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Le Porteur de Mort - Tome 3

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Macline tombera-t-elle dans les griffes du lion blanc ?

Seïs se voit contraint d’abandonner Naïs en Principauté pour retourner de toute urgence à Macline. Mais voilà, la jeune femme s’approche dangereusement de Noterre… au risque de tomber entre les griffes du lion blanc. Toutes les fondations du pays sont menacées et risquent de s’effondrer, et au-delà, celles de leur propre existence. Parviendront-ils à protéger leur univers, leur croyance et leur vie ? Réussiront-ils à se retrouver en dépit du fossé qui les sépare désormais ?

Grâce au troisième tome de cette saga fantasy époustouflante, replongez dans le monde de Seïs Amorgen et découvrez la suite de ses aventures !

EXTRAIT

Il s’accrocha à ma tunique et je dégainai Trompe-la-mort. Dès que je poussai la porte, un rouleau de fumée opaque nous sauta au visage. Liem-Sat mit la main devant la bouche et toussa bruyamment. Je fis un pas dans le couloir et tentai de percer l’obscurité. À ma droite, les flammes ravageaient le fond du corridor, ainsi que l’Aile des Princes et éclairaient de rouge et d’orange les tapisseries en feu. À ma gauche, le couloir ressemblait à un trou béant noir et oppressant, nimbé de volutes de fumée si épaisses qu’on se serait cru aveugle. Je m’engageai par là, serrant Trompe-la-mort comme si c’était une bouée de sauvetage, et Liem-Sat s’accrochait à moi, comme si j’étais la sienne. Je tâtonnais. En dépit de ma vue, j’y voyais comme dans un four. Je devais me montrer prudent, le sol était jonché de ce que tous les notables avaient laissé tomber en fuyant vers les souterrains. Les Taroghs n’étaient pas parvenus jusque-là, mais je les entendais. Ils n’étaient plus très loin. Je pressai l’allure. Liem-Sat trottinait derrière moi en ahanant, se couvrant la bouche et le nez de la main.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Le point fort de cette saga ? Ses personnages ! […] Angel Arekin a un don incroyable pour créer des personnages à la fois convaincants et attachants. - LesFantasydAmanda, Babelio

[…]ce troisième tome est toujours aussi sombre, je le trouve même plus sanglant que les précédents. L’auteur joue complètement avec nos nerfs... Je pense vraiment qu’elle a fait voler en éclats toutes mes certitudes, elle a instauré le doute en moi tout au long de ma lecture, au point qu’à la fin je ne sais plus discerner le vrai du faux. - Blog Le monde de Wendy

Ce troisième tome est rempli de surprises constantes. Nos émotions jouent les montagnes russes et cette angoisse et cette boule de ventre qui ne s’enlèvent pas facilement. Des personnages toujours attachants en pleine quête d’identités et d’affirmations. En plus, une histoire s’amplifie en intensité grâce aux événements, aux rebondissements et aux mystères. - Nenyval, blog De fil en histoire

À PROPOS DE L'AUTEUR

Née en 1981 à Brive-la-Gaillarde, Angel Arekin partage sa vie avec sa famille, son boulot, la littérature, le cinéma, les mangas, le web, les amis, et si cela ne suffit pas, avec ses pages d’ordinateur sur lesquelles se dessinent de nouveaux mondes, peuplés de créatures étranges. Passionnée de fantasy depuis sa découverte du Seigneur des Anneaux, diplômée en histoire médiévale et inspirée par les collines verdoyantes de Corrèze, Angel bâtit une épopée fantasy à l’âge de 20 ans qui occupera 15 ans de sa vie. Le Porteur de Mort est né, et à travers lui, de nouvelles histoires brûlent déjà d’être couchées sur le papier.

