bc

À leur corps défendant

book_age0+
detail_authorizedAUTHORIZED
0
FOLLOW
1K
READ
like
intro-logo
Blurb

Les commissaires Perrot et Lefèvre se lancent sur la piste d'un mystérieux serial killer...

Le corps mutilé de Sabrina Boucheul est découvert dans un chemin forestier nantais au petit matin.

Fait troublant, le même mode opératoire a présidé au meurtre d'une autre jeune femme quelques mois plus tôt dans le Morbihan.

Les commissariats de Nantes et Vannes sont conjointement saisis, aussi Perrot et Lefèvre posent-ils leurs valises à Vannes pour prêter main-forte au capitaine Jeanne Sixte.

Mais lorsqu'une troisième jeune femme au profil similaire disparaît à son tour dans les mêmes conditions, nos enquêteurs s'orientent sur la piste d'un meurtrier en série.

Avec beaucoup de finesse, Anne-Solen Kerbart dresse à travers ce thriller une analyse sociologique très juste.

EXTRAIT

Une masse sombre se découpe sur le sol à moins de trois mètres devant eux, en partie dissimulée par des feuilles mortes. Perrot brandit la torche en direction du corps allongé sur le dos mais légèrement appuyé sur le flanc gauche. Puis, lentement, il fait décrire à sa torche un mouvement circulaire large sur le sol autour de la dépouille.

Ensuite, il oriente la lumière à hauteur d’homme et tourne sur lui-même, toujours aussi lentement. Satisfait, il redescend le faisceau vers la dépouille et s’en approche d’une grande enjambée, toujours pour réduire au maximum la contamination de la scène. Au vu de la taille et de la corpulence générale, Perrot a l’impression qu’il s’agit d’une femme, mais on ne peut d’emblée exclure la possibilité d’un homme de petit gabarit. Autour du visage rendu invisible par les végétaux qui le recouvrent partiellement, une chevelure longue s’emmêle. Noyée dans les senteurs du sous-bois en automne, Perrot croit déceler une odeur vaguement fétide émanant de la masse gisant sur le sol terreux. Mais il ne jurerait pas que cet effluve qui lui effleure n’est pas le fruit d’un inconscient habitué à anticiper certaines sensations olfactives pas toujours plaisantes.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Anne-Solen Kerbrat est née en 1970 à Brest, et a d’abord vécu entre Côtes d’Armor et Finistère sud.

Professeur d’anglais dans le secondaire puis le supérieur, elle est passée par le Val-d’Oise, la Charente-Maritime et le Bordelais avant de poser ses valises à Nantes.

Elle se consacre aujourd’hui à l’éducation de ses quatre enfants, à la traduction et...à l’écriture.

Son style féminin, à la fois sensible et incisif, et la qualité de ses intrigues sont régulièrement salués par la critique.

Son premier roman a été récompensé par le Prix du Goéland Masqué en 2006.

