HEDERA I GENERATION ANIMAL

Je respire... c'est tout ce que je sais. Je ne sens rien mais je me sens bien. Je n'éprouve rien. C'est comme si je nageais dans le vide, dans le néant. Je suis peut-être morte ou peut-être pas. Je ne sais pas. Le plus inquiétant dans tout ça... c'est que je m'en fous. Oui, c'est bête mais c'est bien ça... je m'en fous.  Le bruit de ma respiration résonne dans ma tête. Déjà j'entends, mes oreilles fonctionnent... ou pas. Je ne sais pas. J'ai les yeux fermés. Je ne vois rien. Je n'arrive pas à les ouvrir. Je ne peux même pas bouger ne serait-ce qu'un petit doigt. Non, je n'y arrive pas. Depuis combien de temps suis-je là ? Depuis combien de temps suis-je comme ça ? Je ne sais pas. Mais comme je me le répète, je m'en fous. Je suis bien, je n'ai pas envie de bouger. Je reste à demi-consciente pendant une heure, deux heures, peut-être plus... ma respiration est régulière. Je pourrais rester comme ça toute une éternité, ça ne me dérangerait pas. Des voix d'hommes parlent tout à coup, mais le son de leurs voix est étouffé et je ne comprends rien à ce qu'ils racontent. Je m'en fous de ce qu'ils peuvent dire mais malgré moi, ma curiosité l'emporte et je me force à décrypter leur parole. Je ne comprends rien. J'arrive soudain à plisser mes yeux. Je suis surprise mais pas autant que les deux hommes qui maintenant j'en suis sûr, se tiennent devant moi. J'arrive à décrypter le mot « réveillée » avant qu'ils partent en courant. J'entends le bruit de leurs pas précipité et je ne bouge plus pendant longtemps. Ma respiration me berce tandis que mon corps se réveille petit à petit. Mon bras s'écarte de mon corps et je touche du bout des doigts une paroi en verre. Je retire mes doigts. Le verre est froid, d'ailleurs, je suis froide. Je me risque à me toucher. Ma peau est fraîche comme si j'étais plongée dans une mer gelée. Mais en fait, il me semble que je suis immergée dans un liquide frais et que je flotte dedans. Enfin... Je crois. Je balance mes pieds et un bruit d'eau et de bulle résonne. Maintenant, j'en suis sûr. Ce qui est bizarre, c'est que mes pieds ne touchent pas par terre mais ce qui l'est encore plus, c'est que je suis enfermée dans un cercueil de verre vu la froideur de la paroi rempli de liquide. Il est droit, je le sens aussi. Je ne suis pas couchée, je suis debout, à la verticale.  Soudain, plusieurs bruits de pas résonnent et s'immobilisent en face de moi. Je le sais, je sens leurs regards plonger sur moi.  Je flotte toujours dans le cercueil de verre, mes bras se détendent, mes doigts et mes orteils s'ouvrent et se referment. Je sens une force inconnu venir en moi. Mes muscles. Je sens qu'ils me reviennent. Qu'ils se réveillent. Les paroles des hommes devant moi se font plus nettes au fur et à mesure que je reprends connaissance. - Elle sera bientôt prête, dit une voix pleine d'excitation. - Oui... la première à se réveiller, fait l'autre voix avec une pointe de fatigue. - On va pouvoir commencer nos expériences Hedera. - J'espère qu'elles seront concluantes. - J'espère pour vous, fait une autre voix plus dure que les autres. Je sens qu'une tension règne entre les hommes devant moi. Quelqu'un tousse. Un bruit de crayon frotte contre du papier et maintenant, je sais que quelqu'un prend des notes. Un léger mouvement de pas m'apprend qu'ils partent. Non... Ils ne sont pas tous partis. J'ouvre les yeux. Un homme se tient devant mon cercueil de verre. Le liquide m'empêche de bien voir ses traits mais il porte des lunettes et tient un carnet de notes avec un crayon dans la main gauche. Je distingue également une blouse blanche. Je ne cille pas. Je plonge mon regard dans le sien qui commence à regarder de gauche à droite avec inquiétude. Il semble effrayé. Tant mieux. Son cœur s'accélère. Je l'entends malgré les parois de verre qui nous séparent. Il recule terrifié et part d'une marche rapide vers la gauche. Cette frayeur à mon égard me flatte et j'adore ça. Il faut qu'il est peur. Le liquide bleu et les parois de verre m'empêchent de voir ce qui m'entoure dehors. Soudain, je regarde ma main qui flotte devant moi et constate que ma peau est aussi blanche que les murs devant moi. Je pense qu'elle ne doit pas être de sa couleur normal. Ça doit faire longtemps que je suis enfermée dans ce tube gelé. Mes cheveux flottent doucement derrière moi. Ils sont longs. Très long. Ils me semblent noirs. Des bruits de pas précipités me font perdre toute mon attention sur moi et je regarde ceux qui arrivent devant moi. Le même homme que toute à l'heure avec un groupe de six personnes. Ils se précipitent tous pour me voir. Ils semblent m'étudier, prendre des notes, me détailler de toutes les façons possibles et inimaginables. - Te voilà réveillée, fait la même voix dure que tout à l'heure. Mon regard se plonge dans ses yeux noirs. Il est âgé mais pas vieux. Il porte un costume noir avec une cravate noire assortie. Il me regarde avec intensité. S'il n'y avait pas eu une paroi en verre pour nous séparer, je dirais qu'il serait à deux centimètres de mon visage. Un long sourire se dessine sur ses lèvres et je fronce les sourcils. Non, tu ne me fais pas peur. Je crois qu'il doit savoir ce que j'ai envie de lui dire, car il se met à rire d'une façon étrange. - non, ma chère, tu ne me feras pas de mal. Je suis ton créateur et tu m'obéiras. Je n'aime pas ce qu'il me dit. Je fronce un peu plus les sourcils et il rit deux fois plus. Il se retourne et parle à deux hommes en costume noir. Puis en suite, il se penche vers l'homme à lunette. Il lui murmure quelque chose, me jette un dernier regard et s'en va. Le groupe suis peu de temps après. Il ne reste plus que l'homme à lunette. Il me regarde pendant un petit moment sans rien dire. Il semble comme fasciné. Par moi ? Ou autre chose. Il s'approche soudainement vers un clavier juste à côté de mon cercueil de verre. Il tape quelque chose dessus, puis soudain, un bruit sourd de mécanisme qui se met en route se fait entendre et je replonge peu à peu dans le néant.