Chapitre 8

873 Mots
Chapitre 8 Ce dimanche était lourd et chaud dans le département voisin. Louise avait peu dormi et était d’une humeur massacrante. — Tu as bougé toute la nuit, constata son mari tendit qu’il avait bien du mal à beurrer sa tartine. C’est cette histoire avec Nicolas qui te perturbe autant ? Tu n’as pas dit un mot depuis notre retour d’hier soir. La vieille dame se servit un grand café noir tout en marmonnant : — Il faudrait prévenir Madeleine que l’on a « retrouvé » sa petite fille. Robert la considéra un long moment, ne sachant que répondre à cela. Puis il avança prudemment : — Cette démarche me semble prématurée. Nous ne savons pas s’il s’agit d’une histoire sérieuse entre notre fils et cette fille qu’il vient à peine de rencontrer. — Crois-moi, nous ne tarderons pas à la voir débarquer ici, lui assura-t-elle. — Et quand bien même ce serait le cas, que pouvons-nous y faire ? — Prévenir sa famille dans un premier temps, puis les gens des villages. Morgane ressemble trait pour trait à sa mère et n’importe qui ici aura tôt fait de la reconnaître. — Cela va faire un choc à Madeleine, renchérit Robert. — A ma connaissance, celle-ci n’a jamais entrepris la moindre démarche pour rechercher son éventuelle descendance. Elle a tout de même chassé sa propre fille de chez elle et je doute fort qu’elle souhaite voir le fruit d’un adultère honteux se promener dans les parages. Robert se tut une nouvelle fois car il ne voulait en aucun cas contrarier davantage sa femme, qui semblait au bord de la crise de nerfs. Il se contenta de noyer son regard dans sa tasse de café tandis que mille pensées et souvenirs défilaient à vive allure dans son cerveau. La porte d’entrée claqua au même moment et leurs deux autres enfants apparurent à l’entrée de la cuisine. Louise leur adressa un sourire radieux et Robert leur proposa de prendre place à leur table, comme tous les dimanches matins. Les parents entreprirent de leur raconter leur court voyage à Beaulac et leur relatèrent dans les moindres détails leur rencontre d’avec Morgane. Camille et Jean sourirent en même temps à la pensée que leur frère était un fin aventurier et cachottier de surcroit. Ils se firent chacun la remarque que ce dernier avait dû être surpris en pleine idylle car il leur était inconcevable que Nicolas puisse présenter un jour une femme à ses parents. Il fallait reconnaître que leur visite n’avait pas été annoncée et ils auraient voulu être une mouche pour voir la tête qu’avait dû faire leur frère en les voyant débarquer à l’improviste. Ils doutèrent sur la suite de cette amourette somme toute fraîche et les parents ne leur firent pas part de la ressemblance de la jeune femme d’avec la fille de Madeleine. Louise leur fit promettre une discrétion exemplaire à l’égard de leur frère et savait qu’elle pouvait compter sur leur loyauté en toute circonstance. Robert tenta de leur servir une tasse de café à chacun mais sa main tremblait tant qu’il en renversa sur toute la table. — Tu es vraiment maladroit aujourd’hui, lui fit remarquer sa femme. Robert regarda la paume de sa main, qui était devenue rouge et blanche avec des cloques. — Qu’est-ce que tu as à la main ? s’exclama Camille en la prenant. On dirait que tu t’es brûlé. — Oui, c’est le cas, répondit Robert, en omettant volontairement de préciser comment cela lui était arrivé. Il enchaîna : — C’est curieux : je n’ai même pas mal. En réalité, je n’ai plus aucune sensation dans ma main. — Tu devrais aller consulter un médecin, rétorqua Jean, car tu devrais logiquement ressentir de la douleur. Le père acquiesça et leur promit de se rendre au service hospitalier un peu plus tard dans la journée. Jean passa à d’autres sujets de conversations et les informa des derniers commérages. La mine de Louise s’assombrit à nouveau. — Comment cela est possible ? s’écria Robert suite à la dernière révélation. — Tout le monde est sous le choc : personne ne s’attendait à ce que Jeannot recouvre un jour la tête, reprit Jean. Moi-même, je l’ai toujours considéré comme l’idiot du village, alors vous pouvez imaginer ma surprise lorsqu’il m’a dit bonjour ce matin et qu’en plus, il m’a demandé comment je me portais. — C’est étonnant, fit la mère, devenue soudain plus nerveuse, car je l’ai croisé hier matin, juste avant notre départ pour Beaulac et il semblait dans le même état que d’habitude. — Il raconte de drôles de choses à qui veut l’entendre, ajouta Camille. — Quelles choses ? demanda Robert. — Des histoires sur une malédiction qui s’abattra bientôt sur nos villages, sur le retour du Diable et autres fadaises dans le même genre, expliqua Camille. Louise et Robert s’échangèrent un regard lourd de sous-entendus. Quelle étrange coïncidence ! Jeannot retrouvait ses esprits à peu près au même moment où Nicolas rencontrait la petite fille de sa meilleure amie. Elle était certaine que ces évènements étaient tout sauf les fruits du hasard. Elle réfléchissait à toute vitesse et se remémora une conversation d’avec son mari comme quoi ils s’étaient mis d’accord il y a bien longtemps déjà, sur le fait que le passé devait restait dans le passé. Les superstitions et croyances des ancêtres n’avaient aujourd’hui plus aucun sens avec l’arrivée du progrès et de l’ère moderne. Ils n’avaient d’ailleurs jamais raconté leur enfance à leur descendance, ne voyant aucun intérêt à ce que les vieilles histoires de familles ne refassent surface et viennent ternir leur quotidien si doré à présent. Malgré ses résolutions, Louise sentait tout au fond d’elle que les ennuis n’allaient pas tarder à pleuvoir et qu’il leur faudrait trouver un moyen de prévenir leur sécurité, à eux tous.
Lecture gratuite pour les nouveaux utilisateurs
Scanner pour télécharger l’application
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Écrivain
  • chap_listCatalogue
  • likeAJOUTER