Introduction

1605 Mots
Introduction Autour du feu de camp, les adolescents faisaient frileusement face aux flammes, se réchauffant autant de la présence de leurs voisins que du rayonnement du foyer primitif. Ce n’est pas tant le fond de l’air qui était frais, mais plutôt ce petit vent frisquet qui avait tendance à les faire frissonner par intermittence, eux qui se targuaient pourtant d’appartenir à une élite sélectionnée en vue d’un destin exceptionnel. La nuit profonde qui les encerclait accentuait l’impression de désolation, entretenue par le silence et la tranquillité des lieux, peu troublée par les quelques crépitements issus de la combustion des branches bien sèches. Ils attendaient sans bruit leur maître, tous les cinq, bien dressés à obéir aux instructions, qui étaient en l’espèce d’attendre en silence. Leur maître Sombre Mickaël leur avait expliqué qu’un peu d’attente et de méditation préparaient leur esprit à mieux recevoir l’enseignement qu’il allait bientôt leur dispenser. Aucun d’entre eux, deux garçons et trois filles, n’aurait pris l’initiative de désobéir et n’y pensait même pas. Ils avaient pourtant été sélectionnés en raison de leur dynamisme, certains auraient même dit leur agressivité, et de leur vivacité d’esprit, qui ne se manifestait guère en cet instant. Mais la crainte que leur inspirait leur maître suffisait à juguler toute volonté de rébellion ou de chahut. Non pas qu’ils auraient hésité une seconde à défier qui que ce soit, Sombre Mickaël compris, en cas de vraie nécessité, mais ils avaient aussi suffisamment d’intelligence et de tactique pour savoir quand le jeu en valait la chandelle. Des spécimens inférieurs auraient balayé toute crainte pour chahuter ou bavarder entre eux, mais ces cinq-là étaient la crème de la crème : non seulement ils étaient courageux, déterminés et intelligents, mais ils étaient aussi assez sages pour ne rien faire sans une bonne raison, calculant instantanément les avantages et les inconvénients d’une action dans une situation donnée. La seule bride de leur courage inouï était leur ruse innée. Ils avaient été choisis parmi des millions de candidats tous issus d’une classe d’âge terrienne : ils ne seraient que cinq cette année-là à recevoir l’enseignement de Sombre Mickaël, contre huit l’année précédente et quatre seulement l’année d’avant. Des tests scientifiquement menés avaient déterminé leur accès à ce petit groupe, mais la science ne pouvait pas tout et leur maître devait maintenant les amener à une conscience plus nette de leur vie future au sein de l’ordre des chevaliers galactiques. Le petit moment d’attente devant ce feu rudimentaire sur cette colline perdue d’une planète quasiment déserte était un test important : il devait déterminer si l’un d’entre eux serait assez stupide ou inconscient pour risquer son éviction du groupe pour le simple plaisir de discuter. Celui qui aurait ouvert la bouche aurait été éliminé immédiatement, ce qui peut sembler bien sévère, mais en fait était parfaitement clair dans l’esprit du rusé Sombre Mickaël, qui savait comment sélectionner ses élèves : transgresser un ordre direct sans profit important et en étant presque sûr de se faire attraper était un signe de faiblesse dans le raisonnement et dans la volonté. Or la mission de Sombre Mickaël était justement de détecter de tels signes et d’en désigner les porteurs. Une telle faute serait sanctionnée durement par le retour sur la planète Terre et l’abandon de tout espoir d’intégration de l’ordre de chevalerie galactique, ce qui était ce qui pouvait arriver de pire aux jeunes gens autour du feu. Une autre règle qui avait été imposée ce soir était l’interdiction absolue de quitter le cercle, y compris et surtout pour soulager sa vessie. D’une manière que les apprentis ne pouvaient pas comprendre, la résistance à l’envie d’uriner était un critère important dans la sélection des jeunes recrues, ce qui peut paraître curieux, mais l’explication de cette mesure prenait sa source dans de graves événements historiques connus de tous les chevaliers galactiques titulaires. Sombre Mickaël savait très bien pourquoi cette qualité de résistance à l’épanchement urinaire était considérée comme cruciale au sein de son ordre et il saurait faire comprendre en temps voulu à ses élèves la pertinence de l’entraînement de leurs sphincters. Pour ce soir, il avait pris soin de leur servir un repas très salé dès le début de la journée, puis de leur fournir à tout moment de quoi étancher leur soif dévorante, la b***e de jeunes gens était dès lors fin prête pour ressentir les affres de l’envie de pisser et nul doute qu’ils étaient tous dans cet état. Mais aucun ne le montrait et de même que les jeunes spartiates préféraient se faire dévorer le ventre par le renardeau dissimulé sous leur tunique plutôt que d’avouer cette capture, les jeunes séides de Sombre Mickaël auraient préféré se faire éclater la vessie que subir la honte de quitter le cercle sous les yeux moqueurs, mais aussi un peu envieux, de leurs camarades restés assis. Cependant plusieurs minutes s’étaient écoulées sans qu’aucune transgression des instructions n’ait été enregistrée par les multiples capteurs adroitement dissimulés dans les environs et Sombre Mickaël se décida à rejoindre ses élèves. Il s’avança jusqu’à eux dans son costume noir ajusté, renforcé de plaques de blindages plastiques aux endroits stratégiques. Des tatouages tribaux noirs parsemaient