Cover-4

2029 Words
Une larme tombe en silence sur la vitre du cadre photo, me ramenant à la terrible réalité, au vide sans fin qui a pris la place de mon cœur. Mes doigts glissent ensuite sur ces quelques petits mots, forts, dévastateurs et destructeurs qu’il m’a laissés, telle une supplique : « Ne m’oublie pas, bébé. » Merde, qu’est-ce que j’ai fait ? 3 Le coucher de soleil verse ses rayons dans une mer calme et silencieuse. Assise sur le sable, les yeux fixés sur l'horizon, je savoure la magie de cet instant. Je sens sa chaleur contre mon dos, et le bien-être qu'il me procure. Son cœur bat en rythme avec le mien pendant que ses bras, puissants, m'entourent et me protègent. Sa bouche dépose de petits baisers dans mon cou, que je lui offre en soupirant de plaisir. Puis il pose sa main sur mon visage pour m'inciter à le regarder. Les yeux de Vincent sont en harmonie avec le paysage qui nous entoure. Ils m'observent, me détaillent avec douceur et passion. Mes cheveux tourbillonnent sous le vent qui se lève, et déjà des nuages d'un gris menaçant couvrent le ciel. Les premiers éclairs zèbrent la noirceur qui s'est installée à grande vitesse et la mer commence à s'agiter. Je me relève pour rentrer avant le déluge. Je vais pour attraper la main de Vincent mais il est déjà loin devant moi, courant sur le sable. Une vague de panique me gagne. Je lui crie : — Hé ! Attends-moi. Il se stoppe et reste immobile pendant que je me dépêche de le rejoindre. Arrivée enfin jusqu'à lui, je m'arrête, à bout de souffle, étonnée qu'il continue à me tourner le dos. Son attitude est plus qu'étrange. Je pose fébrilement ma main sur son épaule. Quand son regard vient rencontrer le mien, je me fige et mon cœur s'arrête. Ses yeux bleus ont laissé place à une nuance noisette que je connais si bien. Nous restons là à nous dévisager, face à face, sous l'orage qui gronde. Jusqu’à ce que ce regard devienne plus sombre, comme empli de colère. — Tu m'as oublié, bébé... Quoi ? Mais non, c'est faux ! Jamais je ne t'oublierai, c'est impossible ! Je voudrais crier, hurler mon amour mais aucun son ne sort, ma voix reste muette. Je crois apercevoir quelques gouttes au coin de ses yeux, reflétant cette fois-ci une profonde tristesse qui m'arrache le cœur. Sa voix, qui n'est plus que murmure, reprend : — Tu m'as oublié... Et le vent le souffle, loin, très loin de moi, jusqu'à disparaître totalement. NON ! REVIENS ! Mes genoux touchent le sol, pendant que mes larmes se perdent dans l'océan qui m'entoure, prêt à m'engloutir. Les bras tendus vers l'espoir, je crie, je hurle dans le vide... DAVIS !! Je... Je me réveille en sursaut, assise au milieu du lit. p****n, quel rêve horrible ! Je tente de calmer ma respiration et mon rythme cardiaque qui s'est envolé. La tête me tourne à cause de ce réveil brutal. Un rêve, c'était juste un rêve. Je regarde autour de moi, quelques rayons de soleil filtrent à travers les volets de ma chambre. Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est. Tout ce que je sais, c'est qu'un vacarme monstrueux m'a tirée de mon sommeil. Je prête l'oreille à mon environnement pour essayer d'en trouver l'origine mais plus rien. Une goutte d’eau percute ma main et je prends conscience que je tiens toujours le cadre de Davis contre moi, baigné de quelques larmes. Je reste un moment à l'observer, le cœur affolé, mais mon regard se perd dans le vide immense laissé par son absence. Un gouffre qui m'aspire, me tourmente jusque dans mon sommeil. Comment refaire surface si même dans mes songes, il revient me hanter de cette façon ? Comment avancer et continuer ma vie si mon esprit me le rappelle sans cesse ? Mes yeux reviennent vers le portrait de Davis, je revois son visage rongé par la tristesse qu'il avait dans ce rêve étrange. Mon cœur se serre. — Je t'aime, Davis, murmuré-je à voix haute. Je t'aimerai toujours. Jamais je ne t'oublierai, c'est impossible. Mais il faut que je continue à vivre. Pour m'encourager à commencer dès maintenant, je range la photo dans le tiroir de ma table de chevet. C'est fini, je ne veux plus y penser. Une page doit se tourner, il faut que je me reprenne en main ! Je me lève car je sais que de toute façon, je n'arriverai pas à me rendormir. J'attrape mon téléphone et j'y