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1489 Mots
Hari J’avance le plus silencieusement possible à travers le long couloir. De la lumière filtre sous la porte de la chambre du fond. J’attrape la poignée et l’ouvre le cœur battant. Mon regard se pose sur un jeune homme inconnu et Brianna. De doux gémissements s’échappent de ses lèvres tandis qu’il lui fait l’amour avec tendresse. Leurs corps dénudés se mouvent l’un contre l’autre à la perfection. Tous deux finissent par tourner la tête dans ma direction. Leurs yeux me jaugent de la tête aux pieds avant de se détourner de moi comme si je n’étais pas là. Mon cœur vole en éclat. La rage s’empare de moi. Un son guttural franchit la barrière de mes lèvres. Je hurle. ** J’ouvre subitement les yeux et me redresse en sursaut. La sueur perle sur mon front et mon torse dénudé tandis que mon regard ahuri parcourt les quatre coins de ma chambre. D’un geste vif, je repousse la couette et pose mes pieds sur le parterre froid. La tête entre les mains, je prends une longue inspiration que j’expire lentement. Ce n’était qu’un cauchemar. Je me lève et vais me placer près de ma grande fenêtre à travers laquelle les premières lueurs du jour se reflètent. La ville s’éveille lentement. J’attrape un sweat que j’enfile à la va vite, mon téléphone et regagne la cuisine. Gladys et Hayden n’étant pas encore levés, j’en profite pour préparer un petit-déjeuner copieux et équilibré pour nous trois, au son des musiques de ma playlist relaxante sur lesquelles je me concentre tant et si bien que lorsque ma sœur et mon fils se joignent à moi, les images de mon désagréable rêve se sont presque entièrement dissipées. Le petit-déjeuner fini, je les laisse s’organiser pour les préparatifs de leur journée et file prendre une douche rapide. L’eau chaude finit de détendre mes muscles encore un peu tendus. Je me sèche à la va vite, enfile la première tenue qui me tombe sous la main ainsi que mon attirail hivernal, récupère portefeuille et téléphone, embrasse Hayden et Gladys et me mets en route pour le bureau. Vu l’heure encore matinale, je décide de ne pas déranger Owen et en profite pour faire un tour dans les rues new-yorkaises qui grouillent de monde. Une drôle de sensation s’empare de moi tandis que je me fonds dans la masse tout en fumant une cigarette. Cela fait bizarre d’être de retour après la semaine mouvementée en Europe. Je soupire. J’attrape mon téléphone. Aucune nouvelle de Bree. Je monte les marches qui mènent au hall d’entrée de Stanford Edition deux à deux. Les portes franchies la chaleur et l’odeur de propre familière s’emparent de moi. Du coin de l’œil, je peux voir Elena au téléphone comme à son habitude. — Bon retour parmi nous, mime-t-elle du bout des lèvres. Je lui réponds d’un signe de tête. J’en profite pour jeter un coup d’œil rapide au grand sapin de Noël installé en mon absence. Simple mais majestueux, comme d’habitude. Je monte dans l’ascenseur. Des employés vont et viennent entre les différents étages me saluant au passage. Je jette un nouveau coup d’œil à mon téléphone. Toujours rien. Je le remets en place exaspéré. Les portes de l’ascenseur s’ouvrent sur mon étage. — Félicitations boss ! Je sursaute. Les applaudissements ainsi que quelques sifflements retentissent aux quatre coins du couloir. Un rire s’échappe de mes lèvres tandis que mon regard erre d’un point à l’autre. Des banderoles ont été installées un peu partout. Un remix d’une musique de mariage résonne en bruit de fond. J’échange poignée de main sur poignée de main, le sourire aux lèvres tout en regagnant mon bureau. Kelly et Lola me tombent dessus presque instantanément. La première pose une pile complète de manuscrits sur mon bureau. — Pour Brianna, je pense que ça pourrait l’intéresser. J’acquiesce. Elle s’écarte afin de faire place à Lola. — Celle-là est pour vous. Je ne peux m’empêcher de grogner à la vue de la pile encore plus imposante. — Les différents comptes de la boîte qui ont été effectués dernièrement, les propositions de rachat pour les parts que vous possédez dans d’autres entreprises et que vous voulez revendre, les propositions de maquette pour les livres que nous allons publier en mars et avril, énumère-t-elle, et pour finir, des demandes d’interview avec vous et Mademoiselle Andrews. Super. — Merci Lola. Elle m’adresse un signe de tête et fait demi-tour. Kelly s’apprête à me poser une question mais Lola l’attrape par la manche au passage et la tire d’un geste ferme la forçant à sortir. Je les entends se chamailler à voix basse tandis que la porte se referme derrière elle. Je soupire, secoue la tête. J’attrape une cigarette et me laisse tomber en arrière contre le dossier de mon siège. Les bruits de la ville qui s’anime me parviennent à travers le double vitrage. Je jette un coup d’œil rapide à l’heure tout en prenant une longue taffe. 