Chapitre 2 : Oncle Tom-2

1858 Words
J’hallucine ou quoi ? La jeune fille noire prononce quelque chose et tous lui tournent le dos et disparaissent de mon champ de vision. Quand je repose mes yeux sur mon oncle, je me rends compte qu’il a déjà levé la tête vers moi. Je croise son regard et j’espère lui transmettre tout mon dégoût avant de me jeter sur mon lit. Bordel qu’est-ce qu’il s’est passé. Ils n’ont pas pu m’entendre, je n’ai fait qu’un pas et moi-même je n’arrivais déjà pas à entendre leur conversation. Mais c’est étrange qu’ils se soient tous arrêtés de parler d’un seul coup alors qu’ils avaient l’air de se disputer deux minutes avant. Le ventilateur au plafond absorbe mes pensées et je ne me rends même pas compte que Morphée me prend dans ses bras. Je me réveille en sursaut. p****n j’en ai marre de ces cauchemars ! C’est toujours le même, encore et toujours. Je vois cette forêt et les voitures. Et puis je me réveille en sursaut quand la voiture explose. Mais cette fois-ci c’était différent, j’ai eu l’impression qu’on m’appelait. Mon rêve a débuté sur Wanouk, j’y ai vu tous les paysages que j’ai découverts hier, et puis comme d’habitude je me suis retrouvée dans cette f****e forêt ! Bref le résultat est le même, je suis debout et il fait encore nuit. Je descends silencieusement sur la plage. Même si le soleil ne se reflète pas encore sur les flots, Wanouk me semble paradisiaque mais également étrange et je ne sais pas pourquoi je ressens ça. Peut-être parce que les bruits, les sensations, la beauté, tout me semble décuplé ici. J’ai marché sur le sable sans me rendre compte de la distance. Je suis arrivée au pied de la falaise et je n’ai d’autre choix que de faire demi-tour. Le soleil commence à rougir au-dessus des flots et quand j’arrive devant l’hôtel, je m’assieds pour observer le paysage. –C’est joli hein ? Je reste silencieuse. Cette voix masculine me revient en mémoire et je sais à qui elle appartient. Hier soir il faisait sombre et sa silhouette était aussi floue que dans mes souvenirs, mais cette voix est exactement la même. –Tu as fait bon voyage ? Je l’entends se rapprocher et je me retourne pour le regarder droit dans les yeux. Je sens ma colère revenir et bouillir, et cette fois j’ai pas forcément envie de me retenir. Il a la quarantaine comme Simon, mais il est blanc et plus grand que son associé. Les cheveux courts et châtain clair comme ceux de maman, il me regarde avec les mêmes yeux qu’elle. Bon Dieu ! Il est assez musclé, sous son marcel blanc on voit bien les formes de ses muscles se dessiner. Je détourne rapidement les yeux en lui faisant croire que je n’ai pas vu la coupure qui descend sur son cou. –Si j’ai fait bon voyage ? Oh oui ! Et si tu veux savoir si j’ai fait connaissance avec l’hôtel je te dirai oui aussi. J’ai pratiquement rencontré tout le monde, sauf toi ! Mais c’est vrai que c’est tout à fait logique puisque tu n’es que mon oncle ! –Judith, je suis désolé, j’avais… –Une affaire, oui je sais Simon m’a expliqué et ça devait sûrement être plus urgent que le fait de venir chercher sa nièce et son neveu à l’aéroport après le décès de leurs parents. Quand maman parlait de toi, ses yeux s’illuminaient. Elle avait l’air de t’aimer comme une dingue. J’étais persuadée que tu accourrais pour me prendre dans tes bras lorsque tu as appris qu’ils étaient morts. Tu ne pouvais pas être aussi égoïste et monstrueux pour me laisser face à ça ! Mais tu n’es pas venu. Tu nous as abandonnés et le fait de nous accueillir chez toi n’y changera rien. Tu nous as laissés seuls à l’aéroport bordel ! Quel genre d’homme es-tu ? J’ai dit ça d’une traite et mon cœur tape dans ma poitrine. Je suis en colère et je la contrôle difficilement. Les yeux