nous et tend son bras libre. Je pose ma main dessus, n’ayant pas d’autre choix. — J’ai dit un doigt. J’obéis, un peu sur les nerfs. Simon me dévisage avant de poser son doigt sur l’avant-bras de Carolle. J’ai à peine le temps de réaliser ce qu’il m’arrive que nous arrivons à la base une, dans la salle principale que j’ai vue tant de fois. — Bon, je ne suis pas votre baby-sitter, donc bonne journée, maintenant, lâche Carolle en se dégageant et en commençant à s’éloigner vers la sortie. Je n’ai pas le temps de répondre qu’elle s’est déjà éclipsée. — C’est vraiment bizarre, comme endroit, marmonne Simon. Mes yeux se posent sur la machine que j’ai essayée la deuxième fois que je suis venue ici. Simon suit mon regard. — Qu’est-ce que c’est ? — Découvre-le par toi-même. Tu as juste à aller devant, là. — Je ne risque pas de me faire poursuivre par des araignées dansantes puis de me téléporter ailleurs, j’espère ? — C’est sans risque. Je suis curieuse de savoir. Simon s’avance devant la machine qui s’allume. Elle commence à le scanner. — Ça fait peur, quand même. Je souris devant son expression. La machine finit son analyse. Un hologramme apparaît. Et c’est…moi. Mon sourire retombe. Simon se tourne vers moi, surpris. Il ne semble pas comprendre ce que ça signifie. — Et c’est censé vouloir dire quoi ? me demande-t-il. Je fuis son regard. — Euh, c’est juste la personne la plus maladroite de ton entourage, j’invente. Simon rigole. — Ce qui ne m’étonne pas ! Je hoche la tête avec un mince sourire. — Et toi, ça te met qui ? demande-t-il. — Ah, mieux vaut ne pas essayer. De toute façon, ce sera moi aussi. J’ai peur de sa réaction si il voit qu’il n’y a rien, ou encore pire, si il y a lui. Il comprendrait que j’ai menti, parce qu’il est loin d’être maladroit. Il me dévisage longuement. — Ouais, c’est vrai, dit-il en se grattant la tempe, petit geste qu’il fait quand il est embarrassé. Il se ressaisit. — Bon, il est temps de retourner sur Terre, non ? Les gens vont se demander si on est possédés, des choses comme ça. Je hoche la tête. — Comment on fait ? — Il te suffit juste de le vouloir et de penser que… Je n’ai pas le temps de finir ma phrase que tout disparaît. J’ouvre les yeux sur un plafond blanc. Je me redresse. — J’ai fait un rêve trop bizarre ! Je sursaute et me tourne vers Simon. Nous sommes à l’infirmerie de l’internat, chacun sur un lit. Les lumières sont allumées, et il n’y a personne, à part nous. Mon sac est posé au pied de mon lit. Je suis trempée, habillée pareille à tout à l’heure, les cheveux sales, sans doute à cause de ma chute. — Ce n’était pas un rêve. Simon s’empare de son sac et en sort sa claquette. Dessus est restée collée une patte d’araignée géante. — Ce n’était pas un rêve, répète-t-il. Il écarquille les yeux. — Comment c’est possible ?! — Fais comme si de rien était. Il prend entre deux doigts la patte d’araignée toute gluante et me la montre. — C’est dégueulasse ! Jette ça ! je lâche, dégoûtée. Il rigole. — Je ne peux pas y garder en souvenir ? — Non, surtout pas. Imagine quelqu’un trouve ça ? Tu vas faire peur aux gens, après. Il lève les yeux au plafond. — Ça va, je ne comptais pas la garder. Laisse tomber, à chaque fois que je verrai ça dans ma chambre, j’aurai l’image des araignées en train de twerker. Il lance la patte d’araignée vers la poubelle, à l’autre bout de la salle. La patte d’araignée tombe dans la poubelle. J’applaudis. La porte s’ouvre d’un coup, me faisant sursauter. — Ah bah, vous êtes réveillés, dit notre infirmière, Madame Duplot. — Et en forme, termine Simon, assis droit sur son lit. Elle l’examine des yeux de la tête aux pieds. — Ça a bien l’air. Victor et son ami vous ont retrouvés tous les deux évanouis en plein milieu du chemin sous la pluie. — Ah, en fait, Luna est tombée, sauf qu’elle m’a entraînée dans sa chute, et après, plus rien. Elle le juge d’un œil en haussant un sourcil. — Hmm hmm. Bon, filez. J’ai des choses plus importantes à faire. Les choses importantes en question : rester sur son téléphone, manger des