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2704 Mots
— Marie-Blanche, dit Rochefière, il est certain que, depuis quelques minutes, la question ainsi posée par M. Holmutz et par ses fils, a dû te causer de l’émoi. Tu n’étais point préparée à cette surprise et sa demande peut nous paraître, à toi comme à moi, un peu étrange… Comment dire ?… Un peu pittoresque, et sans façon… — J’ai dit moi-même qu’elle était romanesque ! fit le banquier en riant fort. — Acceptons-la telle quelle, je n’y vois pas d’inconvénient… Du reste, ainsi posée, elle n’engage en rien ta volonté et te laisse libre de juger, de refuser ou d’accepter… — Mon père, répondez pour moi… dit Blanchette dont la voix était lointaine. Simon Beaufort fit un pas de plus vers le groupe. Il était extrêmement pâle… il parut vouloir parler… Marie-Blanche, froide, peut-être anxieuse au fond, s’attendait à de la violence, à un éclat. Beaufort se dompta et resta silencieux. — Mon cher M. Holmutz, si ma fille avait quelque engagement, si elle avait échangé une promesse, je le saurais… elle ne m’a rien dit… Vous pouvez donc conclure vous-même… Le banquier se leva, poussa son fauteuil gaiement vers la jeune fille. — Mademoiselle, vous avez entendu ce que vous ont dit mes deux braves garçons et je suis étonné qu’ils aient eu le courage de vous le dire, l’amour les rend timides… En somme, de quoi s’agit-il ? De leur permettre de vous approcher… d’attirer et de retenir votre attention ; en un mot de vous faire la cour, avec le respect infini qu’ils ont pour vous, pour le nom de votre père… C’est tout… Vous aurez ainsi le temps d’apprécier leurs qualités… Que se passe-t-il d’habitude ? Des jeunes gens s’empressent autour d’une jolie fille, sans avouer leurs prétentions et sans jouer cartes sur table… C’est la mode ancienne… nous inaugurons un jeu nouveau… Il peut surprendre, d’abord, il est logique au fond… Et j’ajouterai que ma franchise brutale n’est pas sans le rendre, par ma foi, plus honnête… Marie-Blanche fit attendre longtemps sa réponse. Et, éperdu de colère, Beaufort se penchait sur elle. Enfin, elle parla : — Mon père vous l’a dit, je suis libre… — Ce qui signifie ?… — Je jugerai, je refuserai ou j’accepterai… Elle tendit une main à chacun des deux frères. Personne ne prit garde à un profond soupir de désespoir. C’était Beaufort qui, là-bas, sur le mur de la terrasse, la tête dans les mains, se lamentait et mordait ses lèvres jusqu’à saigner, pour retenir la révolte de sa douleur. Holmutz se frottait les mains. — Voilà donc une question résolue en principe, mon cher colonel. Laissons faire ces cœurs de jeunes gens : ceci ne nous concerne plus. Toutefois, je tiens à aborder avec vous certaines considérations que vous aviez exprimées déjà, j’en suis certain, et qui, peut-être, seraient de nature à vous faire hésiter, si je ne m’en expliquais avec vous tout de suite et franchement… La franchise, c’est ma qualité… Mon cher colonel, je suis d’une race qui fût l’ennemie de la vôtre… je suis d’origine allemande… mais depuis trente ans je suis devenu Français… Français par le cœur, par l’affection et la reconnaissance… « Je n’ai pas le droit de renier mon ancienne patrie… Ce serait tâche et déloyal… Mais j’ai trouvé en France une patrie nouvelle où je me suis créé des devoirs nouveaux… une patrie qui, sans rémission, sans retour en arrière, a pris l’entière possession de mon être… J’ai pu conserver de mon éducation première, et de notre culture allemande, les défauts de surface que vous connaissez… Ceci n’est rien… Toutes les fois qu’il s’est agi de manifester de l’affection pour votre pays, pour ce qui est mon pays, on m’a trouvé le premier… Et je ne puis et n’ai pu donner à la France de meilleure et plus frappante