la base de son cou et ses avant-bras dénudés, indiquant par leurs dessins honorifiques qu’il avait été récompensé pour ses actions passées. Depuis son entrée dans l’ordre, il avait fait du chemin et ses fonctions actuelles démontraient en quelle estime le tenait sa hiérarchie. Il était tête nue, car l’Impératrice en second, qui était la grande maîtresse de l’ordre, avait banni tout usage de masque ou de casque, expliquant que la tête nue permettait une meilleure perception de son environnement et que malgré les machines de détection sophistiquées à leur disposition, les chevaliers galactiques devaient toujours se fier à leurs organes naturels en priorité. Ainsi nul casque ni masque ne devait limiter la vue, l’ouïe ou l’odorat des chevaliers, sauf si une nécessité vitale l’imposait, comme sur les planètes à l’atmosphère hostile ou en cas de blessure grave. Un des avantages de rester tête et bras nus était la possibilité d’exhiber ses tatouages et ainsi d’affirmer son rang parmi ses pairs, mais aussi d’impressionner les jeunes recrues. Le costume de Sombre Mickaël était simple et fonctionnel, uniformément noir mat selon les prescriptions de l’ordre et aucun signe distinctif ne signalait l’importance de son propriétaire. Tous les chevaliers se connaissaient et une fois adoubés, avaient théoriquement le même grade, ce qui rendait inutile les insignes et les galons. Les particularités de chacun ou les signes honorifiques étaient cependant présents sous forme de tatouages codifiés. Seule la famille impériale pouvait se vêtir à sa guise tout en faisant partie de l’ordre, dans les limites précisées par l’Impératrice en second qui, quant à elle, s’habillait comme elle le voulait. Il faut préciser que quiconque aurait émis une critique à ce sujet aurait eu bien du souci à se faire pour son avenir proche. Mais heureusement personne n’était assez téméraire pour tenter l’expérience. En rejoignant le petit groupe, Sombre Mickaël sentait l’exaltation remplir son esprit alors qu’il s’apprêtait, comme chaque année, à raconter l’extraordinaire histoire, dont il savait qu’elle était parfaitement authentique malgré ses allures de légende, de l’Impératrice en second et de son avènement. Il s’assit au milieu d’eux sous leurs regards interrogatifs et prit son temps avant de rompre le silence, partant du principe que leur attention serait encore plus vive après avoir été aiguillonnée par leur curiosité insatisfaite. Il s’adressa alors à ses ouailles en ces termes : - « Ce soir je vais vous conter l’histoire réelle et sincère de l’accession au pouvoir de notre Impératrice en second, qu’on appelle Sombre Sophie, Sophie l’Obscure ou Dark Sophie dans certaines contrées. Cette histoire vous montrera quelles qualités on attend de vous et ô combien ridicules sont les épreuves que vous aurez à traverser au regard de celles qu’a connues Sombre Sophie, maîtresse de notre ordre. Votre respect envers elle en sortira grandi et vous saurez alors que vous devrez vouer votre vie et vos efforts à perpétuer l’œuvre de la créatrice de notre ordre. Je vous saurai gré de ne point m’interrompre et de vous imprégner de mon récit dont la connaissance ouvrira vos âmes à l’obéissance respectueuse et surtout à la compréhension de l’amour véritable que vous vouerez dorénavant à la famille impériale. Vous verrez par mon récit à quel point nous avons la chance d’être gouvernés par un être aussi exceptionnel que l’Impératrice en second Sophie et comment elle a su toujours prendre les meilleures décisions et agir de la façon la plus parfaite. Vous verrez également qu’une telle accumulation de qualités dans un seul être vivant ne peut être le fruit du hasard et que son action est venue s’inscrire au moment le plus crucial pour la sauvegarde du bien à travers l’univers. Pour toutes ces raisons et quelques autres encore, vous comprendrez alors que l’avènement de Sa Majesté ne peut être qu’un effet de la divine providence et vous devrez en conclure que non seulement nul ne peut ni ne doit s’opposer à sa volonté, mais que tout être sensé doit immédiatement agir selon tous les moyens mis à sa disposition pour favoriser l’action impériale et éliminer toute opposition à celle-ci. Nous ne vous demandons pas simplement l’obéissance ou la fidélité, comme on peut demander à n’importe qui contre récompense, gloire ou une quelconque rétribution. Non, ce que vous devez offrir à Sa Majesté Sophie, c’est une obéissance absolue et une fidélité sans faille d’une manière volontaire et en étant convaincus que c’est votre devoir. Si l’un ou l’une d’entre vous a le moindre doute, s’il ne ressent pas l’envie de servir l’Impératrice en second de tout son cœur et de toute son âme, il est préférable pour son propre bonheur qu’il l’admette, le déclare et nous quitte. Aucune sanction ne sera prise, aucun reproche ne lui sera adressé et il sera même récompensé et honoré pour son honnêteté et un poste dans une autre organisation impériale lui sera proposé. Mais de grâce, restez absolument sincère dans votre engagement, nul ne doit servir dans la garde noire sans être intimement convaincu de la nécessité de son service et sans l’envie dévorante de servir la famille impériale. Mais je vais donc vous conter l’histoire de l’accession au pouvoir de la famille régnante, pour que vous puissiez mieux appréhender quelle chance cet heureux événement a été pour l’empire… »
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