Cover-2

2050 Words
— Bien sûr que oui, bredouille-t-elle. À ma grande surprise, sa voix est plus douce que son apparence. — C'est pas l'impression que tu donnes. Elle triture ses mains, le regard braqué dessus. Je me redresse pour la presser un peu. — Bon, on fait quoi? Elle paraît surprise par ma question. — C'est-à-dire? — Pour le projet. Tu veux procéder comment? — Oh. Et bien comme tu préfères. Pas contrariante, ça me plaît. — Alors on va commencer par chez toi, déclaré-je. Hors de question qu'elle vienne chez moi. — Heu d'accord. — Un problème? Je prends volontairement un ton dur pour qu'elle comprenne que ses manières de bourgeoise ne m'impressionnent pas. — Non non. Chez moi ce sera parfait. CHAPITRE 3 Cassydie Cette journée a sans doute été l'une des pires de toute ma vie. Chaque fois qu'un professeur me présentait à la classe, j'avais droit à des commentaires particulièrement désagréables sur le fait que je devais être une fille à papa ou bien pire. J'ai essayé de ne pas y faire attention, mais ça m'a plus touché qu'il ne devrait. Je me suis perdue plus d'une fois en changeant de classe et pour couronner le tout je me retrouve à former un binôme avec un garçon qui ne semble pas m'apprécier plus que les autres. Qu'est-ce qu'il m'avait pris d'accepter qu'il vienne chez moi? Je ne le connais pas, et mes parents ne vont sans doute pas beaucoup apprécier. J'étais déjà mal à l'aise à ses côtés en classe, alors me retrouver seule avec lui allait être plus que compliqué. Je me jette sur mon lit, enfouis ma tête dans mon oreiller et prie pour qu'on m'oublie jusqu'à la fin de l'année. J'essaie d'ignorer les coups à ma porte. Peut-être que si je reste silencieuse ça va marcher. Mais c'est sans compter sur la persévérance légendaire de ma mère qui entre sans y être invitée. — Cassydie tout va bien? Je grogne en guise de réponse et elle vient s’asseoir à côté de moi. — Héloïse m'a dit que tu étais rentrée depuis plus de vingt minutes, pourquoi n'es-tu pas venue me voir pour me raconter ta journée? — Parce qu'il n'y a rien à dire. C'était horrible. — Je suis certaine que tu exagères. Je me redresse et plante mon regard dans le sien pour donner plus de poids à mes mots. — Je n'exagère rien du tout. Ils me détestent tous. Elle se met à rire et place sa main sur la mienne. — Comment pourraient-ils te détester, ils ne te connaissent pas. — Ils ont autant envie que je sois dans leur lycée que moi. — Ne dis pas de sottises. — C'est vrai maman. Il fallait voir comme ils m'ont regardé. J'avais l'impression de venir d'une autre planète. — Tu vas te faire des amis rapidement. Bien, je vois que la discussion ne mènera nulle part. Je croise les bras et regarde le sol. C'est ma façon à moi de montrer que je boude. — Ton père dîne avec nous ce soir. Tâche de lui montrer que tu es prête à faire des efforts. Il est suffisamment stressé avec les préparatifs de sa campagne, il n'a pas besoin de s'inquiéter davantage. Je soupire et lui promets de faire mon maximum. Quand elle sort de ma chambre, je me jette de nouveau sur mon lit, et n'en bouge plus jusqu'au dîner. Avec ma fourchette, je repousse les pommes de terre distraitement sur les côtés de mon assiette. J'ai à peine touché à ma viande et n'est pas beaucoup parlé non plus. — Tu es bien silencieuse Cassydie. Est-ce que tout va bien? Mon père me regarde, les sourcils froncés. J'ai bien envie de lui dire que rien ne va, mais l'expression de ma mère me rappelle la promesse que je lui ai faite un peu plus tôt. — Tout va bien oui. — Et cette première journée? Comment s'est-elle passée? Il s'adresse à mon frère et moi, et je compte sur Tyler pour lui répondre. — Super. Tout le monde est cool et je me suis déjà fait beaucoup d'amis, répond-il avec enthousiasme. Des amis? Déjà? Des fois j'envie mon frère et sa facilité à parler aux inconnus. — Voilà qui est merveilleux. Et toi? Bien sûr il fallait que ça vienne à mon tour. — Super aussi. — Quoi c'est tout? Fais un effort. Fais un effort. Fais un effort. — J'ai rencontré des gens vraiment sympas et mon professeur