de mon oncle se sont écarquillés à plusieurs reprises sous la force de mes paroles mais il reste calme. –Judith je t’assure que j’aurais voulu venir mais ici on avait besoin de mon aide ! –Ah oui tu dois sûrement parler des jeunes gens que j’ai vus hier soir. Tu ne me connais pas plus que je ne te connais toi, alors je peux comprendre que tu aies préféré aider ces jeunes plutôt que moi qui viens de débarquer. Je comprends que l’aide que tu fournis à tes amis devait sûrement être plus importante que l’aide que j’attendais de mon seul oncle. Ne t’en fais pas être orpheline du jour au lendemain on s’y fait très vite. Il me fixe de longues secondes avec un regard d’impuissance. Je sais pertinemment que mes yeux lui transmettent toute ma rage et que mes joues ont dû prendre un rouge profond mais je m’en contrefous. Le voir devant moi me fait trembler de rage et il ne peut même pas se justifier. À part ses yeux, il n’a rien à voir avec maman ça c’est sûr ! –Je suis désolé, c’est normal que tu sois en colère, je comprends tout à fait mais si jamais je peux faire quelque chose… –Tu ne comprends rien du tout et je ne suis pas en colère Tom, c’est loin d’être la vérité, je bouillonne littéralement et tu n’as rien fait pour m’aider au contraire. Pour moi, tu as un retard de dix-sept ans, mais Peter est jeune, cependant n’oublie pas que lui aussi est orphelin. Une notion que de toute évidence tu ne connais pas. On a peut-être des liens de sang, mais ne crois pas qu’il va te sauter dans les bras. Il me saoule, je n’en peux plus. J’ai envie de l’étrangler. Je grimpe les marches de l’hôtel à toute vitesse. Je me jette sur mon lit en mordant mon oreiller pour m’éviter de crier et étouffer mes sanglots. –Oh maman ! Pourquoi tu m’en as jamais dit plus sur lui ? Mes pensées sont sorties toutes seules. Il faut que je me lève sinon je vais trop ruminer. Je file sous la douche et quand j’en ressors le soleil est bien haut dans le ciel. Je me suis habillée de manière à être à l’aise pour la visite qu’Hugo va me faire de l’île. Je sais que l’on va marcher. Je m’attache les cheveux et m’observe dans le miroir. La silhouette de la jeune fille blanche qui me fixe me semble si familière et étrangère à la fois. Ma peau a pris quelques couleurs sur le bateau hier, mes yeux sont cernés par le manque de sommeil. Mes cheveux bruns sont tirés en arrière par un chignon, ce qui me vieillit et m’affine encore plus. Mon Dieu j’ai été plus jolie que ça mais ça fera l’affaire. J’attrape le collier que mon père m’a offert à mon dernier anniversaire. C’est un collier tout simple en argent, avec un pendentif en forme de cœur. L’attache est juste mise quand j’entends un cri qui me terrifie. Bordel c’est Peter qui hurle. Je suis en deux pas dans la chambre de mon jeune frère, même si je sais que d’autres personnes montent les escaliers à toute vitesse. J’allume la lumière aussi vite que possible et je découvre Pet’ assis sur son lit, tremblant et pleurant. Je me jette aussitôt sur lui et le saisis sur mes genoux en le serrant contre moi. Il se loge sous mon cou et je sens ses larmes couler contre ma peau. –Chut ce n’est rien ! C’est fini Peter je suis là ! Il tremble de toute sa petite silhouette et s’agrippe à mes bras. Tom apparaît très rapidement à la porte, tout aussi terrifié. Mais je me rends compte bien vite qu’il n’est pas le seul à avoir grimpé l’escalier, car derrière lui se tient une nouvelle silhouette. Une personne que j’ai déjà aperçue hier soir. Je mets peu de temps pour reconnaître le jeune homme métis qui se chamaillait avec les autres sous ma fenêtre. Il pousse Tom d’un bras en regardant dans la pièce pour chercher je ne sais quoi. J’ai l’impression qu’il cherche un assaillant. Il