découvre plusieurs appels en absence de Sven, sans message, sur mon répondeur. Étrange. Pourquoi voudrait-il me joindre en plein milieu de la nuit ? Son dernier appel date de quatre heures du matin. Aussitôt, une envie brutale de le rappeler me prend. Mais je m'abstiens quand je me rends compte qu'il n'est que sept heures, il doit probablement dormir. Lucie, laisse tomber. IL FAUT ALLER DE L’AVANT ! Ma conscience me hurle ce que je viens de me répéter comme un mantra quelques minutes plus tôt. Comme début de journée, j'ai connu mieux. Je me dirige vers la douche pour essayer de me vider la tête de toutes ces pensées embrouillées. Mais je suis stoppée quand j'entends de nouveau ce bruit qui m'a réveillée. Il semble proche et loin à la fois. « Lucie... » Je rêve ou j'ai entendu mon prénom ? Il faut vraiment que je me reprenne en main, je commence à avoir des hallucinations auditives. Je vais bientôt finir en psychiatrie si je continue comme ça. À peine ai-je fait un pas que ce bruit sourd se produit de nouveau, plus fort cette fois-ci. « Ouvre-moi... Lucie... » Bon sang, mais je ne suis pas folle, il y a bien quelqu'un qui m'appelle. Je me dirige à pas feutrés vers l'origine de cette plainte, qui semble être mon palier. Une boule d'angoisse et d’appréhension se forme dans mon estomac, me poussant à agir avec prudence. — Qui est là ? demandé-je d’une voix mal assurée. — C'est... Sven... Sven ? En ouvrant la porte, ma respiration se bloque lorsque j'aperçois le blondinet recroquevillé au sol, sur mon paillasson. À première vue, il n'a pas l'air en chouette état. De plus, il empeste l'alcool. Pourquoi faut-il toujours que les gens noient leurs problèmes en s'enivrant? Ça n'a jamais rien résolu, bien au contraire. — Sven ! Mais qu'est-ce qui t'est arrivé ? lui demandé-je en l'examinant d'un rapide coup d'œil pour évaluer la situation. Je l'aide à se relever pour le faire entrer jusque dans le salon, où il s'avachit comme un poids mort sur le canapé, faisant fuir Gypsie qui y avait pris place. Je ne vois aucune blessure, ni sang, ni hématome qui indiquerait qu'il s'est battu. Par contre, ses yeux sont bouffis et ses joues, humides. Ça ne présage rien de bon tout ça. Il garde la tête baissée, son regard semble figé dans la douleur. Quelques larmes se perdent encore sur son visage, tandis qu’il se triture nerveusement les mains. Il me fait tant de peine de le voir comme ça. Je me précipite pour lui apporter un café. Malgré la chaleur ambiante, il semble frigorifié. Je reviens en un rien de temps avec une tasse fumante qu'il prend sans hésiter. Je ne le questionne pas pour le moment, attendant que ses sanglots s'apaisent, et me contente de prendre place à ses côtés. Après quelques minutes, il semble plus calme. Il enlève sa veste puis se prend la tête entre les mains. — Pourquoi ? Mais pourquoi ? chuchote-t-il. — Dis-moi ce qui se passe Sven, parle-moi. Il soupire et reste silencieux. Sa mâchoire se contracte pendant que ses mains continuent de se torturer. Il semble chercher ses mots et j'attends patiemment qu'il trouve la force nécessaire pour me dire ce qui ne va pas. — C'est Bobby, lâche-t-il enfin. Il est... mort. Sa gorge se noue face à cette dure réalité, pendant que je pousse un discret soupir de soulagement. Même si je n'appréciais pas ce type, savoir qu'il n'est plus de ce monde me fait de la peine. Je passe ma main dans le dos de Sven dans un geste de réconfort. D'un regard, je l'encourage à m'en dire plus sur les circonstances. Il boit une gorgée du breuvage noir avant de se lancer : — Il a été retrouvé dans un squat hier soir, en état d'overdose. Les secours n'ont rien pu faire. Sven m'avait dit que Bobby n'avait pas supporté le départ de Davis, qu'il s'était enfermé dans tous les excès. Mais de là à se tuer ? Je n'en reviens pas. C'est vrai qu'il avait déjà un fort penchant pour les abus en tous genres. Tu vois Davis, le vide que tu as laissé partout en partant si loin de tous ceux qui t'aimaient. Sven vient se réfugier dans mes bras, me prenant par surprise. Le pauvre, il vient de perdre le seul ami qu'il lui restait, même s'il ne le voyait plus beaucoup ces derniers temps. Je lui rends son étreinte sans ciller. Avec sa tête contre moi, je n'ai pas le courage de