5
Lucas
Mon rendez-vous avec Winters prend moins d’une heure. Nous passons en revue mes investissements et nous discutons de la conduite à tenir étant donné les dernières secousses du marché. Depuis que Jared Winters gère mon portefeuille, il l’a multiplié par trois, il dépasse maintenant les douze millions, si bien que je ne m’inquiète pas vraiment s’il liquide l’essentiel de mes actions et se prépare à vendre des valeurs technologiques bien cotées jusqu’ici.
― Son PDG est sur le point d’avoir de graves ennuis avec la justice, explique Winters et je ne prends pas la peine de lui demander comment il le sait. Le délit d’initiés est peut-être illégal, mais nos contacts à la commission boursière permettent aux fonds de Winters de passer à travers les mailles du filet.
― On parle de quelle somme ? Demandé-je.
― Sept millions, répond Winters. La situation va mal tourner.
― D’accord, dis-je. Allez-y.
Sept millions, ce n’est pas négligeable, mais si les valeurs technologiques s’effondrent autant que le pense Winters on pourrait encore multiplier mes résultats par trois ou même davantage.
Nous passons encore en revue d’autres opérations boursières puis Winters me raccompagne à l’accueil où Rosa lit un magazine.
― On y va ? Elle hoche la tête en guise de réponse.
Elle se lève, repose le magazine sur la table basse et nous adresse un grand sourire à tous les deux.
― Tout à fait.
― Encore merci, dis-je en me retournant pour serrer la main de Winters, mais ce n’est pas moi qu’il regarde.
Il fixe Rosa des yeux, ses yeux verts ont une expression étrange.
― Winters ? Je l’interroge d’un air amusé.
Il la quitte alors du regard.
― Oh oui. Avec plaisir, marmonne-t-il en me serrant la main, et avant que je ne puisse ajouter un mot, il se précipite dans son bureau dont il referme la porte derrière lui.
Comme je l’ai promis à Rosa, après ce rendez-vous je l’emmène faire des courses dans le Magnificent Mile qu’on appelle aussi Michigan Avenue. Tandis qu’elle essaie des robes dans un grand magasin, je m’assieds à côté de la cabine d’essayage et je vérifie une fois de plus si j’ai de nouveaux messages. Cette fois-ci, il y a un petit mot de Diego.
Le camion volé a été localisé dans une station-service près de Granada. Pas d’autres véhicules volés pour l’instant. Selon vos instructions, barrages de police en place sur toutes les grandes artères.
Je remets le téléphone dans ma poche, la frustration et la colère me nouent le ventre. On n’a toujours pas retrouvé Yulia et elle pourrait bien être déjà dans un autre pays. Il est évident qu’elle a pris contact avec son agence et s’ils se débrouillent bien il est tout à fait possible qu’ils soient parvenus à l’exfiltrer.
Si ça se trouve, elle est déjà à bord d’un avion et va rejoindre son amant.
― Qu’est-ce que tu en penses ? demande Rosa, et je me retourne pour voir qu’elle est sortie de la cabine d’essayage et qu’elle porte une courte robe jaune très moulante.
― C’est joli, dis-je machinalement. Tu devrais la prendre. Objectivement, je vois bien que cette robe lui va bien, mais en ce moment la seule chose qui m’occupe l’esprit c’est que Yulia va rejoindre Misha… le seul homme qu’elle aime.
― D’accord ! Rosa m’adresse un grand sourire. Je la prends !
Elle retourne dans la cabine et je reprends mon téléphone pour me dépêcher d’envoyer un message aux hackers qui enquêtent sur UUR.
Même si Yulia est parvenue à s’enfuir, elle ne va pas rester longtemps en liberté.
Je ferai n’importe quoi pour la retrouver et elle ne pourra plus jamais m’échapper.