chap-preview
Free preview
À leur corps défendant-1
Un mois plus tôt « Ça y est, j’y suis. » « Parfait, moi aussi. » Elle resserre les pans de son manteau, souffle à l’intérieur de son écharpe pour créer une atmosphère chaude autour de son visage que crispe le froid. Elle frappe doucement du talon pour activer la circulation dans ses pieds chaussés de bottines trop légères. Elle aurait dû enfiler une paire de chaussettes par-dessus son mi-bas trop fin. Elle s’est dit la même chose hier matin, mais voilà, le poids des habitudes… Ce rituel mille fois recommencé : les chaussettes en nylon, le jeans ajusté, les bottines ou les baskets et ce regret, une fois arrivée dehors, lorsqu’il est déjà trop tard pour remonter se changer. Elle souffle de plus belle dans son cache-col, sent son nez picoter, ses yeux s’embuer comme lorsque l’éternuement va vous saisir, intempestif et v*****t. Il fait encore nuit, mais on devine déjà l’amorce d’un petit jour humide et brumeux. Dans un grincement de tôle usée, le tramway s’avance, masse sombre aux contours indéfinissables, presque invisible sur le quai de l’Erdre. En contrebas, les péniches amarrées se pelotonnent contre l’assaut de la bruine. Certaines, habitées, laissent échapper de la fumée à travers les conduits en inox qui se dressent sur leur toit de métal. Deux ou trois mouettes trop matinales viennent de s’élancer de la rambarde du pont et on devine leur vol plané au-dessus des eaux noires. Le tramway d’un autre âge s’immobilise dans un crissement de freins un peu lugubre. Ils ne sont que trois à monter à bord, ils sont peut-être les seuls usagers du convoi tout entier à cette heure précoce. Elle grimpe lestement, pressée de se retrouver dans la chaleur bienfaisante, et valide sa carte de transports. Comme tous les jours, elle veille à choisir une place dans le coin du wagon, là où on ne viendra pas la déranger. Elle se réserve la possibilité de poursuivre sa trop courte nuit sur la banquette au skaï fatigué, loin des commentaires ou questions indiscrètes de passagers qui ont suffisamment dormi ou qui, au contraire, comptent sur une conversation paresseuse avec un voisin pour tromper la tentation du sommeil. Les lampadaires jettent une lumière blafarde sur le quai, nimbant le paysage d’une auréole pâle et triste. Un chien galeux fait un saut de côté pour éviter le monstre noir qui déboule sur les rails visqueux, visibles de lui seul. Un peu à contrecœur, elle sort son portable de la poche de son manteau et se force à taper le SMS. « Je suis dedans. » « Nickel, moi aussi. » Puis elle verrouille son mobile, le glisse dans sa poche et repose paresseusement la tête sur le dossier. Sa tête dodeline mollement, au rythme des oscillations du train qui avance dans la nuit. Les cahots irréguliers la bercent doucement, elle sent la torpeur l’envahir, ramollir ses muscles, amoindrir ses réflexes. Pour un peu, elle céderait au sommeil, mais quelque instinct de prudence venu du fond de son être lui intime de résister. Elle se force à entrouvrir les yeux et respire profondément. Ce n’est pas le moment de s’endormir, là, sur cette banquette fatiguée d’avoir accueilli trop de passagers éreintés. Elle ne doit pas rater son arrêt, sans quoi elle arrivera en retard. Ça lui est arrivé à une reprise, c’était une des premières fois qu’elle attrapait le tram de cinq heures quinze. Elle s’était réveillée, hagarde et confuse, au terminus du tramway, surprise de voir monter ces têtes inconnues qui ne la voyaient même pas. Elle s’était levée péniblement de sa banquette avec l’impression désagréable de s’être fait avoir ou d’avoir fait preuve d’une quelconque faiblesse. Elle avait vite changé de voie et repris le train dans l’autre sens. Elle était arrivée en retard au travail et sa chef de service n’avait pas manqué de lui en faire la remarque. Elle s’était empressée de passer au vestiaire afin de quitter sa veste et ses chaussures et d’enfiler sa blouse et ses chaussons de caoutchouc blanc. Elle était repassée devant la vitre du bureau des surveillantes en baissant la tête et était allée consulter le tableau de la nuit. C’était de l’histoire ancienne, mais il était hors de question que cela se reproduise. Elle ouvre plus franchement les yeux et essaie de scruter les ténèbres. Il n’y a pas un chat dehors, les chanceux sont encore couchés, les autres émergent lentement des limbes du sommeil en tirant la couette sur leur museau fatigué et en détournant les yeux du cadran lumineux du réveil qui déroule implacablement ses minutes sur la table de chevet. Il a reçu le SMS, il est rassuré. Il regarde au-dehors à travers la vitre qui aurait besoin d’être lavée à grande eau savonneuse pour faire disparaître les strates graisseuses qui la ternissent. Au loin, des immeubles aux contours flous dressent leur armature vers le ciel. Sur leurs façades se découpent de petits carrés dont une poignée sont déjà éclairés. Réveil matinal ? Insomnie ? Nuit de fête prolongée ? Cauchemar