Cover-2

2024 Words
Sven m’explique qu’il ne voit plus Bobby non plus. Il a mal supporté le départ de Davis et s’est coupé du monde. Drogue, alcool et sexe à gogo rythment ses journées, tandis que Sven essaye de remonter la pente avec sa musique. D’ailleurs, il m’informe qu’un producteur l’a approché, qu’il est en pourparler pour la signature d’un contrat. Je suis contente pour lui. Finalement, ce Sven, que je n’appréciais guère au début, m'apparaît comme quelqu’un de très sympa. Nous échangeons nos numéros de téléphone pour rester en contact puis il repart, me laissant seule à table. Mélanie a rejoint son petit ami pendant notre discussion. Je la cherche quelques secondes avant de l’apercevoir sur la piste de danse au milieu de la foule. Je lui fais signe tout en sirotant mon deuxième cocktail que le serveur m’a apporté durant la chanson. La lumière se tamise et le rythme jusqu’alors déchainé des musiques qui sont jouées laisse place à une mélodie beaucoup plus douce. C’est l’heure des slows. Sur la piste déjà, les couples se forment. Ils s’enlacent, se dévorent des yeux, s’embrassent. Ils s’aiment, tout simplement. Mélanie et Mikael font partie de ceux-là. Ils vont si bien ensemble. Je souris en les regardant, même si une pointe de jalousie vient remuer mon cœur meurtri. Il faut que je sorte, j’ai besoin de changer d’air quelques minutes. Je me faufile jusqu’à la sortie de derrière pour être au calme. La nuit est douce, pas un souffle de vent ne vient rompre le calme des feuillages. Je m’assois sur les petites marches puis m’adosse contre le mur en prenant une grande bouffée d’oxygène. La tête levée vers le ciel sans lune, j’observe les astres. « Quand je serai là-haut, je donnerai ton nom à une étoile. » Cette phrase me reste en mémoire et en cet instant, je me surprends à me demander quelle étoile il a choisie. À cette pensée, je souris tout en scrutant la voûte bleutée. Au loin, j’aperçois une petite étoile qui scintille plus que les autres. Orange, puis rouge et enfin jaune, elle semble se parer de mille couleurs. Dans mon cœur, ou du moins ce qu’il en reste, je le sais. C’est un signe, c’est celle-là qu’il a choisie. — Ces larmes n’ont rien à faire sur un visage aussi joli. Je sursaute en entendant cette voix grave venue de l’ombre. Je me redresse aussitôt, tant bien que mal avec mes talons aiguilles. Je distingue une silhouette masculine qui sort progressivement de la pénombre. Je recule de quelques pas, de mauvais souvenirs m’assaillent. Puis je cherche la porte de service pour rentrer à l’intérieur de l’Opium afin de me sentir en sécurité. — Oh ! Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur. J’étais en pause et je t’ai vue seule dehors. L’inconnu s’est arrêté à quelques mètres de moi, éclairé par un faible halo de lumière. Je peux voir son visage et son regard d’un bleu perçant. Mais je le reconnais ! C’est le serveur qui nous a apporté nos commandes. Aussitôt, je me sens un peu plus rassurée. C'est un habitué des lieux et ça m'étonnerait très franchement que le club ait embauché un psychopathe. — Que fait une jeune femme seule dans cet endroit si sombre ? — Je… euh… j’avais besoin de prendre un peu l’air. J’ignore pourquoi je me sens tellement gênée devant cet homme. Nous nous dévisageons quelques secondes. Il est un peu plus grand que moi. Je devine dans l’obscurité une mâchoire carrée, comme tout le reste de sa silhouette, mise en valeur par la tenue de serveur blanche et noire. C’est vrai qu’il a un côté attirant. En fait, il est même carrément pas mal. Il finit par rompre le silence gênant qui s’était installé, je l’en remercie intérieurement. — Au fait, je m’appelle Vincent. — Euh... Lucie. Moi, c’est Lucie. Il prend ma main dans la sienne puis la porte à ses lèvres. — Enchanté, Lucie. Je suis surprise face à tant de galanterie, mais il arrive à m’arracher un sourire timide. Il s’avance au plus près de moi, tout en maintenant une distance respectable entre deux inconnus que nous sommes. Il lève sa main vers mon visage et laisse son geste en suspens, comme en attente de mon approbation. Je ne fais rien, je ne dis rien, happée inconsciemment par le magnétisme qu'il dégage. De lui émane