09H00. Je me demande si Bree s’est déjà mise en route ou non. J’attrape mon portable prêt à l’appeler. La sonnerie de mon téléphone de bureau retentit. Je repose mon portable, une fois de plus exaspéré et saisit le combiné. — Stanford. La voix d’Elena me parvient à l’autre bout de la ligne : — Monsieur, votre père est là. Il demande à vous voir. Mon sang ne fait qu’un tour dans mes veines à l’entente de ses mots. Merde. Qu’est-ce qu’il me veut encore. — Faîtes-le monter. Je repose le combiné et finis ma cigarette à la va vite. Le temps de demander à Kelly d’apporter deux cafés et le voilà qui franchit les portes de mon bureau. Je lui offre une accolade accompagnée d’une poignée de main, puis nous nous asseyons. Lui sur le canapé, moi dans l’un des fauteuils. Un drôle de silence s’installe, aucun de nous n’osant prendre la parole en premier. Après cinq minutes à triturer nerveusement mes doigts, je me lance : — Qu’est-ce que tu fais là ? Ma voix est froide. La sienne, calme et posée : — Je suis venu parler de l’incident qui a eu lieu à Londres. — Comment est… (Je m’interromps.) Hortense. — Ce n’est pas Hortense qui m’en a parlé. (Je ris jaune. Mais oui bien sûr.) C’est ta mère. J’attrape mon gobelet encore fumant. — Pourquoi maman t’en aurait-elle parlé ? — Parce que… (Il hésite, s’humecte les lèvres. J’en profite pour prendre une gorgée.) Hortense et moi allons divorcer. Les mots à peine sortis, je recrache mon café. Il me tapote furtivement le dos et me tends un mouchoir pour que je puisse m’essuyer la bouche. Une fois calmé, je lui jette un regard suspicieux, peu convaincu par son annonce. — Tu te moques de moi ? Depuis le départ, il a toujours refusé de prendre parti et m’a laissé me démerder aussi bien avec ma tarée d’ex-femme qu’avec sa mère. — Hortense et moi allons divorcer, réitère-t-il en me regardant droit dans les yeux. (Visiblement, il ne plaisante pas.) Je sais que cela peut te paraître surprenant qu’après tout ce temps que je me décide enfin à franchir le pas, mais disons que sa réaction, une fois que je l’ai confrontée quant à l’histoire que m’a raconté ta mère, a été une véritable épiphanie. (Il rit rauque.) Mieux vaut tard que jamais, ajoute-t-il. C’est sûr. Je finis mon café et allume une cigarette sur laquelle je tire une longue taffe. — Qu’en est-il du Gala du Nouvel An ? — Au diable cette foutaise. Cette année, je veux quelque chose de tranquille. D’autant plus que… Il se tait, soudainement mal à l’aise. Son regard fuit le mien tandis qu’il sirote la fin de son café à petites gorgées. Je le regarde confus, le cœur battant et les sens en alerte. — D’autant plus que…, je reprends le poussant à continuer. — D’autant plus que rien ne garantit qu’il ne s’agît pas là de mon dernier Réveillon du Nouvel An. — Papa…, je souffle en secouant la tête. Je tire une dernière taffe et écrase mon mégot dans le cendrier posé sur la table basse. S’il y a bien une chose qui n’a pas changée, c’est la tendance de mon père à dramatiser les choses dès que cela le touche directement. — Ne t’en fais pas, je suis persuadé que ce n’est pas un divorce qui va venir à bout de toi, je dis un léger sourire au coin des lèvres. — Le problème n’est pas là, fils. Je lève les yeux, surpris par la pointe d’exaspération dans sa voix. Une lueur sérieuse parcourt son regard. Il prend une longue inspiration qu’il expire lentement tout en passant une main nerveuse dans ses cheveux. L’un des quelques tics que nous avons en commun. Sa phrase suivante me fait l’effet d’une claque en pleine figure : — Je suis atteint de la maladie de Charcot, Hari. ** ** ** ** **
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