Une fois devant le bureau de ce dernier, il frappe à la porte et entre.
Hermann : « tiens, bonjour Réginald. Que puis-je pour vous ? »
Réginald : « bonjour Hermann, je voudrai convoquer madame Roberta Neville. J’ai
besoin d’éclaircissements concernant l’affaire Cruz et elle refuse de me répondre »
Hermann : « je regrette, pour le moment, vous ne pouvez rien contre ça. Elle a
parfaitement le droit de refuser de vous parler. Et si vous continuez de l’appeler comme ça, elle
finira par porter plainte pour harcèlement »
Réginald : « il me faut des éclaircissements concernant cette affaire et elle seule est
capable de me les donner. C’est elle qui a défendu Aaron Cruz. Pourquoi refuse-t-elle de me
parler ? »
Hermann : « je n’en sais rien. Mais pour que votre convocation puisse avoir un quelconque poids ou une certaine coercition, vous devez être légalement chargé de défendre Aaron Cruz. Autrement dit, Aaron doit accepter de se faire représenter par vous »
Réginald : « Aaron doit me donner sa réponse demain »
Hermann : « c’est déjà un point positif de l’avoir amené à réfléchir au lieu de vous
donner une réponse directe, qui aurait été probablement non »
Réginald : « il faut donc que je lui montre que je peux réussir où son ancienne avocate
a échoué »
Hermann : « ne vous emballez pas, encore faudrait-il qu’il accepte d’abord votre proposition »
Réginald : « j’ai quelques lectures à faire. D’ici demain, je serai fixé »
Hermann : « que comptez-vous faire ? »
Réginald : « je vais lui présenter les doutes que j’ai, enfin, il n’y en a qu’un seul pour l’instant »
Hermann : « lequel ? »
Réginald : « comment peut-on le condamner alors que son témoin était introuvable ? »
Hermann : « le meurtre d’un enfant est très vite classé dans un procès, surtout le jury. Chacun des membres imagine bien qu’il pourrait s’agir de son enfant. Vous ne pouvez rien contre ça, surtout qu’il a eu un passé de consommateur de stupéfiants »
Réginald : « il a suivi une cure de désintoxication, il est guéri »
Hermann : « mais ça reste un meurtrier, coupable de l'assassinat d'un enfant »
Réginald : « il n’y a aucune preuve tangible, juste des témoignages et l’émotivité d’un jury trop impulsif »
Hermann : « dites ce que vous voulez, mais vous devrez à votre tour apporter des preuves
de son innocence »
Réginald : « cela ne dépend que de lui. »
Hermann : « vous avez raison, voyons d’abord s’il vous accepte pour le représenter »
Le jour présent laisse la place au lendemain. Ce qui enchante beaucoup Réginald qui se
rend de bonne heure à la prison centrale, impatient de connaitre la réponse d’Aaron. Une fois à
la prison, il reçoit un coup de fil de la part d’Hermann, ce qui ne manque pas de le surprendre.
Réginald : « allô Hermann »
Hermann : « Réginald, vous risquez d’avoir des problèmes. Dites-moi où vous êtes »
Réginald : « voilà une drôle de façon de dire bonjour. Je suis à la prison centrale »
Hermann : « j’espère que ça en vaut la peine. Roberta Neville a engagé un détective
privé dans le but de vous filer l’arrière-train. Je viens de recevoir des photos de vous en train
de traverser le portail de la prison. Je voulais en être sûr. Si vous n’arrivez pas à convaincre
Aaron aujourd’hui, cette mégère va s’arranger pour que vous ne soyez plus en mesure de l’approcher »
Réginald : « elle a quelque chose à cacher. Et au nom de quoi ferait-elle une chose
pareille ? »
Hermann : « elle fut son avocate commise d’office. Elle peut encore décider de le redevenir même contre le gré du prisonnier »
Réginald : « je vois… je vous rappelle tout à l’heure »
Réginald raccroche le téléphone et se dirige vers la salle des visites. Il est surpris de ne pas trouver Aaron. De plus, les gardes lui ont demandé d’attendre à l’accueil, ce qui l’inquiète encore plus. A ce stade, s’il échoue, non seulement il aura des problèmes avec une avocate rivale, mais également avec son patron. Pendant qu’il réfléchit encore à une éventuelle stratégie de secours, l’un des gardiens l’appelle et l’emmène dans une salle ressemblant à une salle d’interrogatoire. Il entre et trouve Aaron assis.