preuve de mon attachement pour elle qu’en faisant de mes deux fils, deux soldats… Une voix de rancune et de haine, à l’extrémité de la terrasse, l’interrompit : — Le choix n’était pas possible… Vous ne pouviez pas faire autrement… — Il est vrai, M. Beaufort, et je suis heureux que vous m’écoutiez… — Oh ! je ne perds pas un mot ! Brusquement, Simon se rapprocha… Une rougeur de fièvre enflammait son visage. — J’ai voulu dire que mes fils ont accepté avec enthousiasme leur service militaire. Ils auraient pu y échapper. Cela n’était pas difficile. Au moment où leur classe fût appelée, ils étaient aux Indes, ils pouvaient y rester plusieurs années… De sursis en sursis, et en recourant à des influences, ils eussent fait comme quelque cent mille des vôtres pour lesquels la culotte rouge n’a plus d’attrait… Je ne l’ai pas voulu… Eux, ne le voulaient pas non plus… Aujourd’hui, Fred est sous-lieutenant de réserve… Il me semble, M. Beaufort, si j’ai bonne mémoire, que vous ne pourriez pas en dire autant ? — En effet, je n’ai pas de galons… Mais, puisque, de vous-même, vous avez voulu traiter cette question délicate, allons jusqu’au bout… Vous, M. Karl Holmutz, n’avez-vous point servi en Allemagne dans les hussards de la mort ? — Là ou ailleurs, ne devais-je point faire mon service ? — Ce n’est pas un reproche… Ne voyez là qu’une curiosité de psychologue… Après avoir porté sur votre shapska les deux tibias qui sont l’ornement réglementaire, n’avez-vous pas eu un sursaut, au fond du cœur, la première fois que vos fils vous sont apparus en culotte rouge ? — Non !… Ils m’ont rivé à ma patrie nouvelle… Mon affection devenait tangible… Je n’ai pas eu de regret, je vous le jure… Je n’ai eu qu’une fierté de plus… — Vous avez laissé des parents en Allemagne ? — Beaucoup, en Saxe et en Bavière… Oh ! je devine votre pensée… Mes fils, en cas de guerre, face à face avec ceux de leur sang ?… Laissez-moi rire… Je ne crois pas que votre vie se soit écoulée à étudier de pareils et aussi graves problèmes… et que jamais vous ayez rêvé à ce grand conflit des nations… Votre vie, je la connais… Elle a été légère… et vous n’avez jamais pris au sérieux les idées auxquelles vous vous attachez, je ne sais pourquoi, en ce moment. La mienne, au contraire, s’est passée à étudier, de par mon intérêt, les chances de lutte entre la France et l’Allemagne, à peser le pour et le contre, à discuter ces chances, de part et d’autre, avec les financiers, les militaires, les diplomates des deux pays. Mon opinion compte… La vôtre, faite de je ne sais quelle irritation, ne compte pas… Et mon opinion, la voici : entre la France et l’Allemagne, toute guerre est impossible. Et il y a pour cela une raison, unique, toute-puissante, fondamentale… C’est que l’Allemagne ne veut pas faire la guerre et jouer sur un coup de dé le résultat inespéré de ses conquêtes de 1870… Elle veut être votre amie… Elle le deviendra… Elle fera ce qu’il faut pour conquérir votre amitié parce qu’elle vous estime et vous aime… Et c’est parce que je suis sûr des sentiments pacifiques de mon ancienne patrie que j’ai fait de mes beaux et braves enfants deux bons Français… Dans la paix de cette calme et douce soirée, ces paroles de Holmutz, martelées de sa voix rude, avaient je ne sais quelle résonance sinistre. — Et moi, je dis : l’Allemagne prépare la guerre… Holmutz eut un léger sursaut. Fred et Roger, en un mouvement instinctif, et alarmés par le tour singulier que semblait pendre la conversation, s’avancèrent vers leur père. Mais Holmutz se mit à rire. Longtemps, longtemps, il rit… grassement… sa large face congestionnée. Et blaguant lourdement, mais toujours la voix bonhomme. — Vous êtes dans le secret de Guillaume ? — Non ! — Du kronprinz, alors ? du kronprinz le morphinomane ? — Non. — Alors, comment le savez-vous ? — Je sais que l’Allemagne prépare la guerre à bref délai. — Sottise ! fit le banquier avec violence. Mais aussitôt, redevenant poli, familier, paternel : — Pardon, M. Beaufort, je voulais dire que vous avez là d’imprudentes paroles. — L’Allemagne, depuis quarante-quatre ans, n’a pas désarmé sa haine et par tous les moyens, à coups d’argent, de guet-apens, d’espionnage et de crimes, elle augmente sans cesse sa puissance déjà formidable… contre nous ! — Et votre source d’information, mon jeune ami ? — A Paris, hier, on a cambriolé mon laboratoire de chimie… — Il s’y cachait donc quelque important secret ? — Que l’Allemagne paierait cher, M. Holmutz… car je suis sûr que si j’exigeais d’elle un million deux cent cinquante mille francs — monnaie française, M. Holmutz — elle les donnerait sans hésiter. — Contre quoi ? — Contre une simple formule chimique que je porte, là, dans mon cerveau ! Marthe et Marie-Blanche causaient à voix basse. En apparence, elles affectaient d’être indifférentes à ce qui se disait, mais elles n’en perdaient rien. Cela se voyait aux gestes nerveux qui leur échappaient. Fred et Roger écoutaient, surpris, ces paroles qui sonnaient comme une fanfare de guerre. — Si vous avez un secret qui intéresse la défense nationale de votre beau pays, M. Beaufort, il est chez vous entre bonnes mains… — N’en doutez pas ! — S’il est vrai que tu possèdes une pareille arme, Simon, fit le colonel… ce secret ne t’appartient pas… il est à ton pays… — Hier encore je n’y pensais pas, mon ami… Non, je l’avoue, je n’avais pas l’esprit préparé à de pareilles et aussi graves choses… Je travaillais sans but, sans envie d’aboutir et si j’ai abouti c’est bien le hasard qui l’a voulu. Je ne m’en fais pas gloire. Tout de même, il faut admettre que de loin les espions allemands veillaient et qu’ils étaient tenus au courant de mes recherches… La tentative qu’ils ont faite chez moi m’a ouvert les yeux… Depuis hier, je suis devenu un tout autre homme… Il ajouta, légèrement : — Bien entendu, je ne prendrai de repos que lorsque j’aurai mis la main sur ces misérables… J’ai, du reste, quelques indices qui me serviront, je l’espère… ainsi, je sais qu’ils étaient trois… deux ayant la même taille et d’allure jeune, un autre plus vieux, de forte corpulence… large d’épaules… la tête massive… — Un peu dans non genre ? fit Holmutz avec bonhomie. — Mon Dieu oui… Ce n’est pas tout… J’ai d’autres indices encore… — Ah ! ah ! voyons donc ! C’est un feuilleton parlé que vous nous détaillez là… — Je les garde pour moi… M. Holmutz, bien que je ne me défie pas de vous ! Tout le monde se mit à rire. Se défier de Karl Holmutz paraissait tout à fait plaisant. Rochefière, seul, paraissait absorbé, son regard inquiet fixé sur Marie-Blanche. — Ce qu’il serait intéressant de vous entendre nous expliquer, mon cher Holmutz, dit-il, c’est le travail qui, progressivement, s’est fait dans votre esprit pour vous détacher de votre ancienne patrie en vous attachant à la nôtre… Vous êtes Français, cela est certain, et même bon Français… Vous l’avez prouvé… Mais vous ne l’êtes pas devenu d’un seul coup… une loi, un décret, du jour au lendemain, ne renouvelle pas le sang d’une race ? — Je suis très heureux que vous me posiez cette colle, mon vieil ami… j’y répondrai et j’espère que vous aurez vu jusqu’au fond de moi… Remarquez toutefois que votre expression est impropre… Je ne me suis pas détaché de mon pays, et je ne fais pas fi de la culture allemande… Je n’ai rien oublié de là-bas, et j’ai profité de tout, ici… Il n’y a donc pas eu détachement, mais superposition… L’exemple que j’offre de la fusion de nos deux civilisations est incomplet, car