Chapitre 2

2320 Words
Devon Bordel… Ça s’est mal passé… Je m’y attendais en un sens. Ma panthère de femme n’est pas du genre à se laisser faire et avec le milliard d’émotions qu’elle a eues ces derniers mois, inutile de dire que j’attendais ce cataclysme après l’annonce que j’avais à lui faire. Je suis moi-même plus qu’anxieux au sujet de ce qui nous attend à notre retour à Rocky Plain, le petit devrait arriver dans quelques jours, et je dois sécuriser complètement les lieux. Je me tourne vers mes hommes, ils ont évidemment tout entendu de ce qu’il s’est passé derrière la porte. Adena n’est pas du genre discret quand elle gueule, quelle que soit la situation d’ailleurs. C’est une femme indomptable, pleine de caractère, et moi qui me suis toujours nourri de petites innocentes, faibles et malléables, je compose chaque jour avec la personnalité versatile et totalement imprévisible de cette créature divine. - Tu t’attendais à quoi ? Bougonne Preston mon second en me lançant un regard acéré et moqueur. J’ai instantanément envie de lui en mettre une, mais je sais que ce serait une très mauvaise idée compte tenu du respect mutuel que nous avons l’un pour l’autre. Il travaille avec moi depuis le début, c’est le premier à m’avoir suivi dans mes conneries, c’est un vrai meurtrier sans pitié, sauf quand il s’agit de ma femme. Elle l’a gentiment envoûté, comme l’ensemble de mes hommes d’ailleurs. Ils avaient d’abord voulu se débarrasser d’elle quand ils avaient réalisé les problèmes qu’elle risquait de nous causer et avaient été plus que surpris lorsque je m’étais arrangé pour l’épouser plutôt que de m’en séparer. Et puis, petit à petit, en la découvrant, ils sont tous tombés sous le charme de la guerrière meurtrière qu’elle est. Insatiable de vengeance et cruelle à outrance avec ses ennemis. Oui, ma femme est incroyablement dangereuse, et ça excite mes sens, les décuplent même à l’extrême. C’est une charmeuse de serpents, et nous sommes les marionnettes qu’elle fait danser. Elle nous a emmenés dans ses vengeances, dans ses guérillas et j’ai eu le plus grand mal à garder la main sur notre partie d’échecs. Mais j’ai aussi appris à très bien la connaître au cours des derniers mois, comprendre les mécanismes des rouages compliqués avec lesquels elle fonctionne. J’arrive à la conditionner, à l’adapter, à la contraindre. Nous avons trouvé une forme d’équilibre houleux et les tourments de notre relation nous transportent. Elle est à moi, elle m’appartient, j’ai mis du temps pour la conquérir complètement, parfois même contre sa volonté, mais c’est comme ça. Et je suis tout autant à elle… Parce qu’elle s’est emparée de mon cœur, que je croyais insensible à ce sentiment absurde qu’est l’amour. Mais j’aime Adena passionnément, je l’ai réalisé à la minute où on me l’a ravie. Sa perte a été pour moi le plus cruel des châtiments, puis j’ai fini par la retrouver, en vie, et dans un état dépassant toute imagination possible en matière de torture. Je l’ai remise sur pied, je l’ai ramenée à la lumière. Je l’ai reprise pour moi et avec le temps, elle m’est complètement revenue. Je ne la laisserai jamais s’en aller. J’arrive à peine à la laisser s’éloigner. Mais là, elle m’a carrément dégagé de la chambre, et j’ai été abasourdi qu’elle ouvre la porte alors même qu’elle était encore nue sous le drap. Les hommes auraient pu la voir, et elle qui est habituellement si pudique n’en a rien eu à foutre, complètement déchaînée par la colère qu’elle déployait contre moi. - C’est dommage, raille Tim un autre de mes hommes, c’était pourtant bien parti. On s’est demandé si vous n’alliez pas provoquer des turbulences. - Ferme ta gueule et servez-moi un verre… Je m’affale mollement dans l’un des fauteuils, tandis que Scott me tend un scotch. - Il va falloir qu’on organise sérieusement les choses sur place, je ne veux pas qu’il y ait de problème avec le gamin. - Ouais, t’inquiète, on va s’y mettre. Je regrette d’avoir parlé à Adena si tôt dans le voyage, j’aurais peut-être dû attendre qu’on soit au Texas. Maintenant, elle est enfermée dans la chambre et il reste de longues heures avant qu’on atterrisse. - Est-ce qu’elle t’a parlé de moi ? Questionne James inquiet. - Non, je pense que tu es redescendu dans sa liste de meurtres, moi en revanche, je suis remonté tout en haut. - Elle se calmera, affirme Scott bien trop tranquillement. - Je ne suis pas de ton avis. Je pense qu’elle va m’en faire baver… - Elle