chips, puis partir à un autre de ses rendez-vous avec je ne sais qui cette fois. Simon se lève d’un coup – un peu trop brusquement à mon goût – prend son sac avant de se diriger vers la porte où il ralentit. Son regard croise le mien. — Bon, tu viens ? Je réatterris que maintenant. Je me lève doucement, prends mon sac trempé au pied de mon lit et suis Simon. — Bon rendez-vous, Madame, je lâche juste avant de fermer la porte. — C’est ça, a-t-elle le temps de répondre. Je souris. — Quel rendez-vous ? me demande Simon dès que je ferme la porte. — Ah, c’est madame Duplot, elle a tout le temps des rendez-vous. — Du genre ? — Du genre des rencards. Il rigole. — Je ne savais pas ! Il ouvre son sac et en sort son téléphone qu’il essaie d’allumer. — Il a pris l’eau, soupire-t-il. Je lève les yeux vers l’horloge située à côté de la porte de l’infirmerie. Il est dix sept heures trente. — On n’est pas restés inconscients longtemps, je marmonne. — Hmm. Bon, je vais retourner à ma chambre faire charger mon téléphone et me doucher. On se reverra plus tard, sûrement. Je me suis attendue plutôt à ce qu’il me parle de l’autre monde. Cachant ma déception, je bougonne : — OK, à plus tard. L’air distrait, il me laisse plantée là et s’éloigne dans le couloir, vers les escaliers. Je reste immobile pendant quelques secondes et le regarde s’éloigner avant de me ressaisir. Je suis retournée dans ma chambre pour me changer et passer du temps avec Hayvil. Allongée sur mon lit, j’écoute de la musique sur mon téléphone qui n’a miraculeusement pas pris l’eau, écouteurs dans les oreilles, fixant le plafond en caressant la tête de mon chien posé à mes côtés. J’ai mis le son suffisamment fort pour ne pas entendre tous ceux qui circulent dans le couloir en discutant. Les musiques défilent, entre Trop Beau de Lomepal, Heather de Conan Grey, puis Arcade de Duncan Laurence… Non, je n’écoute pas QUE des chansons dépressives. Je me repasse en boucle tout ce qu’il s’est passé dans le monde imaginaire, lorsque je me rappelle que Simon a jeté la patte d’araignée dans la poubelle. Et si quelqu’un la trouve ? Soudain alarmée, je coupe la musique et me précipite vers la porte de ma chambre. Je l’ouvre en grand et marche rapidement dans le couloir, en direction des escaliers. — Ah, Luna ! Je me demandais comment tu allais, Victor m’a raconté pour…retentit la voix de Valentine derrière moi. — Désolée, on en parlera après ! je lui réponds sans me retourner. J’arrive devant les escaliers. Je les dévale. Je tourne à droite. J’avance dans le couloir. J’arrive devant la porte de l’infirmerie. Je m’arrête. Je tends l’oreille. Aucun bruit. Doucement, je pose ma main sur la poignée. Je la tourne lentement. La porte n’est pas encore fermée à clés. Je l’entrouvre. Je passe ma tête à l’intérieur. La lumière est éteinte. Il n’y a personne. J’ouvre la porte, allume la lumière, entre, et ferme la porte derrière moi. J’avance vers la poubelle. Je regarde à l’intérieur. La patte d’araignée a disparu. Je cherche autour, des fois qu’elle soit tombée. Elle n’est pas là. Quelqu’un l’a prise. Je sursaute lorsque j’entends un bruit dans mon dos. Je fais volte face. Il n’y a rien. Je baisse les yeux vers le conduit d’aération, en bas à gauche du mur. Il n’y a vraiment rien. Je deviens folle, certainement. Je soupire avant de ressortir de la pièce, d’éteindre la lumière et de fermer la porte. — Qu’est-ce que tu fais là ? Je sursaute encore avant de me tourner vers Simon. — Toi, qu’est-ce que tu fais là ? — Je t’ai vue partir précipitamment dans le couloir, alors je t’ai suivie. — Tu n’aurais pas récupéré la patte d’araignée dans la poubelle ? — Non, pourquoi ? — Elle a disparu. — L’infirmière l’a peut-être trouvée ? Ça fait quoi, de toute façon, ils vont dire qu’il y a des araignées géantes dans l’internat ? — Ce n’est pas ça ! Imagine, ils les emmène en laboratoire, ils font des analyses, et ils vont penser découvrir une nouvelle espèce, ou encore pire, ils vont la cloner, et on va se retrouver avec des araignées twerkeuses sur