repousser sa demande de réconfort silencieuse. À la première occasion que j'ai, je file me changer. En attendant, j'essaye d'en savoir plus. — Dis-moi, c'est pour ça que tu as essayé de m'appeler cette nuit ? — Oui. Je ne savais pas où aller, j'étais déboussolé. J'ai fait quelques bars en chemin. Quand je suis arrivé sur ton palier, j'ai eu beau frapper, personne ne me répondait. Et comme je n'avais aucun courage pour rentrer, je suis resté ici. — Je suis désolée, Sven, vraiment. Je ne t'ai pas entendu... — Ne t'inquiète pas, je ne t'en veux pas, dit-il d'une voix faible et fatiguée. Au vu de ses traits tirés par le chagrin et le manque évident de sommeil, je lui propose d'aller prendre une douche puis de se coucher sur le canapé. C'est la meilleure solution pour que lui aussi ne fasse pas une connerie. Bien qu'il n'ait pas émis d'idées suicidaires, on n'est pas à l'abri d'un coup de folie. Perdre ses amis dans ces circonstances, ce n'est vraiment pas facile. Surtout qu'il a déjà connu la perte d'un être cher à son cœur lui aussi. Ça nous fait un point commun dont on se serait facilement passé. Pendant qu'il prend sa douche, j'en profite pour me changer afin de me mettre plus à l'aise et surtout plus présentable qu’en pyjama rose. En sortant, il a l'air déjà moins pâle mais son visage reste marqué de son insomnie. Je lui propose de dormir dans mon lit, il y sera plus aisé que dans le canapé. Sven reste debout au milieu du salon, l'air complètement paumé. Puis il s'avance vers moi pour me tomber littéralement dans les bras, dans une étreinte chaleureuse et amicale. Ce mec est très tactile en fait. — Merci Lucie, murmure-t-il. Merci pour ce que tu fais pour moi, promis je ne t'embête pas longtemps. — Mais tu ne m'embêtes absolument pas. Et je ne t'ai fait qu'un petit café, dis-je d'un ton léger pour essayer de le faire sourire. — Pourtant, on ne peut pas dire que tu me portais dans ton cœur au début. À juste titre. Je n'ai pas été très sympa. — C'est oublié, ne t'en fais pas. Je lui indique la direction de ma chambre. — Tu sais, fait-il en se retournant, Davis tenait à toi, à sa façon. Mais il était trop con pour s’en rendre compte. Oh non, s'il te plaît, pas sur ce terrain. Ma nuit a déjà été mouvementée. Je ne veux plus entendre parler de Davis, c'est fini. Il est parti, il a fait son choix en me tenant loin de lui. Maintenant, moi j'avance avec ce qu'il m'a laissé. Sven part se coucher. J'en profite pour aller courir un peu, m'aérer l'esprit pour repartir sur un bon pied. J'enfile mes baskets roses et direction le parc de Daumesnil, mon endroit favori. Les écouteurs dans les oreilles, je commence mon échauffement dès les premières marches de l'escalier, en faisant des petits pas sautés. Perdue dans la musique qui résonne, je ne fais pas attention à la personne qui arrive en face de moi et je lui rentre en plein dedans. Surprise et gênée, je me confonds en excuses. C'est alors que je me rends compte que je connais cette carrure ainsi que ce sourire chaleureux. Ryan ! 4 Inconnu. Frapper fort. Il faut frapper fort, de toutes les forces dont je dispose pour lancer des coups de poing dans ce punching-ball. Me défouler, me purifier pour toutes ces larmes versées. Déverser tous ces sentiments inconnus qui m'ont envahi et qui viennent me perturber, mais que j'apprends à connaître, à maîtriser. Moi qui n'ai jamais eu à prendre de décision autre que de savoir quelle femme j'allais b****r, me voici confronté à un choix à faire pour changer mon destin. Mais pour qui, pour quoi ? En suis-je capable ? Est-ce que ça en vaut la peine ? Je me poste sur le départ de la piste de course. Moi qui ai toujours fui, aujourd'hui, il me faut avancer. Avancer dans la douleur, ne plus avoir peur pour affronter son cœur. L'écouter, le comprendre et suivre ses sentiments sans honte, ni angoisse. À cette idée, un souffle d'espoir rallume l’étincelle de vie dans tout mon être. L'espoir d'être en paix avec moi-même et d'assumer. Quand je m'arrête, essoufflé et en nage, une image d'elle me vient. Comme toujours. Bordel, elle m’a retourné le cerveau ! Mais pas que… On a beau me remplir avec divers produits, je me sens toujours aussi vide loin d'elle. p****n !
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