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Passage En Noir 1
La cloche sonne avec violence. Des bruits de pas et des éclats de voix envahissent la maison. Je me lève précipitamment du lit et me vêts d’une tunique sans prendre la peine de nouer mon Obi autour de ma taille. On frappe à la porte. Un homme étire le shôji sans attendre de réponse et s’incline devant moi. « Madame, mon seigneur Shin demande à ce que vous restiez dans vos quartiers. — Que se passe-t-il ? — Rien de grave, Madame. L’affaire sera réglée dans peu de temps. — Shinjirou, que se passe-t-il ? » réitéré-je d’une voix plus forte. Le visage de l’homme se froisse comme une feuille de papier. Shaolan lui a sûrement ordonné de me laisser dans l’ombre. Shinjirou ne lui désobéira pas, dussé-je le menacer pour le faire parler. « Bien, obéis à ton seigneur », déclaré-je d’une voix sèche. Shinjirou penche la tête d’un air contrit, puis referme la porte derrière lui, me laissant seule. Je m’approche de la fenêtre, retire le papier tendu qui la recouvre et jette un œil dans le patio. Des hommes d’armes courent dans tous les sens et je perçois nettement le choc des armes au loin, dans l’aile sud et depuis les collines. On nous attaque. Mais qui ? Qui a l’audace de s’en prendre au seigneur Shin ? Je ne suis pas inquiète ; j’ai déjà vu le sang versé à maintes reprises et voir celui des Shin couler me donnerait presque de l’entrain. J’épie les mouvements des uns et des autres et guette le son des épées qui tend à se rapprocher. Dans l’armoire, je m’empare d’une dague que je conserve toujours à portée de main. C’est le cadeau maudit du Porteur de Mort. Je le glisse dans ma ceinture. Une explosion fait soudain vrombir le sol. Je tombe par terre sous l’onde de choc. L’un des shôji de ma chambre se déchire sous la pression du souffle. Le feu se met à lécher le toit et une colonne de fumée s’élève dans la nuit. Je me relève rapidement et me glisse à l’extérieur. Dehors, la pagaille règne. Les hommes et les femmes courent de tous côtés, sans ordre, ni discipline. Shaolan les punira pour un tel manquement à la rigueur. J’en suis persuadée. Ses ordonnances sont des sacerdoces qu’il ne permet pas de bafouer. Où est-il ? Au combat ? Sous la véranda, je peux observer les montagnes qui ceignent la maison Shin. Je pourrais fuir. Dans le tumulte, personne ne remarquerait mon absence. Je pourrais courir. Même sans eau ni vivres, je survivrais dans ces montagnes et pourrais m’éloigner loin de ce clan, loin de Shaolan et de son maudit Porteur de mort. Mais ce n’est qu’une pensée éphémère. Je ne m’enfuirai jamais des Hautes Terres. Je suis liée à elle comme la corde au cou d’un pendu. Le feu gagne l’aile ouest de l’ancestrale demeure. Les cloches résonnent dans la vallée. J’observe le feu comme j’ai autrefois regardé la grande hélice d’Hélivent brûler. Le son des épées gagne du terrain. Je tourne la tête vers les jardins. Armés de sabres et de flèches, des guerriers combattent près du ponton. « Madame… Madame, il ne faut pas rester là. » Ma suivante, une fille aux longs cheveux noirs, quelconque et sotte, me considère, incrédule, et me saisit la main pour m’entraîner loin de l’incendie et des hommes armés. « Qui sont-ils ? demandé-je. — Je ne sais pas, Madame. Il faut vous cacher. Vous êtes la femme du Seigneur Shin. S’ils vous trouvent, ils vous tueront. » Je ne peux m’empêcher de trouver son fatalisme risible. Me tuer ? Qu’ils essaient ! Je consens néanmoins à la suivre. Elle marche en piétinant le sol comme une vache. Son visage peinturluré de blanc se tourne sans cesse à droite et à gauche. Elle a peur et n’essaie même pas de le dissimuler. Est-ce donc cela les femmes de Shin ? Quelle crainte pouvons-nous susciter si aucune d’entre nous ne reste fière lorsque les circonstances l’exigent ? Shaolan méprise la couardise et le manque de dignité. Est-ce pour cette raison qu’il est tombé amoureux de moi ou bien est-ce seulement à cause du Porteur de Mort ? Armés et désorganisés, les sbires de Shin passent à nos côtés. Les hommes vaillants du clan sont au combat dans le Nord. Il ne reste ici que des troupes jeunes et sans expérience. Un cri de rage doit faire