j’ai été trop longtemps Allemand pour être ouvert à toutes vos subtilités, mais ce que mon exemple ne peut donner, vous le trouvez dans mes fils ; chez eux, la fusion est complète. Et c’est par la fusion de nos civilisations et de nos deux races que la France et l’Allemagne — je mets la France en premier toujours, appuya-t-il — étonneront le monde de l’avenir par leurs actions prodigieuses… — Colossales ! dit une voix lointaine. — Le travail qui s’est accompli en moi vient donc en premier lieu de la réflexion, de l’étude comparée de nos deux pays. Il y a eu, ensuite, la question d’intérêt. Elle a, sur toutes les affaires humaines, son importance. Mais peut-être bien qu’après tout je serais resté Alboche, fit-il en riant, si quelque chose ne s’en était mêlé qui ne lâche pas prise facilement sur nos cœurs, à nous autres de l’autre côté du Rhin… l’amour !… L’amour, que j’ai eu le bonheur de connaître deux fois… J’ai ressenti et trouvé à mon foyer des douceurs et des délicatesses que je ne soupçonnais pas et c’est dans des yeux de femmes que j’ai le mieux compris la France… — Vous êtes une exception, mon cher Holmutz… et c’est bien parce qu’il en est ainsi que sans prendre d’autre engagement et tout en réservant l’avenir, j’ai consenti à ce que vos fils fréquentent assidûment chez moi… Si Français qu’ils soient, si vous n’aviez pas été Français de même, et quelle que soit la sympathie dont ils sont dignes, j’aurais refusé et Marie-Blanche eût refusé comme moi… La voix de Beaufort, lointaine, se fit âpre : — Oui, ce cher M. Holmutz est une exception… mais qu’il ne s’y trompe pas ! Nos races ne s’entendront jamais… Nous ne songeons pas à nous, en France, nous songeons aux autres… Lorsque nous avons fait la Révolution, nous songions au monde… Partout où nos soldats se sont battus, ils ont emporté avec eux la contagion de leurs idées. Vous, de l’autre côté du Rhin comme vous dites, vous n’avez jamais fait que des guerres de rapine, de conquête et de spoliation… Là où vous êtes passés, vous vous êtes montrés des voleurs et des barbares… Et aujourd’hui encore, pendant que vous parlez ici avec tant de cordialité de brave homme… les chefs allemands prêchent la croisade contre la France et nous annoncent une guerre d’extermination… Vous me reprochiez tout à l’heure la légèreté de mes mœurs et mon insouciance coupable… Elles ne sont toutes deux que de surface… Soyez surpris de découvrir que je connais votre Allemagne autant que vous… Vous croyez que j’ai l’âme flétrie d’un décadent ? Ce qui m’a préservé de la décadence, et nombre de Français avec moi, c’est la haine qui roule en nous avec notre sang contre toutes les idées allemandes… — Je ne vous savais pas si méchant patriote, fit Holmutz avec arrogance. — Cela, encore, m’est revenu cette nuit, M. Holmutz… — Si la France vous suivait dans les limites étroites où vous confinez votre patriotisme, elle manquerait à ses destinées et à son amour de l’humanité… Un des vôtres a dit que le patriotisme du Français véritable consiste à ne pas avoir de patrie ! — Celui-là est un criminel. Un autre a dit, mieux inspiré : « Si la France se fait cosmopolite, elle deviendra immanquablement dupe de tous les autres peuples… » Pour moi, je ne crois pas à l’avènement, entre les hommes, du règne divin de l’amour, pas plus qu’à leur union indissoluble dans un seul culte, celui de l’humanité… C’est avec ces théories que l’on affadit un peuple pour le rendre lâche à l’heure du danger… — M. Beaufort, dit Holmutz, après un silence. Il s’approcha du jeune homme… lui mit la main sur l’épaule blessée, et il appuya lourdement ce geste familier. Simon retint un cri de souffrance. Holmutz resta souriant. — M. Beaufort, je n’avais vu en vous, jusqu’à, présent, qu’un