Found Souls - Tome 2

Romance Editions « Arts En Mots » Illustration graphique : © Val PROLOGUE TRAVIS Je suis parti comme un lâche. Me voilà revenu sur le grand continent. Ma terre natale. Heureusement pour moi, j’avais gardé mon petit appartement. Je n’ai plus qu’à faire rapatrier ma moto et les quelques affaires laissées chez Dave. J’offre ma voiture à Zora, la sienne n’est plus toute jeune et je me souviens qu’elle l’avait beaucoup admirée quand j’étais venu la rejoindre pour aller au parc de Rouen. J’espère qu’elle l’acceptera. Je balance mon sac militaire, rempli du peu de vêtements que j’ai, et je m’assois dans le canapé. Le décalage horaire m’a éreinté et les dernières semaines vécues ont été éprouvantes. Je zappe la télévision sans grande conviction et décide d’aller me coucher. Je me réveille 24 heures plus tard. Je ne me souviens plus avoir autant dormi. Il faut dire que j’ai manqué de beaucoup de sommeil, en France, surtout depuis la rencontre avec Zora. Il faut que j’avance seul avant de pouvoir ne serait-ce qu’imaginer le faire avec quelqu’un. Surtout une personne comme elle. Elle a troublé mon âme, m’a ensorcelé. Elle frappe là où on ne s’y attend pas. Fragile, mais si forte à la fois. Il faut que j’arrête de penser à elle. Je suis parti, j’ai tout gâché. CHAPITRE 1 6 mois plus tard... ZORA Six mois que Travis est parti vivre en Amérique. Six longs mois qu’il est sorti de ma vie, définitivement. J’ai toujours un pincement au cœur en pensant à lui. Il est celui avec lequel j’ai à nouveau goûté aux plaisirs de la chair. Je ne regrette pas les petits moments d’intimité que nous avons vécus, car je les ai fortement appréciés, mais seulement d’être tombée sur un homme fragile psychologiquement alors que je le pensais fort. Quand je pense que je l’avais cru insubmersible. Enfin bref, je parle comme ça aujourd’hui parce que de l’eau a coulé sous les ponts, mais j’en ai beaucoup souffert. Je me suis posé tellement de questions. Sarah a encore dû sécher mes larmes, et pas qu’une seule fois. Je m’étais pourtant promis de ne plus jamais pleurer. Et encore moins pour lui, mais ça n’a pas duré. *** Il y a eu beaucoup de changement dans ma vie. J’ai repeint entièrement la maison. J’ai complètement revu la décoration. Ce n’est plus celle de Bertrand et Zora. Mais la mienne, tout simplement. Aujourd’hui, j’ai enfin compris une chose ! Je dois vivre pour moi et je me surprends à adorer ça. Quand je pense à Bertrand et Mathys, je ne pleure plus. Je souris, oui, oui ! Pour de vrai. Je souris à la vie qui m’a offert une seconde chance. Je me réjouis du bonheur d’avoir eu un mari que j’aime et un enfant merveilleux. Même s’il a été de courte durée, j’ai eu l’honneur de vivre tout ça en leur compagnie. Pendant ma période déprime post-Travis, j’ai effectué le scanner de contrôle pour ma jambe. Ils ont décelé une petite masse, mais après une IRM il s’est avéré qu’il n’y avait pas d’inquiétude à avoir. Pour les médecins, il s’agit sûrement d’une adhérence au niveau de la cicatrice de mon genou. Il faut dire que ma peau, mes muscles et ma chair ont été déchirés, donc lors de la reconstruction, il se peut qu’ils aient fait une sorte de nœud, d’où la gêne et le gonflement par moments. Actuellement ma jambe est le cadet de mes soucis. J’ai revu ma garde-robe et il y a davantage de jupes qu’avant. Les collants opaques sont mes nouveaux meilleurs amis. Je porte, à nouveau, des talons. Ils me font une belle démarche. Niveau boulot, Monsieur Cordier, mon adorable patron, a pris sa retraite. Après plusieurs infarctus, il a tout bonnement décidé de lever le pied. J’en ai profité pour prendre une année sabbatique. J’ai envie de changer d’air. De voyager. Je n’ai jamais manqué d’argent et l’héritage que m’a laissé Bertrand a servi pour payer les dernières traites de la maison. Il m’en reste bien assez pour m’octroyer ce petit plaisir. Nous sommes vendredi et c’est soirée filles. Sarah a emménagé avec Dave depuis. Elle a décrété que le vendredi soir était le nôtre. Aujourd’hui, n’y échappe pas et c’est à moi de trouver un truc fun à faire