peut être très inventive en effet, répond Bill. - J’aurais dû faire ce qu’elle dit ?! Coller le petit à l’orphelinat ? - Tu aurais dû lui en parler plus tôt, c’est certain, intervient alors Preston d’un ton ferme. - Ça aurait changé quoi ?! Elle m’aurait seulement fait la guerre plus tôt. - Tu joues un peu trop avec ses capacités émotionnelles, voilà ce que j’en dis. Tu l’as laissée dans le vent pendant des semaines au point qu’elle est allée se défoncer avec ses amis sur le yacht, tu lui envoies des papiers de divorce, tu la laisses croire qu’elle est seule, ensuite tu la récupères, et tu lui fourres directement un môme dans les pattes, ajoute tranquillement Frank son garde du corps. - Je n’ai fait qu’appliquer son plan de merde et en faire quelque chose de convaincant ! Justifié-je alors en m’enrageant. - Je sais, mais elle a morflé comme jamais. Et en plus, elle t’avait dit qu’elle ne voulait pas de gamin, elle va prendre ça comme une provocation. - Et elle ne me provoque pas elle avec toutes ses fuites, ses vengeances, ses putains de déclarations de guerre ?! - Elle ne t’a pas pris en otage. - Bien sûr que si ! Au Mexique ! Ils éclatent tous de rire. - Tu étais le plus heureux des captifs ne nous prends pas pour des cons, me taquine Tim. - Qu’est-ce que j’aurais pu faire d’autre ?! - Peut-être que l’adoption, c’était un peu trop, tu aurais pu te contenter de prendre la garde et la laisser tomber amoureuse du petit exactement comme elle a fait avec toi. Elle est versatile, et elle adore avoir l’illusion de l’indépendance et du contrôle, tu l’as privée de choix. Frank a raison, j’ai sûrement été trop loin, trop vite. Je bois plusieurs gorgées du liquide ambré qui s’écoule dans ma gorge et la réchauffe. p****n, j’ai les boules. Je m’acharne à la ramener vers moi, puis dès qu’elle m’aime et que tout va bien, ça repart en couilles. Bordel, j’en ai marre… Et cette fois, sa colère est vraiment justifiée, j’ignore juste combien de temps elle durera. J’ignore si je parviendrai à lui faire accepter ça. J’ai l’impression d’étouffer quand on atterrit enfin à El Paso. Il fait doux dehors, le jour se lève. Mes appareils captent les GPS et se remettent tous à l’heure automatiquement. J’adore la technologie. Adena ne daigne quitter la chambre que lorsque Tim va la prévenir, et elle monte dans une autre voiture avec eux en m’ignorant comme si je n’étais rien de plus qu’un insecte insignifiant sur son chemin. Je laisse faire, je suis crevé de tout ce que j’ai dû gérer ces dernières semaines. p****n, j’ai besoin d’un vrai moment de calme, et je décrète alors que j’irai dans le désert dès mon arrivée à Rocky. Je suis heureux de retrouver Mike, le directeur de mon ranch, aux écuries. Il sort les poulains. Depuis qu’il a repris l’élevage en main, nous avons des bébés chaque année, et c’est vraiment plaisant. Mike est mon plus vieil ami, quand nous étions enfant, nous avons appris à monter ensemble au ranch de mes parents. Il m’a vu passer du petit garçon inoffensif à l’adolescent tumultueux, jusqu’au meurtrier impitoyable. Et c’est grâce à cette partie de ma personnalité qu’il est ici aujourd’hui. Il est venu avec Scott il y a quelques années, après qu’il se soit fait agresser à Orlando où ils habitaient tous les deux. Je me félicite chaque jour de lui avoir proposé, parce que j’ai encore une fois gagné de bons employés. De manière générale, je suis bien entouré. Je prends le temps de jouer avec les poulains. Les trois petits ont plus ou moins sept mois chacun, à quelques jours près, et c’est fou comme ils ont grandi. Je ne prends jamais le temps de m’en occuper, trop accaparé que je suis par tout ce qui me tombe en permanence sur le coin de la gueule. Je réfléchis, et cela doit bien faire trois mois que je ne leur ai pas accordé le moindre regard. - Ils sont beaux hein, lancé-je en souriant à l’attention de mon ami. - Ouais, Jayle fera une bonne vente pour les cow-boys je pense, il a toute l’attitude pour leur plaire. - Alors tu l’enverras directement chez mon père après le sevrage. - Et les autres ? - Je ne sais pas, Mike, je n’ai pas le temps de m’occuper de ça… Je te laisse gérer, tu as sorti Dixon aujourd’hui ? - Il est dix heures et demie… - Et alors ? Tu commences à cinq heures… - Quatre ce matin, je dors mal quand Scott est en mission. - Je sais, mais je ne peux rien y faire… Tout ce que je peux te garantir, c’est qu’il est prudent. - Jusqu’au jour où ça ne suffira