pulser le cœur de Shaolan et j’aurais aimé être une goutte de sang pour entendre ce cri. À l’angle du bâtiment est, nos guerriers repoussent nos ennemis. Plusieurs d’entre eux se font massacrer et ma suivante sanglote. Je l’oblige à me lâcher la main sèchement lorsqu’elle tente de se retenir à mon bras. Dans la confusion, un homme de la garde me pousse et je heurte le mur d’un coup d’épaule. Je lâche un gémissement, puis, folle de rage qu’il m’ait échappé, me rassérène et m’élance d’un bon pas là où je pense trouver le maître des lieux. Ma suivante me supplie de ne pas aller par là, qu’il est trop dangereux de m’y rendre. Elle balbutie que je dois fuir. Avec elle. Je la gifle et lui ordonne de me laisser si ce n’est que pour entendre sortir de sa bouche des inepties. Cette sotte n’en fait qu’à sa tête et m’accompagne. Après avoir franchi le mur est, un guerrier ennemi surgit devant nous, une épée fichée dans le bras. Sans un hurlement, il la retire et nous menace avec l’arme qui l’a blessé. Ma suivante pousse un cri qui meurt dans le tumulte du feu qui s’est emparé d’une partie de la bâtisse. Je ne bouge pas et fixe l’homme qui s’avance dans notre direction. Son œil est noir et froid. Sa détermination est lisible. Ce n’est pas moi qu’il désire tuer. Mais par moi, il peut le toucher. Cette pensée me délivre de la peur tant elle me couvre de honte et de colère. Le menton fier, je le regarde dans les yeux et je jure de ne jamais les détourner, dussé-je en mourir. « Femme, où est ton maître ? me demande l’homme. — Là où vous ne saurez le trouver. Mon époux ne combat que les guerriers qui s’en montrent dignes. » Je touche son amour-propre ; tous les guerriers sont si semblables… tous, sauf un. « Apprends à tenir ta langue. — Lorsque vous me l’aurez enseigné, maître », je réponds d’un ton ironique, en courbant la tête, mais sans le quitter des yeux. Un sourire condescendant se pose sur ses lèvres. Il s’approche, l’arme en avant. Ma suivante se tasse contre mon bras et me prie de fuir à nouveau. Elle tire de toutes ses forces sur ma tunique, mais je ne m’en soucie guère. L’homme réduit la distance entre nous. Son couteau brille dans sa main. Du sang macule son bras et son épaule. Son front se plisse de douleur, mais ses yeux continuent de ruisseler de haine. Depuis combien de temps attend-il la minute où il pourra tuer Shaolan ? Aussi longtemps que moi… « Femme, ta langue est trop pendue, pourtant, elle ne dit rien d’utile. — Ma langue ne sert d’ordinaire qu’à chanter. Veuillez excuser mon audace. » Son sourire s’accroît. « Dis-moi où est ton maître. — Je ne saurais répondre à cette question, puisque je n’en connais pas moi-même la réponse. Tomoko, sais-tu où est ton maître ? » Terrifiée, ma jeune suivante secoue la tête à la négative. L’homme n’est plus qu’à deux pas de moi et son couteau me défie. La lumière argentée de la lame se répand sur le visage de mon ennemi. Il accomplit un geste. Un seul. Je me déplace sur la droite, rompant son mouvement, et le couteau rencontre le dos de Tomoko qui hurle. Ma suivante tombe en gesticulant et le sol se couvre de sang. L’homme est désorienté, surpris de ma rapidité. Il saute par-dessus le corps de ma suivante, or, il est déjà trop tard. Mon couteau ne tremble pas dans ma main et le transperce en passant sous la manche de mon tomesode. Ses yeux s’écarquillent et il me considère avec surprise. « Sorcière », murmure-t-il avant de chuter sur le bois. Je ne réponds pas. Les remords ont depuis longtemps fondu dans le néant. Je le contourne et poursuis rapidement mon chemin. L’air devient étouffant. Le feu est maîtrisé, cependant, la fumée continue de s’envoler au-dessus des toits et de gagner les alentours. Le couteau à la main, je longe le balcon, évite les échauffourées des hommes qui combattent entre eux. Le meilleur moyen de rester en vie est de se montrer discret. C’est l’une des leçons que j’ai apprises voilà longtemps, à mes dépens. Un shôji se rompt soudain sous mes yeux et un homme s’écroule à mes pieds. Du sang tache sa tunique et ses yeux sont morts. Derrière le paravent, Torii essuie sa lame sur le bracelet de cuir qui ceint son poignet. Que fait-il ici ? Il