pour la soirée. Je prends ma voiture et fonce vers le centre commercial afin d’y trouver des gourmandises pour ce soir. Je slalome entre les rayons et prends plaisir à faire les courses, comme avant la tragédie qui a bousillé ma vie. C’est tellement agréable de me sentir si légère à nouveau ! Je passe en caisse et retourne chez moi. J’ai loué des DVD pour notre petite soirée. Il y a de tout. Du fantastique (X-men), du thriller (Seven), du romantique (The Valentine’s Day) et du hot (9 Semaines et Demie). J’aime particulièrement ce dernier. Mais je laisserai le choix à Sarah. Ça sonne, c’est elle. — Hey, bichette ! — Coucou, ma chérie. — Alors, que nous as-tu concocté pour ce soir ? — Une soirée malbouffe et DVD ça te tente ? — Trop génial ! J’avais besoin d’une soirée calme. Dave est insatiable. Depuis que je vis chez lui, je passe le plus clair de mon temps à poil. — Oh, Sarah ! Arrête, pense à moi, merde ! Nous rigolons toutes les deux. Quand je pense qu’il y a quelques mois, je ne riais plus. Quel gâchis. Mais j’avais besoin de tout ce temps pour faire mon deuil convenablement. Perdre l’homme de votre vie et votre enfant est quelque chose de très difficile à surmonter. À n’importe quel âge. Mais à 27 ans, c’est très compliqué parce qu’à part cas exceptionnel, il vous reste une sacrée paire d’années à vivre. Et le faire sans votre moitié et votre enfant, c’est tous les jours un peu plus difficile. Mais aujourd’hui, j’ai accepté et j’ai dû surmonter la perte de mon amour naissant pour Travis. Je sors de mes pensées. — Bon, trêve de plaisanterie. Tu veux regarder quoi ? — Attends, je regarde. — Je vais chercher les tacos et des sucreries pour le dessert. — Zora, tu as l’intention de nous faire prendre 30 kilos en une soirée ? — 30 kilos ! N’exagère pas, Sarah. Nous rigolons à nouveau toutes les deux lorsqu’elle se mime en sumo. Elle est terrible cette fille. Je l’aime tellement. Elle est la seule famille qu’il me reste et j’apprécie beaucoup Dave, il prend soin d’elle, je ne l’ai jamais vue si heureuse. Je n’envie pas leur bonheur, car ils le méritent amplement. Elle se décide à mettre « The Valentine’s Day ». C’est bien. Une comédie romantique, sur différents couples qui se séparent ou qui se retrouvent. Bien entendu, tout ceci me fait penser à ma propre histoire achevée trop tôt. Je ne comprends pas son départ. Il ne m’a jamais recontactée et je n’ai jamais abordé le sujet avec Sarah et Dave, j’étais trop dévastée pour en discuter et par la suite je n’ai pas osé demander, sûrement par peur d’entendre qu’il est en couple ou je ne sais trop quoi. La seule fois où Dave a tenté de me parler de lui, c’est lorsqu’il m’a donné les clefs de la voiture de Travis. Apparemment, cet imbécile a jugé bon de me l’offrir. J’ai été très en colère, je me suis sentie comme une p**e que l’on paie à la fin de sa prestation. Je l’ai vendue et offert l’argent à une association pour les orphelins. Je décide de passer une agréable soirée avec mon amie sans penser à lui. Nous sommes toutes les deux absorbées par le film quand Sarah se met à parler. — Zora ? — Hmm ? — Je dois te parler de quelque chose. Je sens au ton de sa voix que ça risque de ne pas me plaire. — Ah ? Et de quoi au juste ? — Tu n’es pas sans savoir que Dave est toujours en contact avec Travis ? — Oui et alors ? En quoi ça me concerne ? Je n’aime pas la tournure que prend notre conversation, je n’ai pas envie de parler de lui. — Eh bien ! Disons que Dave et moi sommes invités à le rejoindre la semaine prochaine pour aller voir son exposition dans une galerie en Amérique. Euh ! Une exposition ? Travis ? Je ne comprends rien du tout. — Travis expose… dans une galerie ? — Oui…il s’est apparemment remis à dessiner. Il a d’abord été repéré par un tatoueur renommé et ensuite son succès a été tel qu’il a pu exposer ses œuvres dans une galerie. Il nous invite le soir de la mise aux enchères afin de récolter des fonds pour des associations. Zora, je suis désolée de te parler de tout ça, mais si j’y était allée sans t’en parler, j’aurai eu l’impression de te trahir. Je ne voulais même