Prologue

525 Words
Prologue Le vent soufflait sur la lande comme il n’avait jamais soufflé jusqu’à ce jour. De gros nuages noirs courraient dans le ciel et les vagues venaient déverser leur flot d’écume en s’écrasant sur les hautes falaises du comté de Mayo situé dans le nord-ouest de l’Irlande. Perchée sur cette immense muraille naturelle, Eleanor ne se fatiguait pas de ce spectacle. C’était ainsi qu’elle aimait cette nature sauvage, que rien ne pouvait dompter pas même la main de l’homme. Et bravant ainsi les éléments, elle était, avec sa fine robe de toile sombre usée par le temps qui se gonflait telle une voile, un marin observant l’horizon en haut de son mât de misaine. À ces instants seulement, elle était maîtresse de son navire et de ce fait maîtresse de sa vie, de sa destinée. Son berceau, un jour déposé sur la plage par les bras savants d’une lame qui avait su préserver le tout petit bébé qu’elle était d’une mort certaine. Seule survivante d’un terrible naufrage, elle avait ainsi été trouvée au matin, par des pêcheurs aventureux, lorsque les cieux s’étaient soudain éclaircis et que les vents s’étaient dirigés vers d’autres contrées à dévaster. Et le temps s’étirait à tire d’ailes depuis sa venue sur cette contrée oubliée et ballottée par cette mer du nord. Elle était l’orpheline, l’enfant trouvée, celle pour qui il n’y a aucune place et aucun avenir. Celle qui devait trimer du matin au soir sans l’espoir de voir un sourire ou une parole gentille prononcée. Et de s’endormir, trop fatiguée par le dur labeur du jour, pour rêver ou imaginer un instant ce que pourrait être le bonheur. Et pour survivre à tout ce néant qu’était sa vie, elle n’avait eu le choix que de s’inventer une vie pour trouver la force d’affronter chaque jour sa charge de travail. Elle était alors Eleanor, reine de ce royaume, reine de la mer, des océans et de tous ces êtres qui y vivaient. Dans ces rares et courts instants de liberté, elle était une autre. Une autre qui ne connaissait pas la faim, qui ne connaissait pas la peur, ni la souffrance. Elle était un être à part qui était respecté de tous. Et ce petit bout de femme du haut de ses dix-huit ans se sentait parfaitement à l’aise quand la tempête faisait rage. Et son cœur de battre à tout rompre en espérant que dame nature l’emporterait vers un ailleurs, si ailleurs il y avait, car de cela Eleanor n’en était nullement certaine. Et dans ses rêves les plus fous, une douleur nouvelle était venue tenailler le corps de cette jeune femme. Pour la première fois de sa vie, elle mourrait de faim. Oh, ce n’était pas qu’elle avait toujours mangé à sa faim, mais cette faim-là était bien différente de toutes celles qu’elle avait connues jusqu’alors. Une maladie, appelée Mildiou, avait détruit tous les plants de pommes de terre de l’Irlande et tout un peuple se mourrait. Un nouvel horizon s’offrait à elle : quitter l’Irlande pour l’Amérique. Elle avait quelque argent, un peu d’instruction et une folle envie de vivre. Et lorsqu’à cet instant alors qu’elle regardait la mer, elle imaginait déjà sa vie future, une vie, où personne n’interférait dans ses décisions. Elle deviendrait ainsi le Capitaine de son vaisseau. Et tandis qu’elle se projetait dans un avenir qui lui semblait plus prometteur, les souvenirs de sa prime enfance remontaient à la surface.
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