INACCESSIBLE

Elle      C'est honteuse que je monte le couloir menant à ma salle de classe. Il faut dire qu'avec mes ballerines de deux dollars ramassées aux soldes, je ne pouvais pas me prendre pour les reines du shopping. Et mon crop top rose délavé n'ajoutait rien de satisfaisant.      Néanmoins, une chose me remontait le moral. Addison, ma meilleure amie et la seule fille qui me comprenne et m'accepte telle que je suis, dans ce monde où l’injuste règne en maître. Blonde aux yeux clairs, c’est un vrai aimant à garçons. Remercions ses formes généreuses qui se résument en une poitrine bonnet B et des fesses parfaitement rebondies. Moi je lui ressemble exactement…si on prend le sens inverse. J'arrive à me faufiler entre les divas de la classe et j'aperçois Addison, je m'étonne de la repérer si vite.     Je marche dans la salle sous les regards moqueurs de mes camarades. Il m’arrive parfois, pour ne pas me sentir vexée, de rire à mon tour, comme si nous nous esclaffions tous d'une blague commune. Vous voulez savoir pourquoi ils se moquent de moi ? c'est simple : je porte une culotte en jean, très délavée et un crop top rose typique acheté chez Dexter's, le magasin le moins cher de la ville. Mes vêtements ne payent même pas un Happy Meal, mais qu'attendiez-vous d'une vulgaire citoyenne de Brooklyn ?      Je vis dans ce quartier depuis le début de ma vie, dans un miteux appartement avec mes parents et mon frère, Tyler. On est pas plus riche que deux étudiants en alternance. Ma mère étant au chômage et mon père à la tête d’un cabinet d'avocat miteux et inactif, on ne peut prétendre le style de vie de John Ive bien que notre vie soit encore loin d'être misérable.      Pour une brève présentation, je m’appelle Amber Moore, brune, 17 ans, yeux verts, assez grande. J'étudie au Regis high school en classe de Terminale, et je me demande encore bien quelle mouche m'a piqué pour que j’accepte d'étudier dans l'Upper East Side. Vous en avez sûrement entendu parler, le quartier le plus chic de New York. J'y suis arrivée par le biais d'une bourse scolaire, de même que Tyler, qui me suit d'une classe. Avant, je fréquentais à Brooklyn, mais mon père a voulu d’un meilleur établissement pour finaliser mes études et a donc sauté sur l'offre que proposait le lycée d'octroyer des bourses aux élèves les moins aisés. La plupart des étudiants ici dépensent 10 000 dollars rien que pour leur petit-déjeuner, tous des gosses de riches. Addison qui vient du Bronx, et moi, sommes bien la preuve que l’exception fait la règle.      Arrivée à sa hauteur, je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire. - Ad ! Criai-je presque. - m***e ! Mais ça va pas de crier comme ça ? S'étonna-t-elle en retirant ses écouteurs. Bien sûr, il me fallait murmurer pourtant la musique résonnait à fond dans ses oreilles. - Bref Amber, faut que je te raconte un truc, j'ai rencontré l'amour de ma vie hier, dit-elle toute enthousiasmée. - Ah oui ? Et qui c'est ? Demandais-je faussement intéressée par sa nouvelle conquête. - Il s'appelle Pablo, il est mexicain et je l'ai rencontré sur Meetic, tu sais... - Le site de rencontre, dis-je en même temps qu'elle, ce qui lui fit rire.      Elle m'avait tellement parlé de ce site maintes fois, du fait que je devais m'y inscrire pour développer mon caractère social. Je regarde Addison, lisser ses cheveux dorés, d’une main tandis que l'autre est affairée à manipuler son téléphone. Les minutes qui suivent sont consacrées à Pablo dont elle m'éloge beauté et l’immense gentillesse.      La salle se remplit peu à peu quand le professeur entre.                                                                                                   ***      Elle se tourne à la classe après d’interminables minutes qui se sont écoulées comme des heures. Les seules informations que j'ai captées sont son nom et son statut de professeur titulaire de la classe. Super ! - Monsieur Crawford, aboie madame Lewis en tapant le bout de son feutre sur le tableau, le cours se passe ici et non dans vos rêves !      Un silence saisit la salle. Je ne m'intéresse pas d’habitude à ce genre de spectacle, mais le concerné grogne avec animosité et sa voix rauque résonne dans toute la pièce, ce qui me pousse à lui faire face, happée par ce comportement de-.      Il a la peau mate, typique des mannequins pour produits de beauté. Ses cheveux bruns, bouclés et quelque peu ébouriffés le rendent sexy et dangereux. Sa barbe de trois jours et sa chemise moulante blanc cassé, ouverte sur trois boutons, laissent apercevoir un torse ferme et légèrement poilu qui lui confère un côté viril.      Il finit par déposer un regard vers moi, vu l’insistance du mien. Je m'y perds profondément, dans le brun puissant et intense de ses yeux. Comment ai-je fait pour ne jamais remarquer une telle merveille assise à moins d’un mètre de moi, c'est pas possible !      Nos regards se confondent, cependant, le sien a plus un air...dégoûté.