pas accompagner Dave, mais il insiste beaucoup alors je pense que j’irai. — Merci Sarah, pour ta franchise et ton honnêteté envers moi. C’est bien pour lui, s’il a trouvé quelque chose qui le raccroche à la vie. Quand il est parti, il était loin d’avoir des projets. Vas-y ma belle et botte-lui les fesses pour moi. Nous rions toutes les deux et terminons notre film tranquillement. Sarah commence à fatiguer et décide de rentrer. Je repense sans cesse à Travis et allume mon ordinateur. Je suis sûre qu’il est sur le net. Je tape dans la barre de recherche « Travis, tatouage, galerie, New York », je ne trouve rien. Je ne connais même pas son nom. Je réessaye avec « galerie, exposition, New York ». Je le trouve enfin. Je clique sur le lien qui parle d’un certain Travis Kurt, exposant des peintures et des dessins, dans la célèbre galerie de New York, « Carré d’artistes ». Je tombe sur un immense portrait de lui en noir et blanc, il est sublime. Son regard est malicieux et il sourit à pleines dents. Il porte une barbe qui lui recouvre la moitié du visage et qui descend sous son menton, ça lui va bien. On dirait un hipster des temps modernes. Il rayonne. Je ne me souviens pas l’avoir déjà vu comme ça. Les larmes me montent aux yeux, mais je reste forte. Je ressens énormément de choses face à ce cliché de lui. Je défile vers le bas et lis qu’il expose pour récolter des fonds pour des associations. Je le savais déjà, mais ça me fait tout drôle de le voir investi comme cela. Je referme l’ordinateur et souffle un bon coup. Je monte me coucher. Je sens que ma nuit va être agitée. Il faut que je parte la semaine prochaine. Sarah sera en Amérique avec Dave et Travis. Il faut que je m’en aille, je pense que mon petit voyage va très vite commencer. Il faudra que je surmonte ma peur de l’avion. CHAPITRE 2 TRAVIS Je travaille sans relâche pour exposer de nouvelles œuvres dans la galerie. La plupart de mes dessins se sont vendus comme des petits pains et il me reste une semaine avant la grande soirée d’inauguration où tous les gros bonnets vont venir me faire de la lèche pour me parler de mon art. Je n’aime pas du tout ce genre de choses, mais je reverse l’intégralité des bénéfices récoltés lors de cette soirée à une association d’alcooliques anonymes et d’anciens combattants. Ce sont deux domaines qui me tiennent à cœur et, d’après mon ami et psychiatre, le Dr Cost, c’est l’une des meilleures choses à faire dans les étapes que je veux gravir pour devenir un homme plus stable, plus confiant et surtout heureux. J’essaie de peindre, de dessiner, mais rien ne me vient aujourd’hui. Je feuillette mon calepin à dessins et je tombe sur des dizaines de portraits de Zora. La revoir, couchée sur le papier me fait toujours autant mal. Je pense que j’étais beaucoup plus attaché à elle que je ne le soupçonnais. Je le suis toujours. Mais il fallait que je parte, il fallait que je me recentre et que je la libère de la spirale dans laquelle elle s’était enfermée depuis tant d’années. J’ai, de temps en temps, des nouvelles d’elle, par Dave. On s’appelle très régulièrement et il attend toujours que je lui pose la question pour me parler d’elle. Je sais qu’elle a pris une année sabbatique pour voyager, mais qu’elle n’a encore établi aucun plan pour la suite. Je ne suis pas sans savoir qu’elle rêvait d’aller en Amérique et parfois j’ai peur de la croiser à un coin de rue en sortant du « Black ink », le salon de tatouage de mes deux nouveau amis. Eh oui ! Je suis beaucoup plus sociable qu’avant, et j’ai fait la rencontre du plus merveilleux des couples que je connaisse. April et Todd sont géniaux. Nous sommes à peu près du même âge et ils m’ont accueilli les bras ouverts quand j’ai débarqué dans leur salon avec mon carnet à croquis sous le bras. Todd est tombé amoureux de mes dessins et m’a directement embauché pour lui créer des modèles uniques. En effet, mes œuvres ne sont tatouées qu’une seule fois. Ce qui signifie que la personne qui choisit l’un de mes modèles sera la seule et l’unique à le porter à vie. Il faut sans cesse que je renouvelle mon stock.