plus, grommelle-t-il. - On va bientôt partir pour Shanghai, j’ai un contrat en préparation. - Génial, grince-t-il en me passant devant pour emmener les poulains au rond de longe. Je me dirige donc vers la sellerie en le laissant à ses fulminations puis je sors mon matériel. Dixon passe la tête par sa porte, et m’appelle alors qu’il m’entend préparer ses affaires. Ce cheval est trop intelligent. - Salut mon gros, murmuré-je en flattant son encolure, alors je t’ai manqué ? Tu es bien le seul qui me gratifie d’autant d’affection… Il se laisse gratter derrière les oreilles et j’attrape une brosse avant d’ouvrir la porte de son box. Je le laisse sortir sans l’attacher. Il n’est pas le genre à s’enfuir, lui... Non, il préfère communiquer sa joie quand il m’a sur le dos. Je me concentre sur ma tâche, je le brosse consciencieusement, et quand il est complètement propre, je le selle. Les lads viennent me faire chier en me demandant s’ils peuvent m’aider, mais p****n, je sais encore m’occuper de mon cheval tout seul, donc j’envoie chier tout le monde. Je monte d’un bond sur son dos et le dirige directement vers les pâtures. Elles sont gigantesques, il me faut une bonne demi-heure au petit trot pour arriver à la grille du fond, me permettant d’inspecter les lieux. - Salut Grant, Aaron, salué-je les gardes alors qu’ils déclenchent l’ouverture automatique du portail, tout s’est bien passé en notre absence ? - Comme d’habitude patron. Une partie de mes hommes est rentrée directement ici après notre mission à Syracuse, nous étions restés en petit comité au Brésil, et je dois bien avouer qu’avoir deux avions à notre disposition est bien arrangeant finalement. Je pars en trombe dès que je passe la sortie. Dixon s’emballe au triple galop, le vent me fouette le visage tandis que je m’emplis d’un sentiment de liberté, et de légèreté, que je n’ai plus ressenti depuis trop longtemps. Je me suis engouffré dans les problèmes d’Adena, j’ai souffert avec elle, je l’ai relevée encore et encore, j’ai subi… Et là je sature. Je m’enfonce tout droit dans le désert pendant une bonne demi-heure, et quand mon cheval faiblit, je referme mes doigts sur les rênes puis me redresse en affaissant mon bassin vers l’avant pour l’inciter à ralentir et changer d’allure. Il repasse au trot, je le laisse récupérer une demi-heure supplémentaire, et quand enfin il a retrouvé son calme, suintant d’écume blanche, le poil trempé, je le mets au pas et fais demi-tour. Je passe les heures suivantes à réfléchir, et m’apaiser en avançant en direction du ranch. C’est toujours comme ça entre elle et moi, elle traverse les tempêtes à la barre d’un navire qui tangue sous la houle, je la rattrape au vol, et je la conduis dans un autre déferlement. Tué Gérard Davault l’a rendue complètement dingue, elle n’avait plus rien d’humain quand je l’ai tiré du spectacle immonde qu’elle avait elle-même créé, et je n’avais réussi à lui faire reprendre ses esprits qu’en la collant sous de l’eau glacée. Elle m’avait alors avoué à quel point c’était bon, à quel point elle jubilait d’avoir vu cette ordure crever. Je ne pouvais que la comprendre, elle avait besoin de cette vengeance, et je l’avais écouté gentiment tout en étant complètement absent, tétanisé par ce que j’avais à lui avouer… J’ai voulu profiter d’elle encore un peu dans l’avion avant l’explosion, elle s’est complètement abandonnée dans mes bras… L’espace de quelques minutes, j’ai retrouvé l’incroyable créature mystique qui m’a totalement envenimé de son amour au fil des mois, qui m’obsède au plus haut point, ensuite le couperet est tombé, et j’ai dû lui dire la vérité sur mon empressement à rentrer. La tempête Adena n’a pas fini de sévir, l’ignorance dont elle m’a fustigé depuis qu’elle sait pour l’enfant, n’est que le calme avant le déchaînement nucléaire qui m’attend, j’en ai conscience. Ma femme n’est pas douce et délicate, elle peut l’être… En certaines circonstances… Mais ce qu’elle est, c’est plutôt dangereuse, tenace et totalement imprévisible. Et je n’ai aucun doute sur le fait qu’elle va riposter face à la nouveauté que je lui impose. Elle a bien trop de caractère pour ne pas protester violemment, je sais qu’elle y glissera toute la subtilité dont elle est capable de faire preuve. Nous avons un échiquier tout neuf et je devine que ma panthère sauvage est déjà en train de placer ses pions afin de préparer son plan d’action.
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