- Je suis désolé de te déranger ma chérie, mais papa a besoin de toi tu peux venir me voir, je pleurais en disant cela je n’avais plus la force de retenir mes larmes et je l’entendis me rassurer
- T’en fais pas je viens te voir, où es-tu ?
- Je… à la maison princesse… je suis à la maison, j’ai fait une bêtise, et maman…
- J’arrive papa, tu m’expliqueras quand je serais là,
Je me levais lourdement et allais m’assoir à l’une des tables dans le jardin. Je me tenais la tête en me demandant ce qui se passait dans ma vie qu’est-ce qui m’arrivait ? Pourquoi je m’étais tout à coup retourné contre les deux seules personnes qui avaient toujours été là pour moi ? J’en étais à peu près là de mes pensées lorsque je senti une main sur mon épaule, c’était Akeng, ma petite princesse. Je me tournais vers elle et la serrais dans mes bras, en la sentant me passer les mains dans les cheveux, je me remis à pleurer :
- Papa arrêtes de t’inquiéter, tata a dit que maman allait bien maintenant, dit-elle en me passant de nouveau la main dans les cheveux
- Je sais, dis-je en la laissant s’assoir près de moi, mais j’ai honte de moi, si tu savais, je ne sais pas ce qui m’arrive depuis quelques temps, je fais n’importe quoi,
- Tu sais grand-père, il dit que tout ne peut pas être tout le temps parfait
- C’est sûr, fis-je en me ressaisissant, tu m’as manqué princesse, dis-je en la serrant à nouveau dans mes bras
Elle était si petite, elle avait déjà 13 ans mais était toujours si frêle. Un pédiatre nous avait dit que tous les enfants n’avaient pas le même rythme de croissance, et qu’il fallait juste lui laisser le temps. Je la serrais contre moi en l’embrassant sur le front plusieurs fois :
- Tu me manque tellement princesse, j’étais complètement fou ce jour-là tu sais, j’ai parlé sans réfléchir et j’ai dit n’importe quoi, je ne sais même plus pour quoi j’étais en colère, certainement un truc stupide encore
- T’en fais pas, je sais bien que c’est toi mon père, mamie Ening elle m’a montré des photos de toi quand tu étais petit, on dirait moi
- C’est vrai ? Fis-je en la regardant tendrement
- Oui, elle a même dit que toi aussi tu avais eu des problèmes de croissance et que au début elle croyait que c’était elle qui n’avait pas du bon lait
- Ah oui ? alors tu seras certainement aussi grande que moi, fis-je en souriant
- Oui, y a des chances
Je pris ses mains dans les miennes en souriant. Alors je n’avais pas perdu ma petite princesse, elle était juste un peu en colère, mais elle resterait à jamais ma petite princesse. Ma sœur vint nous trouver dehors le regard dur :
- Akeng tu peux aller veiller ta maman un moment je dois discuter avec ton père,
- Bien tata, fit la gamine en se levant
- J’espère que tu es content mon petit, fit-elle
- De quoi tu parles ?
- Abeng… elle a perdu son bébé
Je venais de prendre le KO de ma vie, cette douleur je la sentais dans mon ventre comme si on venait de me donner un grand coup dans les côtes :
- Elle… elle était enceinte de combien de mois ?
- Un peu plus de deux mois
- Je… est-ce… elle va bien ? Demandais-je hésitant
- Oui, mais il y a des chances pour qu’elle demande le divorce, pour ton bien j’espère que cette fille t’aime au moins autant que ta femme…
- Je vais… on ne va pas se séparer, je vais tout arranger, je… je vais tout arranger…
- Ah oui ? Tu vas lui effacer la mémoire ? Parce que ce n’est pas que la scène d’aujourd’hui qu’il va falloir effacer, les disputes, les humiliations, les accusations etc… etc…
Je regardais ma sœur dans les yeux et je savais bien qu’elle avait raison. Pendant que nous parlions mon téléphone se mit à vibrer, c’était un numéro inconnu :
- Allo ?
- Salut mon grand, tu as aimé la petite partouze, tu sais on remet ça quand tu veux,
- Oui bien sûr mais fais gaffe à toi, il se pourrait que tes potes et toi je vous mette la main dessus avant, et moi je ne vais pas vous v****r je ne suis pas P… de pédé moi, mais je vous tuerais un à un, hurlais-je en raccrochant
Aboghé me fixait inquiète :
- C’est quoi cette histoire frangin ?
