Duel d'Obstination

Marlon - J’ai l’impression d’être pris en otage. - Alors crois-moi, tu ne sais pas ce que c’est, réplique Adena en nouant un nœud papillon autour de mon cou. - C’est trop serré. Je ne suis pas du tout à l’aise là-dedans… - Prends sur toi ! Ce n’est que le temps de la cérémonie ! Tu ne crois pas que je préférerais porter un bon jogging bien confortable ?! - Tu pourrais. J’m’en branle perso… Mon amie me jette un regard noir qui en dit long. Elle est rayonnante dans sa robe rose avec son gros ventre. - Tiens-toi tranquille deux minutes que je puisse finir. - Pourquoi tu as mis du rose ? Ça ne te ressemble pas. - C’est ce qu’Isis voulait. - J’arrive pas à croire qu’on fasse ça…, soupiré-je en tirant sur mon col. - Tu voulais une femme de caractère, oui ou non ?! De quoi tu te plains encore ?! - De m’être laissé convaincre par vous tous. - Personne ne t’a obligé à l’aimer comme un fou ! Et tu peux encore dire non devant James si ça te chante. - Mais ça va pas ?! Je ne lui ferai jamais un truc pareil ! Elle mérite d’avoir tout ce qu’elle veut ! - Donc arrête de faire le malheureux ! Tu as de la chance. - Je sais… mais si elle changeait d’avis ? - Un seul mot. Divorce ! Et vous avez le contrat de mariage comme tu lui as imposé. Arrête un peu de te plaindre, Marlon. - Il était hors de question que je puisse prétendre à quoi que ce soit, justifié-je, c’était mieux que de la voir partir. - Tu ne vas pas à l’échafaud ! Tu vas épouser la femme que tu aimes ! - Dis pas ça p****n, j’arrive pas à m’y faire. Comment elle a pu m’embobiner à ce point ? - Euh… attends, comment tu disais déjà ? Ah oui ! Avec son vide, son immaturité et… - Ferme-la. Elle m’offre son sourire le plus aguicheur sous sa couche de maquillage parfait. J’ai une boule dans la gorge, je suis en nage et stressé comme pas possible. - Ça va bien se passer, m’assure-t-elle en caressant mon bras. On a tout préparé. Ensuite, on picole pour célébrer ça, tu nous fais une bonne nuit de noces… et reprise du boulot ! Enfin… Lune de miel plutôt. - Tu sais que je te hais de me faire un truc pareil ? Elle soupire, mais son regard se veut plus compatissant, comme si elle était douée de cette qualité-là, cette folle furieuse. - Je sais, j’en ai encore pour quatre mois. Jusqu’ici les choses se sont plutôt bien passées, non ? - Elle m’a fait vivre un enfer émotionnel ! - Tu l’as mérité ! - Non ! Je voulais juste la protéger de vous, b***e de psychopathes ! - Mais on gagne toujours Marlon… On gagne toujours, se vante-t-elle avec trop d’assurance. - Ne parle pas trop vite Adena, parce que ça pourrait très mal finir, tu en as parfaitement conscience. - Mon plus gros souci en ce moment, c’est mon poids. Le reste… Isis gère très bien. - Trop bien ! Va t’asseoir deux minutes, sinon ton mec va me flinguer. - Je vais bien ! J’ai pas vomi depuis deux heures ! C’est un grand progrès ! Elle s’assied face à moi tandis que j’observe mon allure dans le miroir sur pieds. Je suis serré dans un smoking gris clair, ma chemise blanche et mon nœud papillon me donnent un air que je n’ai pas. Mes cheveux ont été coupés, ma barbe taillée, je n’ai jamais été aussi bien apprêté. Et je vais me marier. Je ne peux pas le croire. Si j’avais su huit mois plus tôt, en tirant cette petite créature blonde et frêle de son enfer, que je l’épouserais ensuite, je me serais sans doute tapé la plus grosse crise de rire de ma vie. Pourtant m’y voilà. Je ne peux plus reculer. J’ai d’abord catégoriquement refusé lorsqu’elle m’en a fait la demande à Noël… et trois mois plus tard, après un tumulte infernal de menaces qu’elle a bien failli mettre à exécution, j’ai dû me résigner à lui obéir, pour ne pas la perdre. Isis a bien changé. Et si j’ai une chose à dire sur elle, c’est que je me suis planté en beauté. Je l’imaginais fragile, vulnérable et influençable. Elle est tout cela d’une certaine manière, mais elle est surtout déterminée. C’est une survivante, une guerrière, la femme la plus extraordinaire qu’il m’ait été donné de rencontrer. Je voulais lui laisser la possibilité d’être libre, de faire ses choix. Mais après d’interminables disputes, elle m’a clairement signifié que j’étais son choix et que si je ne l’épousais pas… elle s’en irait. Ce qu’elle a bien failli faire d’ailleurs. Je ne pouvais pas me résoudre à la perdre. Pas avec ce qu’elle commençait à faire pour Adena, encore moins avec tout ce que je ressens dès qu’elle pose les yeux sur moi. Cette satanée soirée de Noël a été un vrai bordel. Mon amie a failli se faire kidnapper par un de ses anciens sous-fifres, mécontent qu’elle ait exécuté son