ou biberon de cinq heures ? Qui peut savoir ce qui se joue à l’abri de ces petits espaces de lumière, autonomes et pourtant imbriqués dans l’anonymat de la structure de fer et de béton ? Il consulte les dernières informations sur son téléphone, même s’il préfère nettement tourner les pages un peu bruyantes d’un journal papier. Mais à l’heure où il attrape son train, le kiosque à journaux est encore fermé, tout comme le bureau de tabac du coin de la rue. Inconditionnellement, il s’assoit dans un recoin du wagon, ainsi il se prémunit contre l’installation d’un passager à ses côtés. Le risque d’être dérangé par un bavard ou un humain en manque de contact est cependant minime à cette petite heure du matin où la rame est quasiment vide. Pourtant, il sait comme son congénère peut parfois se montrer surprenant, animal social ayant besoin de renifler son semblable pour se sentir vivant. De toute manière, quand un tel individu choisit de se glisser près de lui alors qu’il y a des places vacantes partout, il feint de ne pas sentir le frôlement du corps inconnu. Tout au long du trajet, il garde les yeux obstinément tournés dans la direction opposée ou fixés sur l’écran de son mobile. Dieu qu’il déteste la question stupide de celui qui veut créer un semblant de lien : « Vous pouvez me dire l’heure s’il vous plaît ? » « Cinq heures moins le quart ». « Ouf, merci, je me croyais en retard ! » Ne surtout pas enchaîner, sans quoi, on est fichu. Il jette un œil à l’application météo et fait la grimace en constatant que la journée s’annonce maussade. Il espère que le soleil sera de retour ce week-end, ainsi il pourra aller courir sur la côte ou dans les bois environnants. * — Alors, Sabrina ? Terminé pour aujourd’hui ? — Ouf, oui ! répond la jeune femme à sa collègue souriante qui termine la préparation d’un chariot. C’est pas trop tôt, je me sens tellement ramollo ces temps-ci… — Ce n’est guère étonnant. Et ça ne va pas aller en s’arrangeant… Sabrina interrompt son rhabillage et cherche le regard de sa collègue. — Pourquoi tu dis ça, Marie-Noëlle ? — Pour rien, répond la plus âgée d’un ton énigmatique sans quitter des yeux les instruments qu’elle est occupée à désinfecter. — Très bien, réplique Sabrina en haussant les épaules et en attrapant son sac à main dans son casier. À d’main. — À demain, Sabrina. L’aide-soignante fait rouler ses épaules d’avant en arrière tandis qu’elle enfile le couloir où se mêlent des odeurs variées : antiseptique, parfum bon marché, ragoût du déjeuner, peinture fraîche. Elle hâte le pas, soudain pressée de se retrouver à l’air libre. Le soleil n’est pas parvenu à percer l’épaisseur des nuages et l’atmosphère est toujours aussi humide. Son nez se met à la picoter et elle bloque un éternuement en se pinçant les narines. Elle fait deux tours à sa large écharpe qui, même une fois nouée, pend encore jusqu’en haut de ses cuisses. Elle ouvre son sac à main en faux cuir souple et attrape un paquet de chewing-gums à la menthe sans sucre. Elle ôte l’emballage, plie le rectangle en accordéon et le glisse dans sa bouche. Devant le CHU, la route se prolonge en pente douce herbue vers les immeubles anciens qui se sont installés sur le lit aujourd’hui asséché de la Loire. À la belle saison, les jeunes investissent les pelouses avec l’impression d’être à la plage. Mais en ce mois de novembre, elles se comptent sur les doigts d’une main les frileuses silhouettes serrées les unes contre les autres, agrippées à leur cigarette. Elle prend à gauche en direction de son arrêt Place du Commerce. Les tramways de la ligne deux se croisent, pas encore bondés en ce début d’après-midi. Les piétons se bousculent, étudiants oisifs, lycéens désœuvrés, femmes noires aux hanches larges et boubous colorés, hommes d’affaires avec leur mallette au bout du bras, chômeurs au regard triste. Elle n’a soudain plus envie de grimper tout de suite dans le tram pour se précipiter chez elle. Elle décide de marcher jusqu’au prochain arrêt, l’exercice physique lui fera du bien. Elle ne fait presque plus jamais de sport et s’en veut de cet état de fait et de ses justifications oiseuses pour expliquer son manque d’envie. Elle se débrouillait plutôt bien en athlétisme au collège et au lycée, mais depuis qu’elle a passé son bac professionnel, elle a cessé toute activité sportive. À l’exception de la marche, toutefois. « Bien obligée », songe-t-elle en grimaçant intérieurement, « puisque je n’ai toujours pas trouvé le temps de passer mon permis. Ni l’argent pour acheter une voiture », ajoute une petite voix vicieuse. Elle s’arrête au croisement du cours des Cinquante Otages et de la rue du Calvaire afin de laisser passer les bus qui descendent l’un derrière l’autre. Le tram qui remonte la rue de la Boucherie en direction de la Tour de Bretagne fait penser à un funiculaire paré à grimper une colline. Elle traverse le carrefour et admire les jolis meubles contemporains dans la vitrine de chez Habitat. Elle se dit qu’un