une sympathie naturelle et un petit je ne sais quoi, que j’aurais bien du mal à définir. Nos regards sont toujours happés l’un l’autre, tandis qu’avec son pouce, il vient essuyer une perle d’eau qui glisse sur ma joue. — Je doute fortement que ça soit des larmes de joie de me connaitre, me dit-il presque dans un murmure, avec une pointe d'humour. — Non, en effet. Je détourne les yeux en baissant la tête. Je ne me suis même pas rendu compte que je pleurais. Troublée mais surtout gênée de cette soudaine intimité avec un homme que je ne connais pas, je décide d'y mettre un terme et de rentrer dans la discothèque. En plus, Mélanie doit me chercher partout. Je commence à m’avancer vers la porte quand une main m’attrape le bras. — Attends, j’ai fait quelque chose de mal ? Je me retourne vers Vincent. — Non, c’est juste que… j’ai froid. Pourquoi est-ce que je raconte n’importe quoi ? — Je termine mon service dans une heure, je peux t’offrir un verre après ? Sans aucune obligation, bien sûr. — Je ne crois pas que ça soit une bonne idée, désolée. Et puis, je serais déjà partie. Je me dégage de son emprise, mal à l’aise, puis file à l’intérieur de la discothèque, sans lui laisser le temps de rajouter quoi que ce soit. Les slows sont finis et la musique déjantée a repris ses droits. Je me traîne jusqu’à ma table où je trouve une Mélanie qui me foudroie du regard. — Mais où étais-tu passée ? Je commençais à m’inquiéter, crie-t-elle presque furieuse. — J’avais besoin de prendre un peu l’air, ce n’est pas un crime tout de même. Et dans les bras de Mikael, tu ne te souciais pas de moi il me semble, dis-je d'un ton amer. — Excuse-moi, se radoucit-elle. J’aurais dû m’en douter. — La chanson m’a bouleversée, j’avais besoin de m’aérer un peu. Mélanie me scrute en posant son menton sur ses mains, affichant un sourire malicieux. — Quoi ? Pourquoi tu me regardes avec ces yeux-là ? — Parce que le beau serveur de tout à l’heure ne fait que de te mater depuis que tu es revenue. Il te bouffe du regard, ça en est presque indécent. Je me retourne pour vérifier ses dires. Effectivement, il affiche un superbe sourire, très charmeur. Et ses cheveux bruns tirés en arrière lui donnent un style que j’aime beaucoup. — Tu devrais aller lui parler, me lance ma meilleure amie. — Pardon ? Pour lui dire quoi ? — Commence par les banalités tout simplement. Demande-lui son prénom par exemple. Elle est folle, elle sait que je suis trop timide pour aborder un homme. — Mais oui, bien sûr. Je vais arriver devant lui en dandinant des fesses pour lui demander directement son numéro. Et puis, je vais enchainer par : « chez toi ou chez moi ? ». C’est tout à fait mon genre ça. Je lui mime la scène de façon exagérée et nous explosons de rire toutes les deux. Il me semble que ça fait trop longtemps que ça ne m’était pas arrivé. — Aller, fonce Lucie. — Mais qui t’a dit qu’il me plaisait d’abord ? — Parce que tu as rougi en le regardant. — C’est vrai que Vincent est plutôt pas mal mais… — Attends attends, me coupe-t-elle. Répète-moi ce que tu viens de dire ? Oups, je crois que je viens de faire une boulette. Je ne vais pas tarder à subir un interrogatoire en règle. Tentons de faire diversion. — Au fait, où est Mikael ? — Il a trouvé deux potes à lui qu’il n’a pas vus depuis un moment, il revient dans quelques instants. Mais ne change pas de conversation, petite maline. Comment connais-tu son prénom ? Je lève les yeux au ciel en soupirant. C’est de ma faute, je me suis grillée toute seule. Alors autant lui dire. Je lui explique ma rencontre fortuite avec Vincent. Un sourire de plus en plus large s’affiche sur le visage de Mélanie. — Pourquoi fais-tu cette tête ? Elle n’a pas le temps de me répondre que je sens une main se poser sur mon épaule. — Finalement, j’ai réussi à me libérer un peu plus tôt, me dit une voix masculine. Surprise, je me retourne vivement et je croise ces beaux yeux bleus posés sur moi. — Je vous laisse, mon chéri revient ! m’annonce Mélanie en se levant de sa chaise. Quant à toi, lance-t-elle au serveur avec un semblant de sérieux, t’as intérêt à prendre soin de mon amie. Elle sort d’une histoire très douloureuse. Son petit cœur est meurtri