- Rien… ce n’est rien,
- Oh non ce n’est pas rien je ne t’ai jamais entendu menacer qui que ce soit de mort, dis-moi ce qui se passe
Je me remémorais toutes ces fois où on avait parlé de jeunes filles qui s’étaient faite v****r et on se demandait pourquoi elles ne dénonçaient pas leurs agresseurs, et là c’était mon tour, ma sœur me fixait toujours attendant une réponse qui tardait à venir :
- Je ne vais pas te lâcher alors tu ferais mieux de tout me raconter
- J’ai été v***é pendant le rassemblement de la confrérie, avant-hier,
- Quoi ? et tu sais qui ils sont ?
- Bien sûr que je le sais, nous appartenons à la même confrérie
- Pourquoi tu ne les dénonces pas ? Gora ! hurla-t-elle
- Laisse tomber,
- Comment ça laisse tomber, Gora tu ne vas pas me dire que tu ne comptes rien faire pour ça
Ce n’était pas le pire, Abeng avait demandé à la gamine de l’accompagner dans le jardin, elle voulait me parler, je suis persuadé qu’elle voulait en finir avec tout ça. Mais lorsque je voulu m’en aller loin de ma frangine, je me retrouvais face à mon épouse qui avait retenu un cri, elle me regardait maintenant les larmes aux yeux :
- Gora, mon cœur je te demande pardon, dit-elle
- De quoi chérie, dis-je en la prenant dans mes bras, ce n’est pas de ta faute, je me suis mis dedans tout seul, comme l’idiot que je suis… l’idiot que je suis à chaque fois que je ne t’écoute pas
Des larmes avaient recommencés à me couler des yeux, mais je tenais ma femme serrée contre moi, et à ce moment, je me fichais bien de tout le reste. J’avais manqué de peu de la tuer, et j’avais provoqué la mort de notre bébé. Cet enfant que j’avais appelé de mes vœux si longtemps, je l’avais tué. Je m’en voulais mais en même temps, le fait de pouvoir tenir ma femme dans mes bras me rassurait. Je sentais des larmes lui couler des yeux et je me demandais comment faire pour les arrêter. J’aurais voulu lui dire, que tout ça ce n’était rien, et que le seul fait de pouvoir la serrer dans mes bras après tout le mal que je lui avais fait, me faisait oublier jusqu’à ce séjours maudit. Je ne voulais pas qu’elle pleure pour moi, je ne le méritais pas.
Mais aucun son ne sortait de ma bouche, j’avais toujours mis un point d’honneur à lui dire ce que je pensais, et lui dire ça me semblait si… prétentieux. Car malgré tout ce par quoi elle passait par ma faute, je savais qu’elle m’aimait, et que tout ça ne serait jamais « rien » à ses yeux. Je réalisais que je n’avais jamais mérité aucun de ses sourires, aucune de ses attentions, ni son temps, ni son amour, que tout ce qu’elle m’avait donné toutes ces années c’était une grâce. Elle aurait pu se trouver un type bien, un avec lequel sa vie aurait été moins compliquée, mais c’est moi qu’elle avait choisi et moi je l’avais trahi, et j’avais tué son enfant.
Je la tenais serrée contre moi incapable de la lâcher, et incapable de lui parler. Je m’accrochais à elle comme un noyer à une bouée de sauvetage. J’avais envie de croire que tout ceci n’était qu’un cauchemar et que si je la gardais contre moi, rien de cela n’existerait plus. Mais je me trompais, encore. Mon cœur ressemblait à un morceau de viande déchiqueter par des carnaciers, et laissé là pour les charognards. Il me semblait que tout ce qu’il y avait de viable encore en lui, c’était mon amour pour ma femme. Celle qui se trouvait prisonnière de mes bras. Je la sentais si fragile. Depuis combien de temps cette grossesse la mettait-elle dans cet état ? Parce que ce qu’elle avait vu dans cette chambre ne pouvait pas expliquer le drame que nous venions de vivre. Des jours, des semaines, des mois ? Et moi qui ne voyais rien.
Il avait fallu que cette fille se retrouve chez nous, pour que je me rende compte qu’elle n’allait pas bien. Entre mes bras Abeng semblait à peine plus grosse que notre petite Akeng. Et ce constat me donna un second coup dans le ventre. Comment faisait-on pour vivre aux côtés d’une personne qu’on disait aimer, et passer à côté de son mal être ? Sans se rendre compte qu’elle pouvait s’écrouler à n’importe quel moment et sortir de notre vie de façon définitive. Abeng, elle était ce que je chérissais le plus pourtant, elle avait frôlée la mort par ma faute.