est con ou quoi ? Le temps qu’il fouille la chambre, ça me laisse le temps de l’observer un peu plus. C’est sûr il est de mon âge ou peut-être un peu plus vieux mais pas de beaucoup. Ses cheveux bruns en brosse lui donnent un air rebelle. p****n il est peut-être con mais pas mal du tout. Sous son jeans et son tee-shirt noir, on voit bien ses muscles se dessiner et il est à peu près de la même taille que Tom. Ses yeux finissent par se poser sur nous. Des yeux d’un vert émeraude qui me scotchent sur place. Mais au moment où son regard croise le mien j’ai la désagréable impression de voir un éclair rouge y passer. Je ne peux pas m’empêcher de froncer les sourcils et de le fixer ardemment pour me persuader que je me suis trompée. –Qu’est-ce qu’il se passe ? demande Tom, affolé. Je lui réponds d’un ton froid, sans lâcher le jeune homme des yeux. –Un cauchemar ! L’individu se fige. Il me lance un regard glacial et serre les dents. C’est quoi son problème ? La façon dont je parle à mon oncle ! Ça ne changera rien mec, assassine-moi autant que tu veux du regard. Tom, qui a dû remarquer la façon dont on se fixe tous les deux, bredouille rapidement : –Judith je te présente, Cédric un ami. Il habite sur Wanouk et m’aide parfois à l’hôtel avec sa b***e qui sont aussi des amis, mais tu feras leur connaissance plus tard. Cédric je te présente ma nièce, Judith ! Le garçon ne m’a pas lâchée des yeux et sans dire un mot il hoche la tête et me tourne le dos pour redescendre. Comparé aux autres c’est bien le premier qui ne me donne pas envie de le connaître. Quel abruti ! Mignon mais con ! Je suis persuadée qu’il fait partie de la b***e de la Trinite comme les a appelés Hugo. Tom finit par s’avancer vers nous, il continue de me fixer comme pour me demander la permission. Je ne vais pas la lui donner mais pas non plus la lui refuser. Je ne peux pas empêcher mon frère de faire connaissance avec lui et puis peut-être qu’intérieurement j’aimerais que ça se passe bien pour lui. Peter est toujours accroché à mon cou ; même s’il ne tremble plus je sens ses larmes continuer de couler. Je lui caresse les cheveux et lui murmure avec douceur : –Pet’ je te présente Tom, le frère de maman et ton oncle ! Mon petit frère relève la tête et fixe mon oncle pendant quelques secondes avant de lui tendre la main. –Salut ! Je ne peux m’empêcher de sourire et Tom aussi. Accroupi devant moi, il serre la main de Peter. –Salut jeune homme, je suis ravi de te rencontrer ! Peter hoche doucement la tête et puis se retourne vers moi. Il ne m’a pas lâchée et je sens bien qu’il est encore paniqué. –Djoud’ j’ai rêvé de papa et maman et il y avait plein de sang partout ! Bordel ! –Oh Peter ! Ce n’est rien, ce n’était qu’un cauchemar. Je suis là maintenant ! Je câline plus fort mon frangin qui s’est hissé sur moi et a passé ses bras autour de mon cou. Il pleure sur mon épaule désormais et je me retrouve nez-à-nez avec Tom. Je sens mes yeux piquer, mais je me refuse de craquer devant mon oncle. Il me regarde impuissant et son air dépité me fait frémir. –Et Pet’ ! aujourd’hui je vais passer ma journée avec toi si tu es d’accord. On fera ce que tu veux mais que dirais-tu de prendre avant tout un bon petit déjeuner ? Peter reste serré à mon cou mais je l’entends marmonner : –Il y aura des croissants ? Tom ricane : –Je pense que Tina doit bien en avoir deux ou trois pour toi. –Alors d’accord ! Il lâche enfin sa prise autour de mon cou et saute au sol en essuyant ses petits yeux, avant de filer dans la salle de bain sans un mot à Tom. Celui-ci tend la main vers moi comme pour me consoler. C’est quoi ça ? Je me lève d’un bond et lui dis : –On se retrouve en bas !
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