Prologue-3

2063 Words
— Et toi ? enchaîna-t-il en fixant Sami. — Moi, quoi ? — Tu en pinces pour Ash ? Sami tressaillit, les yeux ronds. — Tu dérailles ! Bien sûr que non ! Matt sonda son regard sans mot dire. Sami plissa les yeux et comprit ce qu’il s’apprê­tait à faire. Son visage se rembrunit subitement. — Écoute, mon pote. Reste loin de mes pensées. Je n’en pince pas pour Ashley. Point final ! Matt leva les sourcils d’un air taquin. — Je n’étais pas en train de le faire. — C’est cool alors, répliqua Sami en finissant sa bière d’un trait. Je vais voir si Joey est libre pour le billard. — Ouais ! Fais donc ça. Sami s’éloigna à pas pressés. Matt le suivit du regard en étrécissant les yeux. D’une main, je lui pris le menton et le forçai à tourner son visage vers moi. — Non ! Non ! Tu le laisses tranquille. Arrête de faire ta fouine. — Mais ce voyou me cache des choses, plaida-t-il, curieux. — S’il veut t’en parler, il te le dira. Occupe-toi plutôt de mes lèvres, elles commencent à me chatouiller. Une expression approbatrice relaya sa curiosité malsaine. — À vos ordres, madame. Planquant sa main sur mon dos, il m’attira à lui. D’abord, il me mordilla la lèvre inférieure avec délicatesse. Glissant ma main sous son pull, je lui caressai le ventre, je sentis ses muscles se contracter. Il sourit contre ma bouche. « Tes lèvres vont mieux ? » Je secouai la tête en guise de réponse. Étant dans un coin réservé, nous étions seuls. Ainsi par sa volonté mentale, il nous plongea dans le noir, éteignant les lumières au-dessus de nos têtes. Serrant son étreinte, il m’embrassa tout d’abord doucement, me caressant de ses lèvres. Un bras autour du cou, je l’attirai davantage. Alors son b****r devint frénétique avant de s’ouvrir à moi. Je savourai son goût frais et mentholé, mêlé à l’amertume de la bière ; il enfouit ses doigts dans mes cheveux. Prisonnière de cette sensation électrique, je me laissai emporter par la chaleur de son corps, qui se propageait en moi jusqu’au bout de mes doigts. Après ce moment de plaisir, la lumière revint. Il m’embrassa sur le front avant d’enfouir mon visage dans le creux de son cou. Alors que je reprenais mon souffle, sa main me caressa tendrement le dos. « J’aimerais rester ainsi pour toujours. — Pour l’éternité. » Je me redressai pour le regarder. Je ne détectai que de la sincérité dans ses yeux envoûtants. J’y lisais tellement d’émotions ! Nous ne nous étions pas encore dit les trois petits mots qui définissaient nos sentiments. Même si réellement nulle parole n’était assez lourde de sens pour définir ce que je ressentais. Bien que m’étant demandé comment j’étais tombée aussi facilement dans ce piège, j’étais éperdument amoureuse de lui. Me concernant, j’attendais le bon moment pour lui dire que je l’aimais. En toute honnêteté, je craignais de lui dévoiler mes sentiments, de lui ouvrir entièrement mon cœur. Cette réticence était idiote. Quant à Matt, il n’était vraiment pas du genre à les exprimer. Son orgueil et sa fierté atteignaient parfois des sommets intolérables. Mais entre nous, c’était différent. Il manifestait son attachement et sa tendresse tous les jours par ses attentions, ses sourires, ses caresses… même sa mauvaise humeur reflétait à l’occasion son affection. En tout cas, j’avais un autre moyen pour connaître l’intensité de son ressenti. J’étais dotée d’une seconde vue. Premièrement, je voyais les choses, les êtres vivants et tout ce qui constituait la nature sous forme d’énergie. Deuxièmement, je lisais l’âme de chaque individu. Oh ! Je n’étais pas télépathe comme Matt. Je n’avais pas la chance d’entendre les pensées, cependant mon pouvoir opérait plus profondément. Je percevais et ressentais les émotions d’autrui, et pouvais partager les miennes, d’une certaine manière. Mon corps extériorisait ce que je ressentais, de même que mes humeurs, par un champ électromagnétique. Je pouvais toujours faire cet échange émotionnel avec Matt. Si son bouclier mental empêchait toute intrusion psychique, il me permettait malgré tout d’apercevoir cette part de son être pendant des moments comme celui-ci. Lui souriant, je déposai un b****r sur chaque paupière, qu’il ferma à mon approche. « Je t’interdis de me quitter. Tu m’entends ? » Ouvrant les yeux, il m’accorda un sourire malicieux. Il écarta mes cheveux du visage pour plonger au fond de mes iris. « Tu es un peu mal barrée. Que tu le veuilles ou non, tu vas m’avoir sur le dos pour un moment. La mort seulement m’éloignera de toi. » Mon cœur loupa un battement. — Ne me dis plus