semble épuisé. Ses traits sont tirés, mais ses yeux brillent, comme si l’acier de sa lame s’y reflétait. Il me considère et, comme chaque fois, ce regard, aux nuances de métal, me rappelle ce qu’il est réellement : la mort. Il aperçoit mon couteau entaché, prisonnier de mes doigts, et hoche la tête. Je devine sa satisfaction. « Vous n’êtes pas blessée ? » me demande-t-il. Sa voix résonne comme un cor et je songe qu’il se moque bien d’une quelconque blessure dont je pourrais être affligée. « Je vais bien », je réponds, succincte. Il incline la tête. « Ne restez pas ici. C’est dangereux. — Je l’avais en effet remarqué. — Suivez-moi. » Il se détourne sans plus attendre et pénètre plus profondément dans la maison. Je lui emboîte le pas. La peur s’envole. Le Porteur de Mort de la maison Shin est ici pour une raison qui m’échappe. Mais si lui est présent, alors, les gardes de Shaolan sont de retour de leur combat au Nord et ces derniers régleront rapidement la situation. Nos ennemis n’ont aucune chance. En longeant un couloir, je lui demande : « Vous êtes revenu plus tôt que prévu. Que s’est-il passé ? » Torii garde le silence. Son épée noire dégouline de sang sur le sol à mesure de ses pas. Je ne distingue aucune blessure et son maintien est parfait. Sa nuque est roide, cependant, chacun de ses mouvements est fluide et aux aguets. « Qui sont ces gens ? » interrogé-je. La réponse est identique à la précédente. Je soupire et serre contre mon sein la lame qui m’a sauvé la vie un instant plus tôt. « Vous auriez dû rester dans vos quartiers, lance-t-il après quelques secondes. Vous auriez pu être tuée. — Cela vous importe-t-il vraiment ? — La santé de l’épouse de mon frère est importante à mes yeux, en effet. Si vous mouriez, Shaolan en serait fâché. De ce fait, je le serais également. — Voilà enfin des paroles qui me semblent sincères, persiflé-je. — Chacune de mes paroles à votre égard est sincère. — Voilà pourquoi, je suppose, elles sont si peu nombreuses. » Il tourne la tête vers moi et me dévisage. À ma plus grande surprise, un sourire effleure ses lèvres. « Parfois, le silence est plus éloquent qu’une parole, me dit-il. — Parfois, il devient une barrière à la compréhension de l’autre, répliqué-je. — Parfois, en effet. » Il me fait traverser la salle de réception dans un silence religieux. Il n’y a là pas trace de mon époux. Aussi, poursuit-il vers l’aile centrale de la vieille bâtisse. « Je suis étonnée que vous ayez laissé Shaolan sans protection. » Un frémissement de dédain longe la ligne parfaite de ses épaules et les veines de son cou grossissent d’un coup. « Je n’ai pas encore eu le temps de le voir, m’apprend-il. Si cela avait été le cas, je serais à ses côtés. — Je n’en doute pas. Qui s’intéresse à mon sort dans cette maison ? » Sa bouche se tord. « Si vous aviez obéi à l’ordre que l’on vous a donné… — Je serais morte brûlée vive, répliqué-je. L’incendie a très certainement gagné mes appartements et si ce n’est pas le cas, la fumée aurait fait son œuvre avec autant d’aisance. Ma santé vous importe, Torii, dans ce cas, vous auriez dû envoyer quelqu’un me chercher. Au lieu de cela, je dois me défendre seule et ma suivante a été tuée par l’un de vos assaillants. — Je vous sais très capable de vous défendre seule. » Son œil semble brûler en se posant sur moi. Je me sens minuscule et je devrais baisser les yeux, ne pas l’affronter, mais une fois encore mon audace a raison de moi. Qu’ai-je à perdre à me mesurer à lui ? Je dois me montrer plus forte et ne pas le craindre. Si je veux obtenir vengeance un jour, il me faut gagner son respect, son regard, son désir. « Je n’ai jamais appris l’art du combat, je réponds. Tout ce que je sais, c’est à force d’observation. — Ce qui rend votre acte plus honorable encore, affirme-t-il en considérant le sang sur ma dague. Vous devriez en être fière et ne pas regretter ce qui ne peut être changé. — Voilà une chose qui vous arrangerait, n’est-ce pas ? — Qu’entendez-vous par là ? — Eh bien, je constate seulement qu’aucun soldat n’est venu à mon secours lorsque j’en ai eu besoin. Shaolan a-t-il également donné l’ordre de me laisser mourir dans une quelconque escarmouche ? — Il va de soi qu’il n’en est rien et vous devriez mesurer vos paroles, Madame. Vos mots pourraient être mal interprétés. — Et alors ? Qu’en serait-il ? — Le désordre règne. Vous l’avez constaté. Ni Shaolan, ni moi ne désirons votre mort, pas plus que nos soldats. Néanmoins, ils sont occupés à éteindre un feu et à repousser nos ennemis. Votre personne m’importe et importe à Shaolan, toutefois, nous avons tous des obligations à remplir pour permettre à notre maison de se relever d’une telle attaque. — Dans ce cas, je dois prendre en considération que je ne m’intègre pas dans vos obligations. — Madame, si j’avais su que vos quartiers risquaient d’être la proie des flammes, je serais venu moi-même vous secourir et je n’aurais certainement pas permis à un seul homme de poser la main sur vous. — Torii, vous tentez d’amoindrir mon courroux par la flatterie, c’est peu honorable de la part d’un homme tel que vous. — Je ne cherche pas à vous flatter. Seulement à vous montrer par mes paroles, faute d’acte, que votre bien-être compte à mes yeux. Vous êtes la femme de mon seigneur. Je me déjugerais si je manquais à mon devoir envers vous. Si je vous ai froissée, Madame, acceptez mon pardon, mais en aucun cas, vous ne me ferez croire que vous êtes inculte dans l’art de survivre. » Je le considère, médusée, et sur le coup de la stupéfaction, recule d’un pas. Torii m’observe et note chacune de mes réactions. Son œil est de nouveau celui d’un lion et chaque fois qu’il me guette ainsi, j’ai l’impression de devenir sa proie. Je ne dois pas me laisser submerger par la peur et le désarroi qu’il éveille en moi. Je tente de maîtriser ma respiration et me tiens droite, les mains ramenées dans mon giron. « J’ai appris l’art de rester en vie, répliqué-je, grâce à vous. Non pas celui de tenir une arme pour m’en servir. Si cela n’avait pas été le cas, je serais déjà morte. Probablement brûlée dans ma chambre. » Il incline la tête. « Soit, Madame. Mon arme est la vôtre. » Son regard brûle comme une forge. « Non, elle est celle de mon époux et vous le savez. Du plus loin que je puisse me rappeler, elle l’a toujours été. » Un sourire s’ébauche sur ses lèvres. Comme chaque fois qu’une telle expression envahit ses traits, mon cœur manque un battement. La crainte qu’il attise à escient perturbe mes sens. Son regard dénie ses paroles. Comment ose-t-il prétendre se montrer sincère à mon égard alors que seuls flagorneries et mensonges quittent ses lèvres ? Pense-t-il vraiment que je puisse croire ses mots ? Me pense-t-il si sotte ? « Nous devrions nous presser, me dit-il. Votre époux doit se morfondre de vous savoir seule. » Un soupçon de colère s’insinue en moi et je dois faire preuve de retenue pour le chasser. Torii ne cesse d’épier mes réactions. Je ne dois pas lui donner satisfaction. « Bien, ne perdons pas de temps. » Nous reprenons notre chemin. Je marche derrière lui. Torii tient son épée de la main gauche. Ses doigts, tachés de sang, en épousent parfaitement les contours. Une arme idéale pour le Porteur de Mort, offerte par les miens pour en assurer la perte… Quelle ironie ! Le calme semble revenir dehors. Les cris de guerre et les hurlements font place aux éclats de voix et aux murmures. Les hommes de Torii ont vaincu nos ennemis. Shaolan a remporté une victoire, mais celle-ci est entachée par la honte d’avoir été attaqués et surpris dans notre demeure, dans notre sommeil. Shaolan saura s’en souvenir et demain, des têtes risquent de tomber. « Je vous apprendrai si vous le souhaitez. » La voix de Torii sonne claire comme du cristal et fait écho au fond de ma poitrine. « M’apprendre quoi ? — À manier une arme. » Je dois me montrer prudente. N’est-ce pas un piège ? « Pour quelles raisons feriez-vous cela ? — Pour cesser de craindre votre mort. — Je n’en crois rien. Pourquoi l’homme de main de mon époux perdrait-il son temps à enseigner l’art du combat à la femme de son seigneur ? — Ma raison est celle que je viens d’évoquer, qu’elle vous plaise ou non. Vous êtes en droit d’accepter ou de refuser ma proposition, non de la remettre en question. » Je m’arrête au milieu du corridor, mais Torii poursuit sa route comme si de rien