de sociologie nous a donné un devoir à faire qui promet d'être très intéressant. Et c'est peu de le dire. — Vraiment? Tu ne m'en avais rien dit! Les yeux de ma mère pétillent. Franchement il n'y a pas de raison. — De quoi s'agit-il? — Nous devons étudier le monde dans lequel chacun de nous vit. — Et comment êtes-vous censé procéder? m'interroge-t-il. — J'ai proposé à mon binôme de venir à la maison. Mes parents paraissent surpris. Chacun son tour après tout. Moi aussi j'ai été étonné quand ils nous ont dit que nous devions changer de lycée. — Parfait. Je sais qu'elle n'est pas enchantée. Moi non plus, mais c'est la conséquence de ce changement, et je ne serais pas la seule à en pâtir. Je dois même avouer que je ressens un certain plaisir à ce que cela les contrarie, bien qu'ils n'en montrent rien. — Je pensais lui dire de passer demain après les cours. — Fais comme bon te semble. Après tout si c'est pour le lycée... Elle me sert un sourire de façade, que je lui rends. Notre petite discussion familiale est abrégée par mon père qui se lève en trombe après avoir remarqué l'heure. — Bon sang, il faut que je vous laisse. J'ai promis à Lance que nous mettrions au point certains détails. — Déjà? Mais tu n'as pas encore fini de dîner! — Je sais bien mais que veux-tu, il faut faire des sacrifices. Et puis un peu de diète ne me fera pas de mal. Il se tapote le ventre et embrasse ma mère avant de quitter la maison. Mon père est loin d'être gros, mais il fait toujours en sorte de prendre les choses avec humour pour que ma mère ne s'inquiète pas pour lui. Pour l'instant ça marche plutôt bien. — Je vais aller me coucher. Je n'ai pas bien dormi la nuit dernière et toute cette histoire me demande beaucoup d'énergie. — Bonne nuit ma puce, et ne t'en fais pas. Tout va bien se passer. Je ne réponds pas et monte directement dans ma chambre. Ça m'agace qu'elle se permette de faire ce genre de commentaire. Je ne sais pas si c'est elle qu'elle essaie de convaincre ou moi, mais si c'est moi, c'est un échec. CHAPITRE 4 Mayron — p****n mec, elle est trop canon. Et dire que tu vas rien en faire! Josh tire une taffe sur son joint, et recrache la fumée en faisant de petits ronds. Il me parle de cette fille depuis le cours de socio de Lee. — Bien sûr qu'il ne va rien en faire. Il sait trop de quoi je suis capable sinon! Salut bébé. Shanté s'assoit sur mes genoux et écrase ses lèvres pleines de rouge sur les miennes. Elle s'est auto attribuée le titre de petite amie, et comme elle est assez sexy je la laisse faire. Du moins jusqu'à ce qu'elle m'ait lassé, ce qui, me connaissant, peut arriver assez vite. — J'te la laisse. T'as qu'à aller voir Lee et arranger ton affaire. Elle me fout les jetons cette fille. — Je pensais être la seule à te faire peur. Shanté attrape mon menton entre ses doigts et approche son visage du mien. Je tourne la tête et attrape le joint des mains de Josh. Elle ne va quand même pas m'embrasser à la moindre occasion! Ce n'est pas pour moi ces conneries de couple. Elle fait la grimace quand je tire dessus et que je recrache la fumée sous son nez. Peut-être qu'elle va finir par se trouver sa propre place avec ça! — Tu la connais. Si je lui demande elle va savoir que ce n'est pas pour son projet à la con et elle me trouvera sûrement un truc encore plus chiant pour me foutre les boules. — Je ne vois pas ce qui te fait tripper chez cette meuf. — J'te l'ai dit, c'est un morceau. — Ton morceau il est congelé mec! Ma pseudo petite amie se met à glousser et en profite pour se frotter un peu plus à moi. Si la nouvelle est coincée, on peut dire que Shanté en revanche est loin d'être dans la même catégorie. — Laisse faire. D'ici un mois tu ne vas plus la reconnaître. Il se lève et fait mine de donner une fessée imaginaire. Ce type est trop con, mais je suis obligé de rire devant ses conneries. — À mon avis, il va te falloir un peu plus de temps. Il rit aussi et s'affale dans le fauteuil. — J'suis pas pressé. — En tout cas si elle t'approche d'un peu trop près, je lui arrache les yeux. Shanté exhibe