Ma sœur nous observait sans rien dire. Elle avait assisté à notre traversée du désert et plus que les autres, elle avait vu ma femme devenir cette personne que je tenais dans mes bras. Je savais qu’elle m’en voulait et peut-être qu’elle avait encouragée Abeng à divorcer. Mais en nous voyant ainsi dans les bras l’un de l’autre, peut-être pensait-elle que j’avais été suffisamment puni. Mais comment réparer ? Comment demander pardon ? Avec quels mots ? Et surtout par où commencer ?
Au bout d’un moment je senti Abeng faiblir entre mes bras. Je la portais dans notre chambre et l’allongeait sur notre lit. Mes yeux voyaient ce corps que je parcourais du regard pour la première fois depuis longtemps, et n’en revenaient certainement pas. Si j’avais vu ce corps en photo, sans visage, et qu’on m’avait certifié qu’il s’agissait de mon épouse, je ne l’aurais pas cru. Incapable de croiser son regard, je gardais la tête baissée, assis sur le lit près d’elle :
_ Pourquoi ? Dit-elle soudain
_ Pourquoi quoi chérie ? Rétorquais-je sans comprendre
_ Il te suffisait de me dire que tu ne voulais plus de ce mariage et tu sais bien que…
_ Abeng je t’en conjure, dis-je au bord des larmes, ne dis rien on en parlera plus tard, je m’en veux tellement… je m’en veux, tu ne sais pas à quel point… reposes-toi, je vais demander à ma sœur de te faire une ordonnance et je vais… j’irais t’acheter des médocs, la gamine va te faire un truc à manger le temps que je revienne et on va s’occuper de toi, pour le moment repose-toi
Elle me regarda un instant, tentant de croiser mon regard, mais je ne pouvais toujours pas. Non. Comment aurais-je put ? Que devais-je lui dire ? Que j’avais honte ? Que pendant tout ce temps j’avais eu le sentiment de ne plus être moi-même ? Comme si je vivais la vie d’une autre personne, prisonnière de sentiments et préoccupations qui étaient celles d’un autre. J’avais plus que tout peur de me retrouver seul, sans elle. Cette femme avait toujours été à mes côtés, elle avait toujours été la raison pour laquelle je m’accrochais, la raison pour laquelle je gardais espoir même pendant les périodes les plus difficiles que j’avais traversées.
Et la perdre… non, cette seule idée m’était insupportable. Je me revoyais au lycée, Abeng et moi avions pris l’habitude de nous retrouver après les cours, tous les jours. Une fois ses cours finis, elle venait s’assoir sur le banc sur lequel je l’avais vu la première fois, et m’attendait. Elle n’était jamais trop pressée. Quelle que soit l’heure à laquelle je terminais mes cours je la trouvais assise là. Parfois, elle tenait un livre de cour à la main. Ou alors son cahier d’exercices. Certains jours elle était d’une humeur massacrante, mais elle m’attendait quand même. Un jour je la trouvais assise, le visage fermé. On ne s’était jamais encore disputé, et ce jour-là allait être le début d’une longue série.
Elle faisait ses devoirs assise sur ce banc, toute seule. Le lycée d’état s’était vidé de ses élèves et seuls quelques trainards, perdaient le temps sur le terrain de basket. En me voyant arriver elle s’était levée et marchait maintenant devant moi :
_ Hey ma belle, dis-je ne la rattrapant, tu ne me salues pas ?
_ Ça fait un bon moment que j’attends, alors non je n’ai plus envie d’attendre
_ désolé mon cœur, écoute ce n’est pas de ma faute, les profs…
_ Tu as toujours une bonne excuse, coupa-t-elle, tu te demandes souvent si je suis fatiguée, ou si j’ai faim, ou même si je ne suis pas spécialement d’humeur à t’attendre ?
