Plan Z

Lehyan regardait le paysage défiler à toute allure par la fenêtre. Il somnolait la tête posée contre la vitre ignorant les vibrations de cette dernière. Il écoutait le grognement continu du moteur et cela le berçait. Il clignait des yeux de plus en plus lentement et finit par les fermer. Ondine lança un coup d'oeil à son frère avant de sourire avec douceur. Elle se reconcentra sur la route et baissa la musique pour ne pas réveiller le cadet. Elle lui lança de nombreux coups d'oeil bienveillants à travers le rétroviseur afin de s'assurer qu'il ne faisait pas de cauchemar. Le jeune garçon dormait paisiblement la bouche à moitié ouverte. Ondine eut envie de le prendre en photo mais malheureusement elle conduisait et elle n'allait pas mettre en danger la vie de son frère ou la sienne afin d'assouvir cette envie. Elle garda donc en mémoire ce moment. Un moment où elle était apaisée car elle savait qu'ils allaient être heureux. Elle voulait se souvenir à jamais de cette route. Elle était accompagnée de la personne qu'elle aimait le plus au monde et ils se dirigeaient vers un nouveau départ. Vers un avenir plein d'espoir. Que pouvait-elle demander de plus? Lehyan allait intégrer une école prestigieuse où il avait reçu une bourse grâce à ses excellentes notes en maths dont il était passionné. En plus de cela il allait suivre des cours de dessin et de danse chose qu'Ondine n'avait jamais réussi à payer pour son frère pourtant talentueux. En repensant à tout cela Ondine versa une larme. Que pouvait-elle demander de plus? Son frère allait avoir tout ce dont il avait toujours rêvé et c'était la définition même du bonheur pour elle. Ondine avait tout fait pour protéger son frère suite à la mort de leurs parents. Elle avait travaillé jour et nuit pour lui acheter à manger et voilà que toutes ces années de dure labeur allaient être récompensées. Son frère allait réaliser son rêve. Il allait avoir la chance de vivre comme si de rien n'était. Sentant son frère remuer Ondine essuya vite sa larme avant de sourire. Lehyan sétira avant de bailler longuement. Cela fit bailler Ondine à son tour et les larmes montèrent à ses yeux. Lehyan rit. «Oups désolé.» Ondine rit à son tour. «On est bientôt arrivés? demanda Lehyan pour la centième fois.» Ondine roula des yeux exaspérée. «Non, pas encore. Il reste une bonne heure de route.» Lehyan soupira avant de s'affaler dans son siège. «Tu veux que je prennes le volant? -Non t'inquiète je gère. Tu peux dormir encore un peu. -Je suis plus fatigué.» Lehyan monta le son de la musique et se mit à bouger la tête au rythme du son. Ondine rit avant de se mettre à chantonner. Lehyan prit cela comme un défit et se mit à hurler les paroles. Ondine suivit son frère et très vite ils n'arrivaient plus à entendre la musique à cause de leurs propres voix. Ils rirent jusqu'à en avoir les larmes aux yeux et choisirent chacun leur tour la prochaine chanson. Ils finirent par ne plus avoir d'air et écoutèrent réellement la musique le temps de reprendre leurs souffles. Ondine profita de cette pause pour s'arrêter et remettre de l'essence dans la voiture. Lehyan entra payer et revint avec deux barres de chocolat dont il tendit l'une à sa sœur. Ondine accepta avec plaisir et croqua dans la barre avec férocité. «Wow doucement tu vas finir par t'étouffer. Tu veux qu'on s'arrête manger? -Tu as faim? demanda Ondine la bouche pleine.» Le gargouillement du ventre de Lehyan répondit à sa place. Le jeune homme sourit. «Toujours.» Ondine lui rendit son sourire et lui fit signe de remonter dans la voiture. Ils s'arrêtèrent au fast food le plus proche et commandèrent avant de s'asseoir à une table libre. Quelqu'un avait laissé un jouet pour enfant et Ondine l'offrit à son frère avec un grand sourire. «Wow un