Chapitre 3 – Le Doute et l’Instinct

936 Mots
Le crépitement du feu emplissait la cabane, projetant sur les murs des ombres qui semblaient danser au rythme de sa respiration. La chaleur caressait sa peau, mais même les braises les plus vives n’arrivaient pas à dissiper le froid tapi sous sa cage thoracique. Assise à même le sol, les genoux repliés contre sa poitrine, Neïly fixait la flamme comme si elle pouvait y lire les réponses que personne ne lui avait jamais données. Des réponses sur sa liberté, sur son avenir, sur ce lien infâme que la lune avait décidé de lui tendre une seconde fois. Depuis son arrivée ici, elle n’avait pas prononcé un mot de plus que nécessaire. On l’avait conduite, presque portée. On l’avait soignée, comme si son corps n’était qu’un tas de plaies à réparer pour qu’il redevienne utile. On l’avait nourrie, avec une attention étrange, trop respectueuse pour être innocente. Et surtout… on l’avait observée. Toujours cette même impression d’être une bête égarée qu’on hésite à approcher — ou peut-être une pièce trop fragile d’un puzzle qu’ils n’osaient pas toucher. Mais ce n’était pas les regards des autres qui la troublaient. C’était le sien. Daimon Sylvester. L’Alpha au regard d’or. L’Alpha dont la voix vibrait jusque dans sa peau, jusqu’à son loup endormi. Chaque fois qu’il franchissait le seuil de la cabane, l’air changeait. Le monde changeait. Son corps réagissait malgré elle : un frisson le long du dos, un battement plus fort, une chaleur qu’elle détestait comprendre. Elle entendit la porte s’ouvrir avant même de le voir. Il entra sans frapper, comme si cet espace lui appartenait. Et c’était le cas. Tout ici lui appartenait. — Tu devrais te reposer, dit-il d’une voix calme, un calme qui portait pourtant une autorité sans faille. Elle ne leva pas les yeux. Ses réponses étaient des murs. — Je ne dors plus depuis longtemps. Des pas sourds, lents, maîtrisés. Il s’approcha d’elle comme un prédateur approche une flamme : avec la conscience qu’il pourrait s’y brûler, mais sans jamais reculer. Quand il s’arrêta derrière elle, Neïly sentit l’air se comprimer autour d’elle. Pas seulement la présence physique d’un homme — mais celle d’un roi, d’un pouvoir. Une énergie brute qui vibrait comme une bête prête à se déchaîner. — Tu es entrée sur mes terres sans permission, dit-il. Je devrais t’enchaîner pour cela. Sa voix glissa sur sa peau comme un avertissement. Un coup. Un souffle. Une sentence. — Alors pourquoi ne l’as-tu pas fait ? répliqua-t-elle, la voix cassée mais ferme. Le silence devint presque vivant. Il la fixa longuement. Et pendant une seconde, elle crut y voir quelque chose qu’elle n’était pas prête à identifier : de la douleur. Ou du désir. Ou un mélange trop dangereux des deux. — Parce que je n’ai pas encore compris ce que tu es, finit-il par murmurer. Neïly se redressa lentement, comme si son corps craignait que le moindre mouvement ne brise la fragile neutralité de l’instant. Elle se tourna vers lui, exposant son visage, sa fatigue, ses yeux violets qui brillaient sous la lumière du feu comme des pierres précieuses fracturées. — Je ne suis rien. Juste une oméga fuyante que ton regard dérange. Il ne cligna même pas des yeux. — Tu mens. Elle inspira brusquement, comme frappée. La seconde suivante, elle se leva d’un bond. — Et si je te dis que je n’ai besoin de personne ? Ni d’un roi, ni d’un sauveur ?! Sa voix tremblait. Pas de peur. De colère. De cette colère ancienne, rongeante, qui dormait en elle depuis Moonlight. Une colère qu’elle avait longtemps étouffée pour survivre. Il avança. Lentement. Mais chaque pas rapprochait leurs souffles. Quand il posa sa main sur la table qui les séparait, le bois craqua légèrement. Ce simple geste réduisait la distance entre eux — physiquement, mais pas seulement. Quelque chose dans leur lien vibra. Un appel. Une brûlure. — Tu peux mentir à tout le monde, Neïly. Mais pas à moi. Elle se renfrogna, les ongles presque plantés dans sa paume. — Et pourquoi ça ?! Il s’approcha juste assez pour qu’elle sente le souffle de ses mots sur sa peau. — Parce que ton odeur me hante. Parce que ton cœur bat au même rythme que le mien. Le silence s’abattit comme une pluie lourde. Elle recula. Son dos heurta le mur. La pièce tournait légèrement. Ce qu’il disait… elle l’avait senti aussi. Ce lien. Ce fil invisible autour de son cœur. Ce fil qui tirait, qui brûlait, qui exigeait. Mais comment pouvait-elle y croire à nouveau ? Comment accepter ce que la lune lui avait arraché la première fois ? L’amour lui avait coûté sa liberté. Sa naïveté lui avait coûté sa peau. Et voilà que le destin voulait lui voler sa haine aussi. Elle secoua la tête, essayant de reprendre son souffle. Il la regardait, attentif, presque inquiet — mais Daimon n’était pas un homme qui montrait l’inquiétude. Non, ce qu’elle voyait, c’était plutôt une tension douloureuse. Un combat intérieur. Il finit par détourner le regard. Pas par faiblesse. Par nécessité. Sans un mot de plus, il tourna les talons et se dirigea vers la porte. — Repose-toi, petite louve, dit-il d’une voix grave. Le jour viendra où tu cesseras de fuir. La porte claqua doucement derrière lui. Et la chaleur du feu ne suffit plus à apaiser ses tremblements. Elle inspira profondément. Puis, dans le silence revenu, elle murmura : — Ou peut-être le jour viendra où c’est moi qui te ferai fuir… Son propre défi résonna dans la pièce, comme une promesse. Comme une menace. Comme la première fissure dans le mur entre eux.
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