frère qui la volait. Elle a risqué de perdre son enfant dans la foulée. Heureusement que Léa était là pour prendre soin d’elle et heureusement que moi j’ai été capable de dézinguer ce taré… malgré mon manque de réussite au stand de tir les semaines précédentes à cause de ce foutu accident provoqué par Aaron lorsque nous étions en mission en Colombie. Tout cela n’a nullement suffit à décourager Isis dans ses projets, or je suis amoureux. Je l’aime avec la force d’un ouragan… Donc j’ai fini par tout céder. Si je n’ai pas le pouvoir de la faire changer d’avis, j’ai au moins celui de la protéger. Aucune de mes discussions avec les patrons, aucune des disputes que nous avons eues tous les deux n’ont été fructueuses. La seule chose qu’elle m’a accordée, c’est le contrat de mariage pour séparer nos biens, parce qu’elle est environ… sept cents millions de fois plus riche que moi. Son avocat a sauté de joie lorsque je lui ai signé ces papiers, mais j’en n’ai rien à faire de son argent. C’est son cœur et surtout chaque souffle de sa vie que je chéris. - Elle est dans quel état ? - Devon gère. Ils s’entendent comme larrons en foire ces deux-là. - Comme si quiconque l’ignorait… Ils m’énervent à fomenter leurs petits plans, grincé-je. - Parce qu’on n’a pas fait la même chose tous les deux, peut-être ? - Ça ne te rend pas jalouse ? - Pourquoi ?! Je suis l’objet de tous ses désirs… et je lui offre tout ce qu’il souhaite ! Je suis le rayon de soleil de sa vie ! - Et Serena dans ce cas ? - La lune de ses nuits ? plaisante-t-elle en gloussant. Si Serena est venue au ranch, c’est parce que je l’ai bien voulu, si elle a eu Emma, c’est aussi parce que je le voulais bien… C’est sûrement pour ça qu’il accepte ma relation avec Gabriel. Tu connais la musique Marlon. - Et avec Ethan ? Comment ça va en ce moment ? - Isis passe du temps avec lui et lui fait avaler la pilule. Mais il n’y est pas encore sur le dépassement de la colère. Je lui ai fait une promesse que j’ai rompue. Il a le droit de m’en vouloir. Depuis qu’il sait que le bébé est un garçon… c’est presque pire. Comme si c’était possible ! Je l’aime et ça me rend triste qu’il m’en veuille à ce point. - Ça s’arrangera tu verras. Il faudra que tu lui consacres du temps quand tu auras eu le bébé. - Il faudra que je reprenne le travail quand j’aurai eu le bébé. - Mais tu seras mère de famille avec deux enfants, Adena. Il ne faudra pas les négliger. - Tu commences à m’énerver et si tu ne veux pas finir devant l’autel avec une grosse marque de mes cinq doigts sur ta joue, je te suggère d’arrêter de me faire chier ! - En tout cas, être enceinte ne te rend pas aimable ! - Justement ! Je suis enceinte ! J’ai tous les droits ! C’est le très bon côté de cette situation ! - Ok patronne ! cinglé-je amèrement en me détournant vers le miroir. Je soupire encore. Je crois que je n’ai jamais été si peu sûr de moi. Mais depuis que j’ai rencontré Isis, je suis souvent comme ça. Elle me fait perdre mes moyens et me désarme complètement alors que tirer est mon seul talent. - Est-ce que tu en feras un avec Isis ? C’est la suite logique. - Hein ?! Je croise son reflet et je constate que j’étais perdu dans mes réflexions tandis qu’elle m’analysait. - Un bébé ? - J’y pense depuis qu’elle m’a demandé en mariage, figure-toi… Je commence à m'imaginer qu’elle va me le commander aussi. - Est-ce que le bon petit soldat obéira ? sourit-elle, l’air trop amusé à mon goût. - Eh bien, j'ai révisé ma copie et je suis là aujourd’hui, donc oui… forcément. Mais p****n, par pitié… Pas maintenant. Vous allez me tuer. - Je doute que ce soit dans ses projets immédiats. Elle a mille autres choses en tête. - Je sais, je me rassure avec ça. Mais, j’en ai fait des cauchemars. Je la vois bien m’annoncer du jour au lendemain qu’elle est enceinte, avec son p****n de sourire candide… et là… non ! C'est trop tôt pour moi ! Je trépigne, je me sens affreusement mal, donc je finis par m’affaler sur le fauteuil près d’elle. Elle me tend un verre de scotch que je vide cul sec sans hésitation. - Détends-toi. Elle veut se marier pour ton nom. Bon, accessoirement parce qu’elle t’aime un peu… - Un peu ?! Mais t’es vraiment une connasse ! Elle éclate de rire en se levant. - Puisque tu es prêt, je vais aller voir où ça en est de son côté. - Dis-lui qu’elle peut encore changer d’avis hein ! - Même pas en rêve ! - Je suis trop mal à l’aise là-dedans ! Ça ne me ressemble pas. Tout le monde va me regarder. - Arrête de geindre comme un bébé, lance-t-elle en quittant la chambre, personne n’en a rien à faire de toi ! Ils seront tous occupés à reluquer la mariée !