- ...On pourrait faire une fente et y ajouter une petite rangée de chaînettes personnalisées. Cela donnera à la robe un style plus sexy et élégant...
J'écoutais Isabella faire ses propositions accessoiristes sans vraiment porter attention à ce qu'elle disait. Tout chez cette femme m'attirait; sa beauté, son intelligence en passant par son assurance. Elle avait commencé sa période d'essayage depuis hier mais j'avais déjà envie de lui faire signer un contrat. Je l'observai se mouvoir aisément dans son tailleur femme sur mesure en faisant des gestes précis de ses longs doigts fins pour traduire ses explications.
-... je proposerai des cuissardes en cuir brillant à talons aiguilles. Nous pourrions y ajouter quelques motifs mais j'y réfléchis encore. Nous verrons certainement avec le styliste chaussures.
Elle s'arrêta pour me scruter, attendant certainement mon avis. J'inspirai longuement en m'adossant dans mon siège, accordant enfin un œil attentif au dessin en face de moi. Je suivis du regard les lignes noires et précises qui composaient le design. Jamais auparavant je n'avais rencontré un tel talent artistique. Je me demandais encore comment est-ce qu'elle avait vraiment appris à faire cela parce que le jour où je lui avais posé la question, elle avait semblé ne pas m'avoir tout dit. J'avais l'intuition qu'une ombre planait autour de cette jeune femme; une ombre qu'elle s'évertuait à dissimuler mais qui pour une raison que j'ignorais, m'intéressait.
- Je trouve que des talons à lacets seraient plus adaptés à cette robe, finis-je par dire sans lui montrer que j'étais impressionné par son travail.
Elle fronça des sourcils et inspecta encore son dessin pendant quelques secondes.
- En effet... approuva t-elle dans un murmure. Les talons à lacets iraient parfaitement mais permettez-moi d'insister sur le fait qu'ils doivent être aiguilles.
- Bien sûr, je n'y trouve aucun inconvénient. Vous pouvez vous rapprocher de Rider plus tard afin d'avoir plus d'idées. Vous avez deux jours pour me présenter la tenue ainsi cousue.
- Parfait!
Elle se mit à ranger ses papiers et autres dans son cartable, prête à rentrer chez elle.
- Nous devons présenter notre PowerPoint pour la Fashion Show dans moins d'un mois, lui rappelai-je.
Elle s'arrêta de ranger et me jeta un regard impassible.
- Je le sais...
- J'ai remarqué que vous avez aussi l'art de la présentation; vous démontrez suffisamment bien.
Elle ne parut même pas flattée par mon appréciation.
Eh bien...
- Merci Monsieur, répondit-elle néanmoins avant de reprendre son rangement.
Je la regardais faire avec la folle envie d'attraper son poignet pour la stopper mais je me retins de justesse. Elle paraissait si concentrée sur ce qu'elle faisait que je me demandais si quelque chose était capable de la troubler. Mon regard remonta jusqu'à sa poitrine parfaitement bien contenue dans sa veste avant de continuer sur son cou orné d'un collier discret puis de s'arrêter sur ses lèvres.
Ciel !
Je fermai brièvement les yeux pour chasser les pensées salaces qui m'obstruaient le cerveau et faisaient presque gonfler ma bite d'excitation. Lorsque je les ouvris, elle s'apprêtait déjà à sortir de la pièce.
- À partir de mercredi, vous resterez et travaillerez ici ; dans mon bureau, l'informai-je froidement.
Elle fit pivoter sa tête, faisant ainsi virevolter les quelques mèches châtaignes qui s'échappaient de son chignon avant que ses iris marrons ne viennent me fixer avec une surprise non dissimulée.
- Si tel est votre désir, répondit-elle calmement.
Vous n'avez aucune notion de mon désir, Mlle Sternberg, eus-je subitement envie de lui répondre mais je m'en gardai. À la place, je posai mes deux coudes sur la table et j'y pris appui sans la lâcher du regard.
- Vous ne voulez pas connaître la raison de ce changement ?
Elle haussa d'abord un sourcil confus puis se rapprocha de moi avec pour seul obstacle entre nous, la table de mon bureau. Elle posa ensuite son cartable à papiers sur la table.
- Excusez-moi monsieur mais je ne me doutais pas qu'il y avait une raison derrière cette information. Maintenant que vous le dites, je suis très curieuse de l'entendre.
Sa manière de parler laissait clairement voir à quel point elle choisissait ses mots. Tellement de prestance se dégageait d'elle que je me sentis presque impuissant devant sa personne. Mon regard la passa hautainement en revue quelques instants. Elle devait avoisiner le mètre soixante-quinze par là; un peu plus de la taille minimum que je requiers pour mes mannequins femmes. En analysant bien, elle pourrait s'avérer plus utile qu'espéré.
- Je suis prêt à vous embaucher officiellement Mlle Sternberg, annonçai-je subitement.
Un léger sourire étira les commissures de ses lèvres alors qu'une étincelle de satisfaction brillait dans ses yeux. Elle était tout sauf surprise et cela m'intrigua. Je me levai de mon fauteuil pour contourner la table et venir me planter à quelques centimètres en face d'elle. Elle ne bougea pas, se contentant juste de soutenir mon regard.