gai compagnon… Je vous donne toute mon estime… Sa main ne quittait pas l’épaule saignante, la broyait, la torturait à plaisir. La t*****e, Simon la subit… mais ses yeux s’aveuglaient de fulgurations. — J’en suis heureux, M. Holmutz, balbutia-t-il… Je tiens à votre estime… Il se dégagea sans brusquerie, d’un lent mouvement naturel. — Et c’est parce que j’y tiens, que je vous demande de m’éclairer en ceci : une loi de votre pays d’origine nous avertit que, « ne perd pas sa nationalité d’Allemand celui qui, avant l’acquisition d’une nationalité étrangère, obtient de l’autorité compétente de son Etat d’origine, l’autorisation écrite de conserver sa nationalité »… Il se peut donc fort bien, M. Holmutz, que vous soyez tout à la fois Allemand et Français, ce qui, du même coup, permettrait à vos fils de choisir, au jour qui leur plaira, entre la France, et l’Allemagne. Holmutz laissa peser sur Beaufort un regard féroce. La forte mâchoire du banquier s’agita, sous un remous de colère intérieure, puis il redevint paisible. — Je n’ai pas eu recours à cette loi, mon jeune ami… Mon choix fut libre et absolu. Simon, remis de sa douleur, s’inclinait avec une politesse exquise. — Croyez bien, M. Holmutz, que si de vous-même, tout à l’heure, vous ne m’aviez convié à prendre place à ce conseil de famille, je ne me serais pas permis… — J’ai voulu que la situation fût nette… — Elle l’est, monsieur. Et Beaufort eut un sourire ambigu. Les deux hommes se séparèrent. En rejoignant le groupe, Holmutz dit à demi-voix : — Est-ce que ce garçon n’est pas un peu fou ? Mais, pendant toute la scène, où, sous la froideur des mots, s’agitaient les plus ardentes passions, et se cachaient les douleurs les plus éperdues, Marie-Blanche n’avait pas cessé de regarder Simon Beaufort. Elle seule, mieux que tout autre, comprenait ce qui se passait en lui, la terrible tempête de jalousie, de colère et de haine qui grondait… et qui lui donnait des gestes désordonnés. Un moment, son regard s’était fait plus doux. Si Beaufort avait pu surprendre ce regard ! Mais le pauvre garçon n’osait pas… Fred et Roger restèrent longtemps absorbés, le front soucieux. Ils avaient la même pensée, la même crainte mystérieuse, d’un danger qui planait. — Fred… Il se passe ici un drame d’amour dont on n’a pas voulu nous parler… Cette émotion à tous deux… à Beaufort, à Marie-Blanche… — Oui, j’ai cru deviner… à plusieurs reprises… — Tu as deviné qu’il l’aime, n’est-ce pas ? — Mais… elle ?… Sais-tu ce que j’ai cru deviner aussi ? — Elle le méprise… Holmutz et Rochefière s’étaient rejoints, rentrèrent à la maison. C’était dans une pièce étroite, simplement meublée, et qui servait de bureau à l’officier. Un plafonnier électrique l’éclairait vivement. Les deux hommes prirent place, Rochefière à son bureau, et Holmutz sur une chaise dans la pose abandonnée qui lui était habituelle, très renversé en arrière et les jambes croisées. — Vous permettez ? demanda-t-il. Et il alluma un second cigare. Depuis qu’il était entré, son attitude avait un peu changé… Sur la terrasse, le colonel, le prenant sous le bras, lui avait dit : — Et maintenant, allons causer entre nous de l’affaire dont je vous ai parlé dans ma lettre… cette succession des Puy-Morel. Le banquier n’avait pas retenu un léger mouvement d’ennui… Sa bonhomie ordinaire avait disparu. L’homme qui se trouvait devant Rochefière avait le visage fermé et dur, le front barré d’un pli et les yeux cachés obstinément sous les lourdes paupières. Dans un tiroir du bureau, le colonel avait pris quelques papiers. Holmutz y jeta, rapidement, un coup d’œil aigu. Puis, cette première impression passée, il reprit sa placidité et attendit.
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