CHAPITRE 1 - Olivia
CHAPITRE 1 - Olivia
Je suis, une fois de plus, assise par terre dans la chambre. Le dos appuyé contre le grand lit en bois. J’ai passé des semaines à décorer cette pièce. Je la voulais à notre image. Simple et épurée. J’ai déniché des objets vintages dans les plus petites boutiques de la ville, traînant Noah dans chaque antiquaire trouvé sur internet.
Cette pièce me ressemble, à cet instant précis, elle est triste et seule. Je triture mon pull fin, il est devenu complètement difforme à force de tirer dessus. C’est le vêtement que je porte le plus en ce moment, il est vieux, la couleur est passée depuis longtemps et, surtout, il porte l’odeur de Noah. Quand je ne suis pas au travail, ou avec lui, je reste à la maison, assise à cette même place, dans ma chambre. Je ne fais rien d’autre que regarder à travers la grande baie vitrée qui longe un des murs de la pièce.
Je me rappelle encore le jour où Noah m’a traînée ici. Jamais je n’aurai pensé qu’il puisse me faire une surprise pareille. M’offrir un appartement, un foyer. Il m’offrait une famille et de quoi refaire ma vie. Oui, vous pensez qu’à dix-neuf ans, ma vie n’en était qu’à son début, mais endurez ce que j’ai vécu jusqu’à mes dix-huit ans et vous comprendrez.
*Flashback.
— Noah, qu’est-ce que tu fais ?
— Viens, suis-moi.
— Mais enfin, où va-t-on ? On ne rentre pas chez les gens comme ça !
Je l’entends à peine rigoler quand il me fait entrer, devant lui. En me poussant dans le dos, je me retrouve au milieu d’un immense salon. L’appartement est complètement vide, mais sublime. Une baie vitrée avec vue sur toute la ville prend une grande partie du mur en face de moi, c’est à couper le souffle. Je reste là, devant cette vue, quand Noah me prend dans ses bras.
*Fin du Flashback.
Penser à nouveau à ce moment m’apaise. C’était le début de notre vie à deux et la vision d’un futur sans encombre.
L’appartement est désespérément vide, pas de bruits, rien ne bouge, tout est à sa place. Je me décide à me lever et prends la direction de la salle de bains. Je me déshabille, mon regard rencontre le miroir face à moi. J’ai appris, depuis des années, à accepter mes cicatrices. Elles ont fait de moi la femme que je suis aujourd’hui. Celle que je ne serai sûrement jamais aussi. Je passe mes doigts sur les cicatrices qui barrent mon ventre, celles de mon cou… Elles sont devenues blanches avec les années, mais les regarder me gêne toujours.
Je détourne le regard et m’enfonce dans cette immense douche que Noah a fait construire uniquement pour moi. L’eau coule sur ma peau. Cette eau chaude qui est censée détendre chaque parcelle de mon corps, mais qui finalement, me met les nerfs en boule.
Je ne m’éternise pas et sors en attrapant une serviette sur le meuble. J’attache une serviette autour de mes cheveux et passe la plus grande autour de moi. Je retourne dans la chambre et commence à chercher des vêtements propres quand deux mains se posent sur mes épaules.
Son odeur, son souffle chaud contre ma peau. Je le reconnaitrais entre mille. Sa bouche se pose juste sous mon oreille, un léger sourire se dessine sur mon visage, et le souffle sortant de sa bouche me provoque encore des frissons. Noah est l’homme dont j’ai toujours rêvé. Il s’est battu pour moi pendant des mois, il a tout quitté aussi. Mon humeur actuelle est telle que j’ai du mal à lui rendre tout cet amour… Je ferme les yeux et chasse cette fameuse soirée de mon esprit, cette nuit où tout a changé.
— Tu es un peu sortie aujourd’hui ?
— Non.
— Bébé, tu dois sortir de la maison, tu ne peux pas rester ici toute ta vie.
— Je resterai ici, si j’en ai envie.
— Tu devrais aller prendre l’air, faire du sport ou même aller faire les magasins.
— Je n’en ai pas envie.
— De quoi as-tu envie, alors ?
— Je ne sais pas.
— OK, je suis là, tu le sais hein ? dit-il en posant sa main dans mon dos.
— Bien sûr Noah.
Je me dégage de son étreinte et enfile un tee-shirt par-dessus la serviette. Je mets un legging en dessous et retire le drap de bain. Nous nous disputons pour des futilités en ce moment, j’ai du mal à supporter son regard sur moi depuis ce soir-là. Pourtant, j’aimerais qu’il me prenne dans ses bras et qu’il me serre contre lui, mais dès qu’il s’approche trop près de moi, je commence à paniquer. Ce n’est pas que je n’en ai pas envie, bien au contraire, cependant je fais un blocage, et je sais à quel point cela est dur pour lui.