jour, elle s’arrêtera dans cette enseigne. Lorsqu’elle sera reçue au concours d’infirmière, se promet-elle en accélérant le pas comme s’il n’y avait soudain plus une minute à perdre. Elle arrive à l’arrêt au moment où s’immobilise le tram. Elle grimpe dedans, choisit une place près de la fenêtre et se met à consulter ses mails sur son téléphone portable. Deux ou trois messages sans importance apparaissent sur l’écran. Mais un dernier la rassure : son inscription au concours d’infirmière ainsi que celle aux cours du soir sont validées. Elle verrouille son téléphone, le fourre dans la poche de son manteau et enlève son écharpe. Il fait presque trop chaud dans le wagon et les vitres sont noyées d’une buée qui empêche de voir au-dehors. Une femme avec son bébé qui gémit est assise sur un siège de l’autre côté de la travée. Le nourrisson a les joues rouges de fièvre et la femme aux traits tirés le berce doucement pour éviter qu’il se mette à pleurer. Sabrina remarque que le petit fiévreux est trop couvert pour que sa température baisse. Elle se retient de dire à la mère qu’elle devrait ôter la doudoune du petit lorsqu’elle passe du froid du dehors à la touffeur des transports en commun. Mais la femme ne comprendrait pas ce conseil prononcé par une inconnue et l’enverrait certainement promener. Alors la jeune aide-soignante retient sa phrase et se concentre sur le magazine qu’elle vient d’acheter. Elle l’ouvre comme d’habitude en commençant par la fin et se plonge dans l’horoscope de la semaine : « Amour : montrez-vous réceptive, la rencontre peut se faire n’importe où, n’importe quand, surtout lorsqu’on s’y attend le moins ! Cela peut arriver sur le chemin du travail ou dans l’épicerie de votre quartier, alors baissez la garde ! » Instinctivement, elle redresse le buste et jette un œil circulaire : l’homme de sa vie est-il en ce moment même dans le wagon ? Elle se mord la lèvre et secoue imperceptiblement la tête. Quelle midinette elle fait, tout de même ! Elle replonge le nez dans le magazine aux feuilles trop fines. « Travail : croyez-en vous, l’horizon s’éclaircit ! Si vous êtes en recherche d’emploi, vous allez avoir sous peu une opportunité. Si vous êtes en reprise d’études, la période est favorable avec Vénus en Mercure. » « S’ils pouvaient dire vrai », soupire-t-elle en croisant les doigts, sans interrompre sa lecture. « Santé : attention, petits pépins en vue ! Rien de méchant, rassurez-vous, mais un refroidissement est toujours possible. » Elle regarde le bébé cramoisi à sa gauche et porte mécaniquement la main à son nez comme pour prévenir une éventuelle contamination. « Un pépin d’un autre genre peut vous arriver, mais celui-là vous remplira de joie ! » Elle laisse retomber le magazine et passe le revers de sa main sur son front qui vient de se couvrir d’une sueur froide. Elle regarde autour d’elle, scrute les visages au repos, aux yeux perdus dans le vague, et les faces animés de ceux qui échangent avec leurs voisins. Elle repense à la remarque pleine de sous-entendus de sa collègue Marie-Noëlle tout à l’heure. Était-ce une parole en l’air, comme ces mots que l’on prononce pour meubler le silence ? Doit-elle prêter garde aux propos de cette femme qui se repaît de romans à l’eau de rose mais dont la vie sentimentale se réduit au bonjour-bonsoir échangé avec le boulanger sexagénaire du coin de la rue ? Décidément, ça n’en vaut pas la peine, se dit Sabrina en reprenant son magazine au début, afin de découvrir les potins sur ceux qu’on appelle des stars pour l’unique raison qu’ils ont soi-disant lutté pour leur survie, en bikini ou micro-maillot de bain sur quelque île déserte truffée de caméras. Pendant quelques minutes, elle vit par procuration la vie rêvée d’une starlette de la téléréalité confrontée au terrible dilemme de savoir si en changeant de bonnet de soutien-gorge, elle retiendra l’attention du culturiste décérébré qui doit choisir entre quatre prétendantes peroxydées. « Si seulement la vie pouvait être aussi simple que pour ces gens-là… » soupire la jeune femme en refermant lentement son magazine. Elle, a tellement de choses à gérer, entre son emploi qu’elle aime mais qui réclame tant d’énergie et son ambition qui la pousse à aller plus loin. « Allons, se reprend-elle, il n’y a aucune raison de se laisser aller. Je suis dans la force de l’âge et j’ai la vie devant moi. » Elle tourne la tête sur la gauche, attirée par les gémissements sourds du bébé malade que sa mère continue de bercer doucement.

editor-pick
Dreame-Editor's pick

bc

Mon retour à San Diego

read
1K
bc

Mon mec ce mafieux... Nouvelle génération ( tome 5 et 6 )

read
6.1K
bc

Saga du Loup Mort

read
1K
bc

Douce sois la vengeance

read
4.6K
bc

Dans L'antre du Mafieux : La Saga des frères Pelizzari :( Le Mystérieux Lorenzo Pellizarri) Tome 1

read
15.3K
bc

enfermé

read
5.6K
bc

Parce que tu es ma dame

read
2.3K

Scan code to download app

download_iosApp Store
google icon
Google Play
Facebook