toute la planète. — Waouh, tu pars loin, là. Ne t’en fais pas, on demandera à l’infirmière si elle a trouvé quelque chose dans la poubelle que j’ai jeté sans faire exprès, et puis voilà, problème réglé ! Je t’avais dit, j’aurais dû la garder en souvenir. — Ouais, tu as raison. Il se gratte la tempe. — Ah, mais vous êtes lààà ! Vous avez oublié, ce soir, on va faire la fête chez Mathis ! On vous cherchait partout ! s’écrie une voix dans mon dos. Je me retourne. Victor tient Mathis par la taille, et tous deux s’avancent vers nous en titubant et rigolant. — Mais vous êtes complètement défoncés ! Vous avez pris quoi ? demande Simon, perplexe. — Oh rien, ça vaaa ! répond Victor. Mathis tombe par terre. Tous deux explosent de rire. Simon se précipite vers son meilleur ami, et je le suis. — Ah, Luna, tu as beaucooouuup de chance, tu sais. Simon, c’est une booonne personne..Oh ! Il y a une horloge, tu as vuuu ?! dit Victor en articulant à peine, son rire calmé. Il pointe du doigt l’horloge au-dessus de la porte de l’infirmerie. Simon prend Mathis par les aisselles pour le relever. Ce dernier recommence à rire, entraînant celui de Victor. — Alooors Simon, c’est pour quand ? demande Mathis entre deux fous rires. — Si vous voyiez vos têtes, franchement, excelleeennnt ! ajoute Victor en tapant des mains. Il chancelle. Je le rattrape par le bras. — Vous devriez vous reposer un moment, je crois. — Mais nooonnn ! On est en pleeeiiine forme ! Il se dégage de mon emprise, lance un regard vers Simon puis vers moi. — Simon a beaucooouuup de choses à te dire ! Vraimeeennnt. — Bon, les gars, on va vous ramener dans la chambre de Victor, coupe Simon. Il prend le bras de Mathis et le passe sur ses épaules, comme quand on aide des blessés à marcher. Je fais de même pour Victor et suis Simon dans le couloir. — Cet endroit est vraiment dégueulasse. Comme la mort de ton père, me chuchote Victor. Je frissonne. Il n’a pas conscience de ce qu’il dit, ce n’est pas grave. Je l’entends rire. — Tu viens à la fête, toi ? — Arrête de dire des bêtises. Il n’y a pas de fête. — Mais siii ! Quand Simon t’aura dit ce qu’il te caaache ! — Il ne me cache rien. Nous arrivons aux escaliers. Valentine arrive en descendant les marches. — Qu’est-ce qu’il leur arrive ? me demande-t-elle. — Ah, tu veux bien m’aider à porter Victor ? Il est trop lourd pour moi. Elle se place de l’autre côté de Victor et pose son bras sur ses épaules. À nous deux, nous réussissons à l’épauler pour monter les escaliers. Nous suivons Mathis et Simon direction la chambre de Victor. Devant la porte, Simon tourne la poignée et l’ouvre. Les quelques personnes dans le couloir passent en nous jugeant fortement. Nous nous engouffrons dans le chambre de Victor à la suite des deux meilleurs amis. — C’est une infection, ici ! Le bordel ! râle Valentine. Elle n’a pas tort. Ça sent la transpiration et la cigarette, des bouteilles vides, des paquets de cigarettes vides aussi, et encore d’autres choses que je ne saurai identifier sont étalés n’importe où. Le lit est défait, l’armoire grande ouverte avec des vêtements éparpillés et dépliés de partout, les sacs de Mathis et Victor ont été renversés par terre, et des bougies fondues sont disposées sur le sol. — Ils faisaient une secte ou quoi ? je lâche. Victor se dégage et va s’écrouler sur son lit. — Haaa, l’odeeeuuur de ma chambre. Mathis va le rejoindre et tous deux repartent dans un fou rire. Valentine soupire. — J’espère que ce n’est pas tous les jours comme ça ! — Je croyais que c’était interdit, l’alcool, ici, fait remarquer Simon. — Oui, mais Ulysse ne vérifie pas, et c’est son jour. — Super ! On fait quoi, maintenant ? — On va chercher Ulysse ? suggère Valentine. — Non, ils vont être sanctionnés, sinon. — On a qu’à faire un peu de ménage, les laisser là pour les dé-saouler et comme si de rien était. — Je déteste faire le ménage ! Après un bon soupire collectif prouvant notre détermination inexistante, nous nous mettons au travail.
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