partie2

1036 Mots
Éléa le fixait, debout, incapable de formuler une pensée claire. Ce garçon, Kaël, semblait surgir d’un autre monde, mais il parlait avec une certitude glaciale, comme s’il connaissait déjà la fin de l’histoire. Sa voix n’était ni douce ni agressive, mais d’une neutralité dérangeante, comme s’il avait dit ces mots des dizaines de fois auparavant. — Tu me protèges… parce que je suis spéciale ? Comme une élue ? demanda-t-elle, mi-sarcastique, mi-terrorisée. Il esquissa un sourire triste. — Il ne s’agit pas d’être élue. C’est une question d’héritage. De sang. Éléa sentit son estomac se contracter. — Mon sang ? Kaël s’approcha lentement, jusqu’à ce que leurs visages soient à peine à un mètre. Il leva la main, sans la toucher, mais son regard était fixé sur la marque sous sa clavicule. — Tu portes le signe des Lunaires. Ce n’est pas une coïncidence. Tu es née avec ça. Mais cette nuit… elle a été déclenchée. — Les… Lunaires ? Qu’est-ce que c’est encore ? Kaël détourna les yeux. Il semblait soudain… las. — Une lignée. Une race oubliée. Des êtres liés à la lune, à ses cycles. Ni tout à fait humains, ni tout à fait autre chose. Disparus, ou presque. Jusqu’à toi. Le vent se leva, soulevant les feuilles mortes entre eux. — Tu veux que je croie que je suis une sorte de créature magique ? — Non. Je veux que tu sois prête quand ils reviendront. — Ils ? Qui ça, "ils" ?! Il croisa les bras. Ses yeux se durcirent. — Ce que tu as vu dans la forêt était un Chasseur. Une abomination née de l’ombre. Il ne devrait pas exister, mais ils sont revenus. Pour traquer ce qui reste des Lunaires. Pour traquer toi. Le sang d’Éléa se glaça. — Pourquoi moi ? Je ne suis personne. — Tu es la dernière, Éléa. La dernière de ta lignée. Et ton sang… ton sang peut réveiller ce qui a été endormi depuis des siècles. Il peut ouvrir la voie. — La voie vers quoi ? Il la fixa, longuement. — Vers la guerre. Elle se retrouva chez elle sans savoir comment elle était rentrée. Le monde autour d’elle semblait flou, irréel. Chaque visage croisé dans la rue lui paraissait suspect. Chaque reflet dans une vitre, une menace. Elle s’enferma dans sa chambre, claqua la porte, et ferma les volets. Son cœur tambourinait dans sa poitrine. Une guerre ? Des monstres ? Un sang spécial ? C’était insensé. Mais la marque était là. Brillante. Et chaude. Elle saisit une lame de rasoir de sa trousse, la main tremblante. Approcha la lame de la marque. Juste pour voir. Elle appuya doucement. La douleur fut immédiate, mais pas sanglante. La lame glissa sur la marque sans l’entailler. Comme si la peau avait changé. Comme si elle était devenue… autre chose. Et soudain, une chaleur fulgurante se propagea dans son bras. Elle lâcha la lame. Sa vision se brouilla. Et elle vit. Un éclair. Une forêt noire. Des silhouettes à genoux, en cercle. Une lune rouge sang au-dessus d’eux. Une voix, grave, ancienne : > « Le sang de la Lune scellera le destin. » Elle tomba à genoux, haletante. — Qu’est-ce que tu m’as fait, Kaël… ? La nuit tomba rapidement. Un ciel sans étoiles, chargé de nuages menaçants. La pluie commença à tomber peu après minuit. Éléa n’avait pas bougé. Elle était restée assise, recroquevillée contre son lit, fixant sa main, la marque, son reflet dans le miroir. Et puis, elle entendit un bruit. Un grattement. Une branche contre sa fenêtre ? Non. Plus régulier. Plus… volontaire. Elle s’approcha lentement. Quelqu’un était là, dehors. Sous la pluie. Kaël. Elle ouvrit la fenêtre. — Il faut que tu viennes avec moi, dit-il. — Tu te fous de moi ? Tu débarques, tu parles de monstres, et maintenant tu veux que je te suive ? — Ils t’ont trouvée. Ils arrivent. Un hurlement, au loin. Puis un autre. Plus proche. — Vite, Éléa. Elle hésita une fraction de seconde. Puis sauta. Il la rattrapa, la tira dans la rue. Ils coururent. Longtemps. Sans parler. Jusqu’à quitter la ville. — Où on va ? cria-t-elle. — Là où on peut survivre. Ils atteignirent une route forestière, puis un vieux bâtiment abandonné, en pierre noire, couvert de mousse. — C’est ici, dit Kaël. Le dernier refuge. À l’intérieur, tout était poussière et silence. Une ancienne église, peut-être. Il alluma une torche. Des symboles couvraient les murs. La même marque qu’elle portait. En plus grand. En plus ancien. — C’est quoi, cet endroit ? — Un sanctuaire. Un lieu hors du temps. Les Lunaires s’y réfugiaient autrefois. — Il n’y a plus personne. Kaël s’assit sur un banc de pierre. — Pas encore. Mais tu vas les réveiller. — Pourquoi moi ?! cria-t-elle soudain. Je ne veux pas de tout ça ! Je veux être normale ! Je veux ma vie d’avant ! Il la fixa. — Il n’y a pas de retour possible. Quand le sang s’éveille, la lune te réclame. Un bruit sourd résonna au loin. Kaël se leva d’un bond. — Ils sont là. Une forme surgit à travers les vitres brisées. Massive. Bestiale. Les yeux rouges. Un autre Chasseur. Kaël bondit en avant, les bras tendus. Et à ce moment, elle vit. Ses mains s’illuminèrent. Une lumière blanche, pure. Une force ancestrale. — Cours ! hurla-t-il. Mais elle ne bougea pas. Quelque chose montait en elle. Quelque chose d’énorme. Une chaleur ancienne. Une énergie lunaire. Elle leva la main. Et la lumière jaillit. Un cri. Le monstre hurla, frappé de plein fouet. Il recula, puis explosa en une gerbe de cendres noires. Kaël se retourna, abasourdi. — Tu… tu l’as fait. Éléa haletait. Ses doigts tremblaient. Mais la lumière brillait encore autour d’elle. — Qu’est-ce qui m’arrive ? Il sourit enfin. — Tu viens de faire ton premier pas. Cette nuit-là, elle ne dormit pas. Elle était assise dans le sanctuaire, le dos contre la pierre, les yeux ouverts. Elle savait désormais une chose : elle n’était plus une lycéenne comme les autres. Elle était l’héritière de la Lune. Et le monde venait tout juste de s’ouvrir sous ses pieds. --- ✅ Voilà
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