transformeurs! Merci!» Ondine rit tandis que Lehyan se mit à vraiment jouer avec le cadeau de mauvaise qualité. Ondine eut de nouveau les larmes aux yeux en voyant son frère ainsi. «Tu te souviens quand tu refusais de partir du fast food près de chez nous?» Lehyan releva la tête et serra la main de sa sœur dans la sienne avec douceur. «On y allait une fois tous les trois mois et il y avait un terrain de jeu avec un toboggan. -J'adorais ce toboggan.» Ondine hocha la tête en riant émotive. «Tu pleurais quand je te disais qu'il était temps de rentrer. -En même temps on rentrait toujours super tôt!» Ondine haussa un sourcil. «On y restait toujours au moins trois heures. -Oh... Et bah j'étais un enfant plein d'énergie qu'est ce que tu attendais?» Ils rirent. «Tu n'arrivais jamais à rester en place plus de deux minutes. Et ça a pas trop changé.» Lehyan fit mine d'être offusqué. «Je te demande pardon? Qui de nous deux tapote de son pied si elle ne bouge pas plus de deux secondes et qui ne s'assoit jamais mais préfère marcher dans la maison quand elle mange? -Touchée. -Au moins je mange assis. -Ouais bah ça t'empêche pas de t'en mettre partout. -Attention Ondine on a les même gènes. Dois-je te rappeler que tu as renverser de la farine en faisant des omelettes?» Ils rirent durant de longues minutes lancés dans leurs souvenirs. Ondine et Lehyan avaient en effet de nombreux points communs. Tous les deux pleins d'énergie et maladroits, ils pouvaient cependant se montrer très calmes et très différents. Enfin à part en ce qui concernait leurs physiques. Ils avaient exactement les mêmes traits, les mêmes couleurs de yeux, les même expressions... De vrais jumeaux alors qu'ils avaient deux ans d'écart. Ils finirent par débarrasser et Lehyan insista pour conduire pour que sa sœur puisse se reposer. Ondine s'assit donc du côté passager et regarda le visage de son frère devenir sérieux d'un coup. Elle sourit. Il avait grandi et elle ne pouvait le nier dans de tels moments. Elle continuait à le voir comme son petit frère, comme un bébé qu'elle devait protéger mais la réalité était que Lehyan était un homme à présent. Il avait 18 ans et avait dépassé sa sœur en taille depuis des années. À l'époque elle le portait sur son dos mais à présent c'était lui qui la portait. Ondine eut mal au cœur en réalisant cela. Lehyan remarqua l'expression mélancolique de sa sœur et lui caressa l'épaule avec douceur. «Je t'aime, Ondine. -Moi aussi.» Sa sœur était tout pour lui tout comme il était tout pour elle. Depuis la naissance de Lehyan les deux avaient été inséparables. Une grande sœur protectrice et un petit frère attentionné qui partageaient tout. La mort de leurs parents les avaient détruits mais avait aussi rendu leur lien plus fort que jamais. Ils allaient toujours être là pour l'autre et ils le savaient. Ondine finit par s'endormir à son tour et Lehyan fut soulagé. Il était inquiet pour Ondine qui n'avait pas beaucoup dormi depuis la mort de leurs parents. Ses cernes en témoignaient mais même s'ils partageaient absolument tout, Ondine n'était pas du genre à se plaindre. À quoi bon? Lehyan remarquait toujours tout de toute façon. Elle n'avait pas besoin de lui dire si elle allait mal. Il lui suffisait de lui sourire et il courait lui acheter de la glace. Lehyan conduisit aussi prudemment que possible. Il éteignit la musique et sera les dents aux dos d'âne espérant que la secousse ne réveille pas sa sœur. Heureusement pour lui elle dormait profondément. Comme si elle l'avait senti, Ondine se réveilla à leur arrivée dans la ville. «Bienvenue à Santa Teresa! s'exclama Lehyan» Ondine regarda par la fenêtre émerveillée. «Ferme la bouche tu n'es pas un poisson.» L'intéressée s'exécuta toujours fascinée par la beauté des lieux. «C'est notre nouvelle