jamais ça, suffoquai-je, subitement alarmée. — Quoi ? — Ne me parle plus de ta mort. — C’est la vérité… L’interrompant, je lui pris le visage avec des mains tremblantes. — S’il te plaît. Ne répète plus jamais ces mots, même pour plaisanter. Je le suppliai d’un regard aussi empreint de terreur que le ton de ma voix. Son visage devint sérieux, il me retira les mains, les emprisonnant au cœur des siennes. — D’accord, nous ne parlerons plus de la mort. Calme-toi. Je m’écrasai contre lui. Tel un étau, il m’étreignit fermement et une main réconfortante me caressa le dos. Je fermai les yeux en posant une joue sur son épaule. Par le passé, je n’avais aucune crainte de la mort. Elle faisait partie de la vie. C’était le terminus logique d’une existence. Une fin que toute personne allait connaître à un moment donné, que j’acceptais. À présent, j’étais terrorisée par ce dernier souffle, celui de Matt. Au point d’en devenir égoïste, je priais pour connaître cette fin avant lui. Le simple fait d’y penser m’arrachait le cœur. — Hé ! Les tourtereaux ! héla Sami. On la fait cette partie ou vous continuez à vous faire des câlins ? — On arrive, dit Matt, sans cesser pour autant de me cajoler. 2. Jeux de mains, jeux de vilains Me serrant contre lui, Matt se dirigea de l’autre côté du bar où se trouvait l’escalier qui menait aux tables de billard. Le club était désormais bondé, indiquant la fin de la journée. Saluant nos connaissances d’un hochement de tête, nous traversâmes la foule sans nous arrêter. Après avoir gravi les marches en colimaçon, nous débouchâmes dans la salle de jeu. Quelques tables de billard étaient alignées entre les tables de poker et leurs banquettes. Je souris lorsque je vis Sami en pleine session de drague. Penché sur le décolleté d’une minette, il semblait déjà avoir oublié les deux poupées Barbie. Il ne s’aperçut pas de notre approche et Matt attira son attention d’une tape amicale dans le dos. Comme d’habitude, il ne mesurait pas sa force. Tout à coup, Sami nous jeta un regard plein de douleur par-dessus son épaule, en toussotant. — Tu viens de me déplacer les vertèbres, ronchonna-t-il, reprenant contenance devant les filles. Les bêtises de Sami faisaient rire, la bonne humeur de Matt provoquait des bleus. — Ou je te les ai remises en place. Ramène-toi, espère de pervers. Pendant que nous approchions de notre table, Joey plaçait les boules en secouant la tête tandis que j’entendais Sami promettre un retour rapide. — Ce mec ne perd pas le nord. — Que veux-tu ? Il a vraiment les crocs, répliqua Matt, me tendant une canne de billard. Sami nous rejoignit, balayant la pièce des yeux, comme un prédateur en chasse. — J’ai la tête qui tourne en voyant toutes ces filles. Vivement l’été et leurs petits Bikini. Tandis que Joey éclatait de rire et que celles qui l’avaient entendu gloussaient comme des poules, Matt secoua la tête en soupirant, consterné. — Oh, le puceau ! Arrête de t’agiter dans ton pantalon. Tu fatigues ! — Sois pas jaloux, blondinet ! s’esclaffa Sami, lui faisant un clin d’œil. Je sais que c’est frustrant de ne plus être dans le circuit. Mais je suis un bon pote, tu peux prendre mes restes, si notre petite Sarah te donne le feu vert. Pardon ? Feu vert ? Il venait carrément de passer au rouge. Et mon regard au noir, le démon de la jalousie pointant son nez. Voyant mon expression, Sami éclata d’un rire sonore, presque aux larmes. — Oups ! Je ne t’avais pas vue. — Crétin, tu vas bouffer tes restes sur le carrelage ! grinçai-je entre mes dents. Matt enroula un bras autour de mon cou pour me retenir, me plaquant le dos contre son torse. — Tu cherches à te faire griller, ma parole ! Tais-toi et viens savourer ta défaite. Matt lui balança une canne. Me snobant, le crétin claqua un b****r de loin, titillant ma révolte. Matt m’embrassa sur la tempe, me faisant oublier rapidement la seconde précédente. Naturellement, je faisais équipe avec Matt. Je feignais d’être à l’aise avec tous ces regards braqués sur nous, surtout ceux des filles en chasse qui observaient notre table sans vergogne. Des signaux approbateurs à l’invitation éhontée de notre crétin. Ouais, elles avaient hâte d’être son casse-croûte en petit Bikini ! Soit ! Comment faisait-on pour être aussi détendu quand on vous dévisageait ainsi ? Matt se tourna vers moi et agita son index, m’intimant d’approcher. Contournant la table, je lui fis face. Il me prit par la taille et me souleva aussi facilement qu’une plume. Il me déposa sur le bord du billard en s’avançant, j’écartais mes genoux