Prologue

458 Mots
Prologue Je dissimulais ma timidité sous un classicisme plat ; jupe noire et chemisier blanc. L’ambiance Belles Lettres des lieux m’étourdissait. Camilla, tu es en train de signer ton premier contrat d’édition ! S’il n’y avait pas eu l’admiration insistante de madame Victor – Lorsque j’eus lu les premières pages, je sus que ce manuscrit me divertirait. Du vrai petit-beurre ! –, j’aurais pincé ma joue entre mon pouce et mon index. Lui aussi me parlait avec des passés antérieurs… Je parcourais les clauses du contrat d’édition. Le jargon technique employé, opaque, me laissait perplexe. Je me réjouis de la présence de mon agente littéraire. « … qu’il est le seul titulaire de tous les droits sur chacun des éléments de l’œuvre ne faisant pas partie du domaine public, y compris sur les documents annexes le cas échéant, à l’exception des parties ayant pu être tirées d’autres œuvres, y compris des textes issus de sites Internet, mais dans ce cas l’Auteur garantit qu’il a obtenu à cet égard toutes les permissions requises… » Troublée, je relus « y compris des textes issus de sites Internet… toutes les permissions requises… ». Je levai les yeux vers madame Victor qui me souriait ; je me tournai vers Inès, mon agente. – Quelque chose te chiffonne, Camilla ? – Non, non, ça va. Qu’est-ce que je pouvais lui dire ? Que je n’étais pas certaine de pouvoir signer ? Je me suis juste inspirée de ce qu’il m’écrivait et de sa manière… Est-ce qu’il m’aurait fallu son autorisation écrite ? J’aurais dû lui en parler. S’il pensait que je lui mentais à nouveau… Deux ans plus tôt Je lui avais menti ; et pourtant, je n’avais jamais été aussi sincère. C’est à lui que j’avais confié le plus inavouable de mes désirs : vivre un mariage fondé sur la discipline conjugale. Un mariage dans lequel je serais une bonne épouse chérie, aimée et punie lorsque nécessaire. Juste trois mois de confidences épistolaires, déjà trois mois ; ça me bouleverse. Il sait si bien me faire écrire, il prend tant d’intérêt à me lire… Sa façon de m’interroger avec autorité, de répondre à mes confidences, sa culture littéraire et toute sa gourmandise érotique m’ont fait renaître. Ça fait rire, ça fait chanter une identité trop longtemps empêchée ; c’est la puissance d’une rivière qui reprend un lit ancien. Je suis amoureuse. Je lui ai menti sur mon identité, ma situation matrimoniale, mais il me connaît mieux que personne. Il sait tout de l’épilation de mon bikini, de mon désir de devenir une écrivaine, et bien sûr, de mon souhait d’être une amante disciplinée. Lorsque je l’ai fait, j’aimais encore mon mari. Du moins, il me plaît de le croire. C’est une pulsion qui m’a saisie, un instinct de vie qui m’a fait publier une annonce sur ce forum d’amateurs de fessée dans la section femmes soumises cherchent hommes dominants pour relation de longue durée. Ce n’était pas de l’infidélité, tout au plus un jeu littéraire. Et une saine nourriture de mon univers fantasmatique. Je devais refouler la vacuité sexuelle, le néant d’intimité qui avait aspiré mon couple et pilonné mon corps d’envies inassouvies. Et je l’ai rencontré…
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