Réginald (au garde) : « qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi vous… »
Aaron : « du calme, monsieur l’avocat, c’est pour nous que nous sommes ici »
Réginald : « vous pouvez m’expliquer ? »
Aaron : « ce que j’essaie de vous dire c’est que désormais, c’est ici que nous viendrons pour nos entretiens »
Réginald : « que suis-je censé comprendre ? »
Le garde, las de se trouver en présence des deux hommes, sort et referme la porte
derrière lui.
Aaron : « c’est bien vous qui cherchez à reprendre mon affaire ? »
Réginald : « oui, c’est bien moi. Et je suis venu pour connaitre votre réponse »
Aaron : « en voyant l’endroit où nous sommes maintenant, je vous laisse deviner ma réponse »
Réginald (regarde la salle une fois de plus) : « ah… d’accord »
Aaron : « je crois que vous avez compris maintenant »
Réginald (se dirige vers sa chaise et prend place) : « vous auriez pu le dire plus tôt »
Aaron : « j’ai préféré m’amuser un peu, on aurait dit que vous me défendiez déjà »
Réginald : « bien, si ça vous a plu, tant mieux. Maintenant, passons aux choses sérieuses »
Aaron : « je vous écoute »
Réginald : « j’ai reçu votre dossier des mains de mon patron. En d’autres termes, c’est le cabinet pour lequel je travaille qui sera chargé de vous défendre »
Aaron (surpris et soulagé) : « après tout ce temps !!! »
Réginald : « maintenant je voudrai savoir quelque chose. J’ai parcouru une fois de plus
votre dossier et il y est mentionné que vous avez dit qu’il y avait un témoin avec vous le soir
du meurtre de cet enfant. Le problème c’est qu’on n’en fait mention nulle part dans le résumé
du procès »
Aaron : « il y a que cette femme a choisi de disparaitre avant le procès. Mon avocate
commise d’office n’a rien fait pour la retrouver et deux semaines plus tard, j’étais ici »
Réginald : « quoi ? »
Aaron : « c’est ce que je n’arrêtais pas de dire. Ça fait douze ans que je suis ici pour rien »
Réginald : « vous… votre avocate savait que vous aviez un témoin capable de vous innocenter et elle n’a rien fait pour vous aider »
Aaron : « vous comprenez maintenant »
Réginald : « alors c’est pour ça qu’elle me fait suivre »
Aaron : « vous dites ? »
Réginald : « elle veut m’empêcher de découvrir quelque chose, elle me fait suivre par un détective privé »
Aaron rit.
Réginald (sort une feuille de son sac et la tend à Aaron, ainsi qu’un stylo) : « tenez, signez ceci. Désormais, vous êtes mon client. Avec ça, j’aurai de quoi tenir cette femme à l’écart »
Aaron (en train de signer) : « du moment que je pourrais enfin avoir un procès juste…je vous signerai tout ce que vous voudrez »
Réginald : « il faut maintenant rouvrir votre dossier auprès du juge. Et pour ce faire, on
doit verser un nouvel élément au dossier. Je crois que j’ai trouvé cet élément, mais ça va se
jouer serré parce qu’il faudra affronter votre ancienne avocate. Dans tous les cas, on verra »
Réginald ramasse le papier signé, se lève et sort de la salle. Il se dirige vers la sortie et
se rend au cabinet. Ce faisant, il compose le numéro d’Hermann. Quelques secondes plus tard,
le téléphone d’Hermann sonne, il décroche.
Hermann : « je vous écoute »
Réginald : « c’est fait, il est officiellement mon client »
Hermann : « bien joué Réginald. Maintenant, on peut riposter à l’attaque de Roberta Neville »
Réginald : « s’il vous plaît, je souhaiterai vous demander quelque chose. Ne ripostez pas
encore. Pourriez-vous m’aider à adresser une demande de restriction ? »
Hermann (amusée) : « très bien, c’est comme si c’était fait. Mais elle doit le payer cher,
vous savez ! »
Réginald : « ho ! Croyez-moi, elle ne perd rien pour attendre. Je peux vous l’assurer »
Réginald raccroche. Quelques minutes plus tard, il arrive au cabinet ACE. Il reçoit
aussitôt un appel d’un numéro dont il n’aurait jamais imaginé l’initiative : Roberta Neville. Il
décroche.