- Pourquoi ai-je l'impression que cette nouvelle ne vous surprend pas ? Je pouvais très bien choisir de ne pas vous accepter.
- Mais vous ne l'avez pas fait, rétorqua t-elle malicieusement.
Je la fixais sans rien dire alors qu'elle se passait une langue sur la lèvre inférieure. Geste qui ne me laissa pas indifférent.
- Sans vouloir me montrer prétentieuse, reprit-elle avec sérieux, je savais que vous m'accepterez. Vous êtes certainement doué pour cacher vos expressions mais je ne suis pas aveugle; mon sens de l'observation est bien aiguisé. J'ai vu que mon travail vous a beaucoup intéressé et si j'en crois à ce que j'ai pu entendre de votre secrétaire, je suis la seule candidate qui a retenu votre attention et la dernière sur votre liste. Je constitue en quelque sorte votre seule option si vous souhaitez un designer compétent pour la Fashion Show et je vous ai promis de faire de mon possible pour ne pas vous décevoir.
J'étais étonné et pour une fois, je choisis de lui montrer. Mais enfin, qui était cette femme ? Elle avait raison sur toute la ligne mais de savoir qu'elle a pu deviner mes impressions quant à son travail alors que je ne voulais pas lui montrer, m'agaçait. Mais je venais de comprendre qu'elle était beaucoup trop futée pour que je la prenne avec des pincettes. Je détestais assez de choses mais par dessus tout, je détestais être un livre ouvert pour les autres surtout pour une femme. Heureusement pour moi, Macy n'avait pas assez d'aptitudes pour ça. Cette femme se préoccupait à peine de ce que je pouvais ressentir vraiment. Tout ce qui l'importait est ce que je lui montrais et disais. D'un côté, c'est pas bien de procéder ainsi quand on est en couple. Je pourrais lui dire que je l'aime à la folie et elle me croirait alors que si elle prenait le temps de me fixer intelligemment dans les yeux, elle verrait que c'est un horrible mensonge. D'ailleurs, il est très peu probable que le cerveau de Macy soit doté de beaucoup d'intelligence. Il était principalement bourré de commérages et de sujets inutiles qui m'ennuyaient à mourir. Mais là devant moi, j'avais son opposé, c'est à dire une femme intéressante.
Je laissai un sourire impressionné planer sur mes lèvres en prenant une grande inspiration.
- Eh bien, je dois reconnaître que vous me surprenez de jour en jour Mlle Stern...
-... Isabella, me coupa t-elle en même temps. Ou Bella. Étant donné que nous nous apprêtions à travailler ensemble pour un bon moment, je trouve plus aisé que vous m'appeliez par mon prénom.
- Isabella, répétai-je dans un murmure.
Je m'avançai encore plus vers elle, réduisant à peu près l'espace qui nous séparait. À présent, nos deux nez se frôlaient presque et je pouvais sentir à fond les effluves de son parfum fruité et féminin. Rien à voir avec l'horreur nasale que Macy utilisait.
Bon Dieu! Pourquoi suis-je forcé de la comparer à ma petite amie maintenant?
Ses yeux me fixaient avec une pointe d'insolence alors que son souffle tiède se répandait légèrement sur mon visage. Si elle était déstabilisée par cette proximité, elle n'en montrait absolument rien. Il faut croire que nous étions deux à connaître la maîtrise de soi.
- Quelle autre surprise me réservez-vous à présent Isabella? lui demandai-je dans un chuchotement.
Elle ne répondit pas. À la place, son regard descendit lentement le long de mon cou avec chaleur avant de remonter vers mon visage. Elle acheva les quelques centimètres entre nous, collant ainsi sa poitrine contre mon buste. Surpris par son audace, je reculai d'un pas. Mais elle s'avança automatiquement sans cesser de me percer de ses iris marrons où dansait la provocation. Décontenancé, je continuai à reculer jusqu'à ce que mes cuisses heurtent la table de mon bureau. La tension dans la pièce était palpable. Mon cœur se mit à s'affoler plus vigoureusement quand elle vint encore se coller à moi. Étant donné le tissu de sa veste, je ne pouvais pas bien sentir son corps contre moi mais je loupais rien de la chaleur qui s'y dégageait. Elle se frôla insolemment à moi faisant grimper crescendo mon excitation. Mon membre s'était durci au point de devenir douloureux et ma respiration était hachée. Je sentis son bras droit frôler ma hanche au même moment où ses yeux s'accrochèrent à mes lèvres. Son visage se rapprocha dangereusement du mien et alors que je crus qu'elle allait m'embrasser, elle sourit malicieusement.
- Comme vous venez de le dire, c'est une surprise, chuchota t-elle. Ce ne serait plus le cas si je vous le dis maintenant.
Elle s'écarta ensuite brusquement et je me rendis compte qu'elle avait fait tout cette scène juste pour prendre son cartable qu'elle avait déposé sur la table derrière moi.
Bon Dieu!
- À demain Monsieur Howard! Passez une excellente soirée!
Elle pivota sur ses talons et disparut derrière la porte du bureau sans se retourner me laissant là, pantois et presque humilié. Elle m'avait prise à mon propre jeu et s'en était sortie la tête haute. Mes poings se serrèrent d'agacement et je me jurai de lui faire payer cet affront convenablement.
Elle voulait jouer à ça, eh bien jouons !