pour l’accueillir. — Laisse-les regarder, tant qu’ils ne touchent pas. — Encore heureux ! — Je ne parle pas des prédatrices. Il promena un regard aiguisé autour de nous. C’est alors que je me rendis compte du groupe qui jouait à la table voisine. Les garçons adoptaient un comportement identique à celui des prédatrices en question. — Je réussis à me maîtriser. Tu peux ignorer ces regards, ajouta-t-il, sur un ton sombre néanmoins. — Quels regards ? répliquai-je, enfin détendue. Je ne vois que celui d’une grosse brute possessive. — Bonne réponse. Son visage se réchauffa d’une expression de défi, mêlé à de la complicité. — Parlons sérieusement, partenaire. N’oublie pas que la brute déteste perdre. — Qu’avez-vous parié ? demandai-je, retirant ses mèches blondes du front. — Une bouteille de whisky. — Quel pari ? Je croyais que tu n’aimais pas le whisky. — Le principal est de gagner. Pas le gain. — Si je comprends bien, j’ai intérêt à jouer correctement pour que monsieur remporte une bouteille dont il ne boira pas une goutte. — Tout à fait ! Je levai les yeux au ciel, il me donna un dernier b****r avant de commencer la partie. Trois parties de billard plus tard, je me retirai du jeu. Remplacée par une connaissance, je les observai, adossée à un poteau à quelques pas de leur table. Matt et le nouveau venu battaient à plate couture Sami et Joey. J’étouffai un rire en voyant l’expression qu’affichait Sami. Le charmeur avait disparu. D’ailleurs, le groupe de prédatrices s’était lassé de son ignorance et les filles s’étaient rabattues sur les joueurs de poker. — Tu te sens seule ? Un peu de compagnie ? Une voix masculine s’élevait dans mon dos. Je sentais sa proximité, mais je croyais que ce gars de la table voisine s’adressait à une autre. Pourtant, mon instinct me fit redresser les épaules. — Hey, ne sois pas timide ! Cette fois-ci, je sus qu’il me parlait. Non seulement sa voix se rapprochait, mais une silhouette se découpa dans mon champ visuel, sur ma gauche. Je répondis en tournant légèrement la tête, refusant poliment son offre. — Non, merci, je suis accompagnée. — Tu préfères discuter avec le poteau ? me railla-t-il. Je préférais qu’il me foute la paix avant que Matt ne le remarque ! Heureusement, il était absorbé par le jeu. Mais je guettais ses moindres faits et gestes. Il n’apprécierait sûrement pas qu’un inconnu tourne autour de sa copine, sous son nez. Je rétorquai : — Tu vas faire connaissance avec ce poteau, si tu ne t’éloignes pas rapidement. Le garçon éclata de rire. — Tout compte fait, tu n’es pas si timide. Allez, ma jolie, viens boire un verre avec moi. Il posa une main curieusement froide sur mon épaule. Mais… « Ma jolie ? » Brusquement, je tournai la tête dans sa direction, oubliant complètement Matt. Je m’apprêtai à lui cracher mon agacement quand nos regards se croisèrent. J’ouvris la bouche, mais l’événement qui suivit me faucha les mots. Soudain, je le vis se raidir, ses pupilles se dilatèrent et ses iris verts disparurent. Ses yeux n’étaient plus qu’un puits sombre. Un son s’étrangla dans ma gorge, nous écarquillâmes les yeux simultanément. L’instant d’après, une brise glaciale balaya la pièce et me fit perdre mon équilibre. Brusquement, le corps du garçon fut projeté au fond de la salle par une force invisible. Oh ! Malheur ! J’ai essayé de le prévenir ! Un silence pesant s’abattit sur la salle. Je n’entendais qu’un fond de musique, alors que l’atmosphère s’alourdissait de menaces. Ce pauvre gars n’avait pas fait la connaissance du poteau, mais d’une table de poker, où il était cloué par le pouvoir psychique de Matt, après que ses occupants en avaient été chassés. Les mains dans les poches, Matt envahissait mon champ de vision, dressé devant la table avec un air aussi détendu que les spectateurs. Or, à la contraction de ses épaules, je compris qu’un ouragan se préparait. Un état de tension extrême qui relevait sa carrure, donnant l’impression qu’il faisait un mètre de plus. Ce qui venait de se produire avec l’inconnu m’échappait totalement. En revanche, une chose était absolument certaine : il avait méchamment froissé les nerfs de Matt. Il n’utilisait jamais sa télékinésie en public. L’assemblée observait la scène, les regards partagés entre surprise et inquiétude. Au bout de quelques minutes, mon remplaçant de jeu se risqua à briser ce silence insoutenable, s’avançant à pas réticents, tandis que Sami se postait à un mètre de Matt. Cependant, le joueur s’arrêta à une distance sûre.
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