alors tâche de faire attention. Sinon, tu auras affaire à moi. — Compris, acquiesce le jeune homme. Puis elle va rejoindre Mikael en me faisant un clin d’œil au passage, pendant que moi, je lui fais les gros yeux. Elle est sérieuse là ? Elle me laisse en plan avec ce mec ? Traîtresse ! De quel droit elle lui déballe ma vie privée ? Et comment je me sors de cette situation moi ? Je n’avais aucune envie de me retrouver seule avec lui. Même si une foule nous entoure, même s'il est plutôt canon. — Je peux m’asseoir ? me demande-t-il. — À priori, la place est libre en effet, lui lancé-je d’un ton qui se veut des plus désagréables. Je suppose qu’il ne fait pas cas de mon humeur de chien puisqu’il prend place en face de moi. Il pose deux boissons sur la table, un jus d’abricot pour moi et un mojito pour lui. Je le remercie vite fait puis je sirote mon verre. Je peux sentir le poids de son regard sur mon corps et ça me gêne. Alors, je scrute un point au loin dans la masse qui se déhanche pour ne pas avoir à le regarder. Il ne manquerait plus qu’il se fasse des films. — Dis donc, elle ne rigole pas ta copine. Elle ferait presque peur, commence-t-il en souriant pour engager la conversation. — Oui. Je serais toi, je la prendrais au sérieux. Je ne peux pas m’empêcher de bougonner. — Alors comme ça, un homme t’a rendue malheureuse ? C’est vraiment un con. Un homme doit faire rire une femme et la chérir, pas la faire pleurer. Je manque de m’étouffer. Voilà qu’il s’y met lui aussi ! C’en est trop. Je ne veux plus qu’on se mêle de ma vie privée. J’ai l’impression d’être un magazine people et que les gens donnent leur avis sans y avoir été invité, c’est gonflant ! Je me lève de ma chaise sans ménagement en lui jetant un regard noir avant de lui tourner le dos pour partir, le laissant en plan. Comment essayer d’oublier ma douleur si on me la jette tout le temps en pleine figure ? En plus par une personne que je ne connais ni d’Ève, ni d’Adam. Je peste et je marche droit devant moi, essayant de me frayer un chemin au milieu des danseurs d’un soir. La musique assourdissante m’explose les oreilles, je manque à plusieurs reprises de me prendre des coups par ceux qui se prennent pour des professionnels de la nuit. C’est pathétique. Je tombe sur Mikael qui me lance : — Hey, un souci Lucie ? L’énervement doit être peint sur mon visage. Je lui réponds en essayant de parler plus fort que ne crie la musique. — Non, je suis juste fatiguée, je rentre me coucher. Tu peux t’occuper de Mélanie ? — Oh ne t’inquiète pas pour ça, me dit-il avec un clin d’œil. Beurk, je ne veux pas savoir ce que signifie ce sous-entendu. Ce qui me fait quand même sourire. Arrivée à ma voiture, je m’adosse contre elle en soufflant un bon coup. Quelle soirée ! Ma première sortie depuis un moment, mais on ne peut pas dire que je suis plus détendue, bien au contraire. D’abord le lieu qui me le rappelle, lui, puis la chanson de Sven en hommage à lui, puis Mélanie qui veut me caser et qui déballe ma vie privée à un inconnu. Ce même inconnu qui se mêle de ce qui ne le regarde pas. Comme premier pas pour oublier et avancer, on a fait mieux. Alors que je démarre ma voiture et allume mes phares, le serveur surgit devant le capot en criant mon nom, ce qui me vaut une belle frayeur. Je souffle bruyamment d’exaspération puis appuie sur l’accélérateur pour lui annoncer mon intention de partir. Mais il ne bouge pas. — Lucie… attends… dit-il en reprenant son souffle. Je veux qu’on me foute la paix bordel, c’est trop demandé ? — Dis-moi ce que j’ai dit de mal. Quand ses yeux rencontrent les miens, inexplicablement, ma colère s’apaise. Ils sont emplis de sincérité et de gentillesse. Je m'en veux presque de réagir comme ça alors qu'il essaye d'être agréable avec moi. Mais voilà, il y a des choses à ne pas dire face à un cœur brisé. Je secoue la tête en fermant mes yeux, adossée contre l’appui-tête. Ma portière s’ouvre tandis qu’une voix masculine me dit : — Pardon si je t’ai brusqué, je suis maladroit. J’ai toujours été comme ça, c’est plus fort que moi. Dès qu’une femme me plaît, j’ai tendance à dire et à faire n’importe quoi.
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