_ Oh ce n’est pas parce que tu es de mauvaise humeur que tu vas me crier dessus quand même, mince Abeng à quoi tu joues aujourd’hui ? Tu penses que c’est moi qui fais les programmes au lycée peut-être, que je fais exprès de programmer les cours aux heures…
_ m***e Gora, coupa-t-elle d’un coup, je n’ai aucune envie de t’écouter
Après avoir dit ça, elle était partie en trombe. Au début j’étais resté planté là. J’étais en colère. Je me demandais ce que cela signifiait, peut-être qu’elle avait un nouveau mec et qu’elle voulait juste que j’arrête de venir la chercher. Ou alors elle voulait carrément rompre. Je ne savais pas quoi penser. Au final je m’étais dit qu’il fallait qu’on discute tous les deux, j’ai couru aussi vite que je pouvais et j’ai pu la rattraper. A l’époque je savais déjà que je ne voulais aucune autre fille dans ma vie, alors si elle avait un autre mec ça serait à lui de lâcher l’affaire :
_ Ecoute moi princesse, Abeng s’il te plait arrêtes toi
Elle avait fait la tête une minute et puis s’était arrêté de marcher. Elle me regardait maintenant attendant que je lui dise quelque chose avant de se remettre en marche certainement sans m’avoir répondu :
_ Excuse-moi pour tout à l’heure, de nous deux je sais bien que c’est toi qui fais le plus d’efforts et de sacrifices, mais tu vois je ne sais pas quoi te proposer, j’ai besoin de te voir tous les jours mon cœur, tu ne vas pas me reprocher ça hein ? Abeng…
Elle soupira et se calma. Je me tenais devant elle les bras tendus. Je voulais qu’elle vienne se blottir dans mes bras, et je ne sais pas pourquoi elle le fit, mais elle le fit. Je la serrais contre moi en lui embrassant le front :
_ Je te demande pardon, si tu veux je t’aide à faire tes devoirs et vu que ton père n’est pas là, je te ferais un truc à manger, pour me faire pardonner
Elle me regardait en souriant. Elle avait acceptée et je ne me souviens plus du plat que j’avais concocté mais ça avait été un échec cuisant. On avait été obligé de s’acheter des plats « à emporter » à la cafet du coin. f****e soirée, mais Abeng, elle avait adorée cette soirée. J’avais fait mes devoirs en lui donnant un coup de main pour les siens. Le soir était tombé lorsque je rentrais chez moi. J’étais allé directement dans ma chambre m’allonger sur mon lit. J’étais euphorique. Je revoyais Abeng dans mes bras quand je m’étais excusé, et ensuite sourire lorsque j’avais raté la bouffe. Et puis triste au moment où je lui avais annoncé qu’il me fallait rentrer. Elle s’était blottie dans mes bras sans que je le lui demande et refusait de me laisser m’en aller. Je sentais son parfum sur mes fringues et j’étais heureux. Ce soir-là elle m’avait embrassée pour la première fois sans faire de manière et sans m’obliger à la supplier.
Quel changement ! Aujourd’hui c’est elle qui se languissait de mes attentions. Et pourtant ce que je l’aime cette fille. Je me demandais maintenant à quel moment je l’avais oublié. Hum ! Drôle de vie ! Pendant que je repassais tous ces souvenirs dans mon esprit, je senti la main de ma femme se poser sur moi. Je levais la tête et la regardais toujours un peu mal à l’aise :
_ Je peux avoir de l’eau, s’il te plait, murmura-t-elle
_ Oui bien sûr, je vais aller te chercher ça ne t’inquiètes pas
_ Merci, fit-elle encore
Je sortais de la chambre en essayant de faire le moins de bruit possible, j’essayais de conserver maintenant un peu de calme autour d’elle. Je me disais que même s’il était trop tard pour notre enfant, je devais prendre soin de ma femme. Ma sœur était dans la cuisine avec Akeng, et faisait à manger. J’allais prendre de l’eau pour Abeng dans le réfrigérateur lorsqu’elle me stoppa :
_ Tu devrais prendre l’ordonnance que j’ai posée là, il lui faut des médicaments, je suis en train de lui préparer un peu de potage elle aura moins de mal à manger ça,
Je récupérais l’ordonnance :
_ Ma puce, tu pourrais apporter de l’eau à maman, s’il te plait
Akeng se leva après avoir hoché la tête en signe d’approbation, et monta apporter l’eau à Abeng :
_ Gora ! Fit ma sœur une fois la petite hors de vue
_ Oui ??
_ Tu sais qu’on n’a pas terminé notre discussion, je comprends que tu ne sois pas encore prêt à en parler avec quelqu’un mais il va falloir que tu en parles, et en ce qui concerne ta femme, tu vas aussi devoir prendre une décision, si tu ne veux plus d’elle laisse la s’en aller
Je restais silencieux pendant qu’Aboghé parlait. Elle avait raison pour tout, mais je n’avais aucune envie de me séparer de ma femme. Mais après tout ce que je lui avais fait, comment le lui dire ?