Je suis toujours de dos quand je sens sa présence contre moi. Il embrasse mon épaule puis me chuchote un « Je t’aime » et sort de la chambre.
Je m’en veux d’être comme ça, parce que ce n’est pas dans ma nature de refuser ces moments à Noah. J’aime être dans ses bras et je ne m’endors que comme ça, j’aimerais retrouver cette passion que nous avions il y a encore quelques semaines. Quand j’avais envie de lui sauter dessus en le voyant au réveil, quand son rire faisait battre mon cœur, quand ses caresses réveillaient en moi des désirs inconnus. Je m’efforce tant bien que mal de lui donner encore tout ce qu’il mérite. Il s’accroche à moi comme à une bouée, il l’a toujours fait. Depuis notre rencontre d’ailleurs. Il a tout vécu pour moi, pour ma famille, pour être à mes côtés coûte que coûte.
Seulement voilà, quelquefois mon corps réagit avant ma raison. Mon cœur ne bat plus qu’à moitié et mon bonheur s’est envolé. J’aime Noah, plus que tout, mais je n’arrive plus à le rendre heureux, les moments de bonheur ont été remplacés par la tristesse et l’abattement, et nos discussions et rigolades par des disputes à répétitions.
Je sors finalement de la chambre après m’être attaché les cheveux en un chignon lâche au-dessus du crâne. J’ai enfilé un large gilet à Noah, celui que j’affectionne particulièrement depuis quelques années. Tout simplement parce qu’il l’avait avec lui le jour où il m’a emmenée ici. Le jour où il m’a fait la surprise d’avoir acheté cet appartement pour nous.
— Tu veux manger quelque chose ? me demande-t-il de la cuisine.
— Ne t’en fais pas, je vais me préparer quelque chose.
— Olivia…
— Quoi ? réponds-je sur les nerfs.
— Je suis en train de cuisiner, je te prépare aussi quelque chose.
— Comme tu veux.
— Ce n’est pas comme je veux, tu dois te nourrir, tu as encore perdu du poids.
— Je sais… avoué-je en me cachant avec le gilet
Je me dirige donc vers le salon et m’assois dans le grand canapé moelleux que j’ai tant voulu obtenir. Il a fait la tête pendant des semaines parce qu’il voulait un canapé en cuir, alors j’ai usé de mes charmes afin d’obtenir celui-là et j’ai été plutôt fière de moi quand les livreurs sont arrivés avec l’immense canapé. Je m’enfonce dans les grands coussins et pose le plaid sur mes genoux.
Noah me rejoint avec un plateau et deux assiettes de pâtes à la bolognaise. Il pose le tout sur la table basse et me tend mon assiette. Il place aussi deux verres et y verse de l’eau. L’envie de manger n’est pas toujours là, comme l’envie de parler d’ailleurs. Je n’ai pas souvent envie de faire la conversation, même si je vois dans son regard qu’il attend que je dise quelque chose, même si c’est une bêtise.
— Tu veux regarder quelque chose de spécial ?
— Non, tu peux mettre ce que tu veux.
— D’accord, je crois qu’il y a un truc pas mal sur le câble, dit-il en zappant les chaînes.
— Hum.
Noah tourne la tête vers moi, pose sa main sur mon genou et le presse légèrement. Je lève la tête vers lui et essaie de sourire en posant ma main sur la sienne.
— Demain, tu vas travailler ? demande-t-il entre deux bouchées.
— Comme tous les jours.
— OK, si tu as besoin que je vienne te chercher tu m’appelles ?
— D’accord.
Il retourne à son assiette en regardant la télévision qui diffuse une nouvelle série télé. Je picore mon assiette, en poussant les pâtes sur le côté, mon regard se fixe sur l’écran devant moi. Je n’ose même plus un regard envers Noah. Le regarder me fait culpabiliser de lui faire vivre tout ça…
Voici notre quotidien depuis un mois…
Quand Noah vient se coucher à son tour, je suis roulée en boule sous la couette, face à la fenêtre. Il s’approche de moi et passe son bras autour de ma taille, plonge son nez dans mon cou et aspire une grande bouffée d’air. Son étreinte se resserre autour de moi, je pose une main sur la sienne et mêle mes doigts aux siens. Son corps se colle au mien et mes sens se réveillent… Ça fait des semaines qu’il ne m’a plus touchée comme ça.
— Je t’aime Olivia, tu me manques tellement.
— Je t’aime aussi, tu le sais…
Noah ne me répond pas et resserre sa prise sur mon corps, un dernier b****r sur l’épaule et son souffle ralenti. Il ne dort plus très bien depuis plusieurs semaines et mon cœur se brise un peu plus.
Redeviendra-t-on le couple que nous étions il y a encore un mois ?