Chapitre 13

716 Mots
Chapitre 13 Lundi soir, après une journée de cours habituelle, Balsamine regagnait sa chambre, tout en relisant la carte trop amicale pour témoigner d’un amour sincère, que Charles-Édouard lui avait adressée. Elle fut interrompue par les sœurs qui voulaient lui raconter leur week-end. ⸺ Laissez-moi au-moins aller poser mon sac dans ma chambre, protestait-elle. ⸺ Tu n’as qu’à le poser là. ⸺ Il faut qu’on te parle. ⸺ Viens au foyer, insistèrent-elles en l’entraînant prestement. Tandis que les jumelles narraient leurs romances, Balsamine écoutait patiemment leurs récits. La télévision diffusait les émissions pour la jeunesse. L’heure du repas approchait, les deux sœurs n’en finissaient pas avec leurs bavardages. Elles ne tarissaient pas de détails. En s’installant au réfectoire, elles aperçurent Chantal, qui se tenait déjà à table avec Monique. Elles croisèrent Ernest qui prenait place seul. Il fuyait le regard de Balsamine, ce qui la troubla. Il l’avait évitée toute la journée. Il avait adopté cette attitude lorsqu’il avait constaté que Charles-Édouard, avait entrepris de déposer une carte de Saint Valentin, sur le pupitre de toutes les filles célibataires de la classe. Ainsi donc, ce piètre faussaire tentait de lui voler ses initiatives. Cette idée d’offrir un présent à toutes les filles, c’était lui qui l’avait eu initialement, la veille des vacances de Noël ! Une fois le repas terminé, Balsamine retourna dans sa chambre. Elle voulait se coucher tôt. Quelle ne fut pas sa surprise de trouver, posée sur son bureau, une petite boîte rectangulaire. Curieuse, elle s’en saisit. C’était le boitier d’une cassette audio. Sur la jaquette était dessiné au feutre rouge un cœur transpercé d’une flèche. Balsamine esquissa un rictus. En l’absence d’indice, elle se demandait de qui cela pouvait bien provenir. Pour le savoir elle devait écouter l’enregistrement. Encore un présent de Charles-Édouard ? riait-elle en glissant la cassette dans le magnétophone. Elle reconnut les premières notes de « la Déclaration d’Amour » interprétée par France Gall. Le ton était donné. Un anonyme avait utilisé des chansons aux paroles explicites pour lui faire passer un message en ce jour spécial. Elle écoutait les pistes suivantes : Michel Delpech – « Tu me fais planer », Joe Dassin – « Et si tu n’existais pas ». Entre chaque chanson Balsamine guettait le moindre signe qui lui dévoilerait l’auteur de cette idée, qu’elle trouvait pour le moins originale. Michel Delpech – « pour un Flirt », Daniel Guichard – « Je t’aime tu vois ». Si elle souriait en découvrant la première chanson, elle fut prise d’éclats de rires nerveux à l’écoute des choix qui avaient été fait, pour lui faire part de sentiments amoureux. Claude-Michel Schönberg – « le Premier Pas », Michel Polnareff – « Love me, Please love me ». De qui cela pouvait-il bien venir ? se demandait-elle en se tordant les mains. La chanson finale fut le duo Johnny-Vartan. La première face terminée, elle s’apprêtait à retourner la cassette pour écouter la suite de l’enregistrement, lorsque mademoiselle Leclaire faisant sa ronde, lui imposa de sa voix fluette d’arrêter la musique. Il allait être bientôt vingt-deux heures. Balsamine fit mine de couper le son, et se coucha en souhaitant bonne nuit à la gouvernante. Elle était bien trop émoustillée par cet élan d’amour soudain pour fermer l’œil. Qui ? se demandait-elle. Sur la jaquette, il n’y avait aucune inscription à part ce dessin. Aucun indice ne permettait de savoir qui pouvait être son soupirant. Si un quelconque amoureux voulait avoir un retour, il aurait été intelligent de laisser un mot signé de sa main, rouspétait-elle toute seule en tassant son oreiller. La même question lui revenait sans cesse à l’esprit : qui pouvait l’aimer en secret ? Elle pensait à Ernest, se demandant si les jumelles n’auraient pas été ses complices. Oui mais alors, pourquoi cette attitude froide qu’il avait eu à son égard à la cantine ? Cependant, le petit manège de ses amies pour l’attirer hors de sa chambre, était bien trop étrange pour être honnête. D’un autre côté ce Charles-Édouard s’était enhardi à faire une déclaration. Balsamine n’arrivait pas à s’endormir, il lui fallait savoir. L’idée que la personne se soit enregistrée elle-même pour lui dire qui elle était, ne la lâchait pas. Pour en avoir le cœur net, elle retourna la cassette et mit le son au minimum. La musique était enregistrée très faiblement. Elle entendait les crépitements, il s’agissait d’un vieux disque. Elle mit le son plus fort, juste assez pour qu’elle seule fut la seule à découvrir les paroles des chansons dont ce soupirant se servait, pour lui avouer son intérêt. Seul le bruit qu’émettaient les impuretés lorsqu’elles rencontraient le diamant trahissait sa désobéissance. Elle voulut mettre le volume plus fort en espérant que mademoiselle Leclaire n’entendit rien. Soudain, elle perçut les pas de la gouvernante dans le couloir. Des vociférations, des rires, des coups de poing contre les portes, le chahut régnait.
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