Roberta : « vous vous croyez malin avec cette demande de restriction ? »
Réginald : « Roberta Neville, quelle ignoble surprise ! Que voulez-vous ? »
Roberta : « j’espère que vous êtes fier de vous. »
Réginald : « conformément à mon enquête, je devrais m’entretenir avec vous sur l’affaire Cruz. Vous pouvez accepter et ça se passera vite, ou vous pouvez refuser et je serai obligé de vous y obliger tôt ou tard »
Roberta : « si ça peut m’éviter une intoxication pulmonaire parce que je respire le même air que vous, je préfère que ça se passe vite »
Réginald : « vous venez ici aujourd’hui »
Roberta : « je me mets en route… non mais, vous me croyez capable de pénétrer dans vos locaux délabrés ? Vous venez dans mon cabinet. C’est bien mieux comme ça »
Réginald : « comme vous voudrez…à tout de suite »
Roberta raccroche brusquement.
Réginald sort de son bureau pour se rendre au cabinet KINGS. Il rencontre Hermann.
Hermann : « je crois que le vrai combat commence maintenant »
Réginald : « je vous remercie pour la demande de restriction. Au moins avec ça, Aaron est protégé »
Hermann : « vous êtes de mon cabinet, je me dois de vous couvrir »
Réginald : « je dois me rendre au cabinet KINGS »
Hermann : « vous avez fini par décrocher un rendez-vous avec l’affreuse ? »
Réginald : « exactement. Je me doute que ça va se passer comme sur des braises, mais ce sont les risques du métier »
Hermann : « dans tous les cas, ne vous laissez pas impressionner. C’est peut-être le meilleur cabinet de la ville, mais rien ne dit que ses avocats sont imbattables, et encore moins cette Roberta Neville »
Réginald : « j’en prends bonne note, je vous laisse »
Le cabinet des KINGS est logé dans un bâtiment de quatorze étages. Il a l’air assez
luxueux vu de l’extérieur. Réginald a carrément la bouche béante à sa vue. Il entre et se renseigne à l’accueil. Il se fait accompagner au huitième étage, puis dans le bureau de Roberta Neville qui l’attendait déjà. Il entre et lui tend la main, mais elle ne répond pas.
Roberta : « asseyez-vous et qu’on en finisse »
Réginald : « bien, d’accord. De toutes façons, je suis là pour parler d’Aaron Cruz »
Roberta : « ça va être facile, que voulez-vous savoir ? »
Réginald : « pourquoi Aaron Cruz attend dans le couloir de la mort alors que vous saviez
qu’il avait un témoin qui pouvait l’innocenter ? »
Roberta : « parce que le témoin ne s’est jamais présenté, Lili, c’est comme ça qu’elle se faisait appeler. En outre, je n’avais pas les ressources nécessaires pour aller la chercher »
Réginald : « et dire qu’il dit vrai »
Roberta : « je me fous complètement de ce qu’a dit votre client »
Réginald : « vous n’avez pas pensé à demander aux enquêteurs de se concentrer
davantage à la retrouver, elle constituait le seul alibi pour Cruz »
Roberta : « j’y ai pensé, je ne vous ai pas attendu pour ça. Mais les enquêteurs m’auraient
certainement répondu ce qu’ils disent toujours dans ces cas-là ; tous les criminels disent toujours
qu’ils ont un alibi alors qu’en réalité il n’en est rien »
Réginald : « en tant que son avocate, vous auriez dû demander le report du procès dans
le but d’essayer de la retrouver »
Roberta : « je ne l’ai pas fait pour une bonne raison ; je doute qu’une toxicomane ayant
fait l’objet d’une condamnation aurait été d’un grand secours pour Aaron Cruz »
Réginald : « là il s’agit de sa personnalité et non d’un élément du dossier »
Roberta : « mais sa personnalité est justement un élément non négligeable du dossier.
Avant qu’elle disparaisse dans la nature, je lui ai demandé ce qu’ils faisaient tous les deux au
moment du meurtre. Elle m’a répondu qu’ils étaient sous métemphétamine. Ce qui, bien
entendu, n’était pas arrivé une seule fois. C’est probablement la raison pour laquelle cette
femme a disparu quelques jours avant le procès. Vous pouvez toujours chercher à rouvrir le
dossier, mais ne vous avisez pas de remettre en question mon travail, est-ce clair monsieur
Princeton ? Maintenant, sortez !»
Réginald ne sait plus quoi dire. Il se lève lentement et se dirige vers l’extérieur. Lui qui croyait qu’il avait tous les éléments en main, il reçoit un gros caillou en plein sur la figure.
Aaron ne lui aurait pas tout dit. Une fois à l’extérieur du bâtiment, une grosse colère naît en lui. Il décide de retourner à la prison centrale afin de remonter les bretelles à celui qui est désormais son client et qui n’a pas été totalement honnête avec lui. Une demi-heure plus tard, il se retrouve
face à Aaron dans une salle de la prison.