maison! s'exclama-t-elle à son tour.» Lehyan sourit de toutes ses dents heureux. «On va être super bien ici. -Il y a des palmiers! -Je sens qu'on va passer toute notre vie à la plage. -Cela va de soit. On dirait qu'on est en vacances...» Les regards de Lehyan et Ondine se croisèrent dans le rétroviseur. Ils n'avaient pas besoin de parler. Ils pensaient à la même chose. Leurs parents. Ils pensaient à leurs vacances au bord de la plage. Ils y allaient tous les ans et passaient la journée au bord de l'eau comme ensorcelés. Il y avait quelque chose de magique dans l'océan et ils passaient des heures à jouer dans les vagues. C'était au bord de la plage que les enfants se sentaient les plus proches de leurs parents. Ce n'était pas surprenant qu'ils aient pris une maison dans un tel environnement. Ils n'en pouvaient plus du quotidien heureux quoi que difficile et voulaient prendre des vacances de longue durée. Ondine sourit à Lehyan à travers le rétroviseur. Un sourire plein de bienveillance dont elle seule détenait la clé. «Papa et maman seraient fières de toi.» Les larmes montèrent aux yeux de Lehyan et quelques unes réussirent à couler sur ses joues. «Ils sont fières de nous deux.» Ondine réussit à refouler les larmes et détourna son regard vers la fenêtre pour se concentrer sur autre chose. Il ne restait plus qu'à trouver leur nouvelle maison. Les frère et sœur avaient hâte d'aller se baigner mais avant tout ils devaient s'installer. Ondine était très mauvaise pour se repérer. Elle était capable de se perdre dans son quartier d'enfance sans GPS. Ce fut donc Lehyan qui se chargea de retrouver leur nouveau chez eux. Ils avaient de la chance que Lehyan n'avait pas hérité cette incapacité de se repérer de leur mère. Plus vite qu'ils ne l'auraient pensés ils se garèrent devant la maison. Lehyan coupa le moteur et sortit pour ouvrir la portière de sa sœur mais cette dernière surexcitée le devança et sauta hors de la voiture. Ils restèrent plantés devant la maison à admirer la façade pendant quelques minutes. Lehyan prit la main d'Ondine dans la sienne. Ils se sourirent et ensemble entrèrent. Ils firent un petit tour de la maison afin de s'acclimater avant de sortir chercher le peu d'affaires qu'ils avaient. Ils avaient vendu tout ce qu'ils n'avaient pas pu prendre avec eux et allaient devoir acheter des meubles. Lehyan et Ondine n'avaient pas vraiment eu de mal à se débarrasser des meubles. Leurs parents et eux n'avaient jamais vraiment été attachés à ces derniers. Ils avaient seulement gardé les nombreux albums et cadres photo ainsi que les quelques objets qui représentaient vraiment quelque chose pour l'un d'entre eux. La maison n'était pas des plus grandes mais était largement suffisante pour deux personnes. Elle comportait deux chambres, une salle de bain, des toilettes, un salon et une cuisine. L'endroit dégageait une chaleur agréable et confortable qui mit très vite les enfants à l'aise. Une fois tous les meubles rentrés Lehyan et Ondine s'assirent un moment sur le canapé et balayèrent la pièce du regard en silence. «Ça va? demanda Ondine à son frère.» Ce n'était pas la première fois qu'ils déménageaient. Loin de là. Ondine n'avait jamais eu de mal à se détacher de leurs anciennes maisons contrairement à Lehyan. Il s'attachait beaucoup plus et avait pleuré une fois en visitant une de leurs maisons vides. Il n'avait que six ans et il avait grandi depuis. Il était toujours très émotif mais pleurait beaucoup moins. Sauf qu'Ondine ne s'en rendait pas compte. Elle revoyait son frère déchiré à chaque déménagement et elle avait mal au cœur. Surtout que c'était la première fois qu'ils déménageaient que tous les deux. Lehyan sourit pour rassurer sa sœur. «Et toi ça va?» Ondine hocha doucement la tête. «Ça va aller.