n’était. Je me remets donc en mouvement pour rester à sa hauteur. « Votre raison ne me plaît pas. C’est pourquoi je la mets en doute. » Il garde le silence. « Mon époux ne le permettra pas », ajouté-je. Son regard se baisse sur moi et rencontre le mien. « Dans ce cas, je vous l’enseignerai à l’insu des regards curieux, néanmoins, je pense que Shaolan accepterait si vous le lui demandiez. — Pourquoi ferait-il ça ? » Torii est de ceux qui le connaissent le mieux. Travailler auprès de lui pourrait m’apprendre de précieuses informations. Sa proposition pourrait devenir une chance inestimable. « Shaolan est fière du tempérament de la femme qu’il a épousée. C’est la raison pour laquelle il vous a choisie. » Je le dévisage avec un étonnement peint de dégoût. « Shaolan s’est épris de votre personnalité qu’il ose définir lui-même de feu-follet, poursuit-il. Je pense qu’il serait très fier de voir sa femme devenir une guerrière plutôt qu’une dame de bonne compagnie. Bien sûr, je peux me tromper. Le mieux est encore de le lui demander, n’est-ce pas ? » Je hoche la tête, silencieuse. « Je vous laisse libre de choisir ce que vous désirez, ajoute-t-il. — Je réfléchirai à votre proposition à la mesure de ce qu’elle mérite. » Le coup d’œil qu’il m’adresse me remplit de doutes et me tétanise. Au fond de moi, je le sais. Il me tend un piège. À quelle fin ? Désire-t-il me garder sous contrôle ? Doute-t-il de moi ? Quelles sont donc les pensées véritables de Shin Torii ? Alors que nous franchissons la salle des dîners, un homme surgit soudain par la porte, transperçant le shôji, et se rue sur Torii. Celui-ci lève son arme juste avant que l’épée de son adversaire ne lui transperce la gorge. Leurs sabres se croisent et Torii bascule sur le côté avant de récupérer son équilibre. Je recule contre l’un des murs et observe chacun de ses mouvements. Ses gestes sont aériens. Malgré son armure, il reste svelte et mesure ses actions en économisant ses forces et en dépensant celles de son adversaire. Torii mesure tout. Il ne faut pas l’oublier. Son adversaire tient sa garde haute. Son style de combat m’est inconnu, mais Torii semble déjà en percer les brèches. Après plusieurs parades, sa technique prend une nouvelle forme et se fond dans l’art de son ennemi. Il use de ses tours et prend vite le dessus. Son adversaire n’a aucune chance, pourtant, il s’accroche désespérément. Son obstination est admirable. Il se sait déjà mort et continue pourtant de se battre. Torii enfonce son sabre dans la chair souple de sa taille. La pointe ressort dans son dos et je la vois dégouliner de sang. Puis, il la retire d’un geste brusque. Son adversaire bondit en arrière, manque de s’écrouler à genoux. Il lève les yeux sur Torii. « Ce n’est que le début », le prévient-il. Torii s’avance, les sourcils froncés, la mâchoire crispée. « Peu importe celui qui vous envoie, dit-il d’une voix sourde. Quand il reviendra, je le tuerai moi-même de mes mains et cela marquera la fin de cette mascarade. » Puis, il lève son arme et tranche la tête de son adversaire qui tombe dans un bruit mat et roule à mes pieds. Je déglutis et cesse d’observer cette tête morte pour fixer Torii. Celui-ci ne regarde même pas le corps tomber sur le sol ; ses prunelles sombres sont ancrées dans les miennes. « Si vous acceptez ma proposition, il se peut que vous le regrettiez, m’avertit-il. — C’est la première fois que vos paroles me semblent sincères », ricané-je. Un rictus se pose sur ses lèvres. « Seuls ceux qui usent de mensonges sont capables de le reconnaître lorsqu’ils les croisent. » À mon tour, je souris et incline la tête. « Cela nous fait de belles nuits, n’est-ce pas ? me moqué-je. — C’est vrai. Voilà longtemps que nous n’avions pas eu de tels feux pour célébrer nos victoires. — Toute victoire mérite d’être fêtée à sa hauteur. — Comment fêterez-vous la vôtre ? » Je le toise d’un regard mâtiné auquel il répond avec une froideur parfaitement maîtrisée. « Qui vous dit que je n’ai pas déjà gagné ? — Une intuition. Si cela arrive, je le saurai. — Peut-être le regretterez-vous. — Peut-être le regretterez-vous », réplique-t-il.

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