ses longs ongles aussi acérés que des griffes et me gratte la peau avec. J'ai horreur de cette sensation et je trouve une excuse pour me lever. — J'me casse. J'ai des trucs à faire chez moi. — Quoi déjà? Mais je viens d'arriver! Je pensais qu'on pourrait peut-être passer un peu de temps ensemble... Elle me fait un clin d’œil, mais sa proposition à peine dissimulée ne m'intéresse pas. Pas aujourd'hui. — Plus tard peut-être. Là j'ai pas le temps. Je me dirige vers la porte et elle me rattrape par le bras avant de m'embrasser pour la deuxième fois de la journée. Ça devient une habitude chez elle ces derniers temps. — À plus bébé. Appelle-moi. Je réponds vaguement et sors avant qu'elle me propose de passer la soirée avec elle. Devant la maison je salue quelques gars avec qui on a l'habitude de traîner et qui squattent toujours le palier de mon meilleur ami. Josh ne vit pas seul mais c'est tout comme. Son père est mort quand il était petit et sa mère passe tout son temps chez son nouveau mec. Ou plutôt le mec du moment. Alors ici c'est devenu un peu le repère de tout le quartier. Tout le monde entre et sort comme dans un moulin. Lui ça ne le dérange pas, moi ça a tendance à me gaver, mais après tout c'est chez lui. Je vis deux rues plus loin. On est huit à dormir dans cette maison prévue pour beaucoup moins de personnes. Quand mon père est parti il y a dix-huit ans, ma mère a refait sa vie avec un gars qui ne valait pas mieux que lui et qui lui a fait deux autres gosses avant de se barrer aussi. Par manque d'argent, c'est mon oncle et ma tante qui nous ont recueillis chez eux. Je partage ma chambre avec mon frère. Ma sœur dort dans la même chambre que mes cousines et ma mère sur le canapé. J'essaie de passer un maximum de temps dehors. Ici j'étouffe. Le deal avec mon oncle c'est que je ne lui ramène pas d'emmerde et que je fasse acte de présence au lycée, pendant que lui s'occupe de ma mère. Ce n'est pas une mauvaise femme, mais le fait d'avoir été abandonné par les pères de ses enfants la plonge dans une dépression constante et un alcoolisme avéré. Tout ça l'empêche de garder un travail fixe, ce qui fait que nous n'avons jamais vraiment eu notre propre chez nous. La plupart du temps quand je rentre, je retrouve mon oncle assis à la table, en train de faire ses comptes pendant que ma tante prépare le repas. Il me regarde par-dessus ses lunettes, le doigt en suspension au-dessus de sa calculatrice. — Où est-ce que tu étais? me demande-t-il. — Avec des potes. — Encore à traîner avec ces bons à rien? — C'est mes amis. — Ils ne t'apporteront rien à part des ennuis, crois-moi. Qu'est-ce que vous avez fait? — Brûler une maternelle et agresser une vieille. La routine tu vois. Il tape du poing sur la table. — Ne me prends pas pour un imbécile. Je sais très bien que tu fumes quand tu es avec eux. Je ne le contredis pas. Il a raison et j'en ai rien à foutre que ça ne lui plaise pas. L'arrivée de la plus jeune de mes cousines dans la pièce l'empêche de continuer ce qu'il a commencé, à savoir me casser les couilles. Elle se jette dans mes bras et je la rattrape au vol. — Hey terreur, comment c'était l'école? — J'ai fait un dessin pour toi. Tya n'a que quatre ans, et c'est le rayon de soleil de cette maison. Cette petite me redonne le sourire à chaque fois que je passe du temps avec elle. — Alors tu vas me le montrer! Elle reste dans mes bras pendant que je rejoins sa chambre, me permettant d'échapper à une énième leçon de morale de mon oncle. CHAPITRE 5 Cassydie Ce matin je n'ai pas plus faim que la veille, et c'est pourquoi je ne suis pas descendue prendre le petit déjeuner en famille comme à chaque fois. Ma mère a insisté, avant de laisser tomber au bout de sa quatrième demande. Elle avait certainement prévu de me rabâcher encore son petit discours sur l'importance de tout ça, et combien mon sacrifice est important pour la famille. Bon, elle n'aurait pas employé le mot sacrifice, mais moi c'est comme ça que je le ressens. C'est même le mot exact.
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