Chapitre 1-1

793 Words
Chapitre Un L’air était vif et pur tandis que Mia descendait d’un pas rapide un sentier sinueux de Central Park. Partout, on voyait l’approche du printemps, les arbres encore nus avaient de minuscules boutons et les nounous étaient sorties en masse pour profiter de cette première journée de beau temps avec les enfants turbulents qui leur étaient confiés. Bizarrement, tout avait changé depuis quelques années et pourtant tout était identique. Si dix ans plus tôt on avait demandé à Mia à quoi ressemblerait la vie après une invasion d’extra-terrestres, ce n’est pas du tout ce qu’elle aurait imaginé. Les films ‘Independance Day’ ou ‘La Guerre des Mondes’ étaient à des lieux de montrer ce qui se passe réellement quand une civilisation plus sophistiquée prend le dessus. Il n’y avait eu ni combat ni résistance du gouvernement parce qu’ils les avaient rendus impossibles. Rétrospectivement, il sautait aux yeux que ces films étaient idiots. Les engins nucléaires, les satellites et les avions de combat étaient aussi primitifs que des pierres et des bouts de bois. Mia aperçut un banc vide près du lac et s’y dirigea avec plaisir, ses épaules se ressentaient du poids de son sac à dos où elle avait mis son volumineux ordinateur portable – elle l’avait depuis 12 ans – ainsi que ses livres, imprimés sur papier comme autrefois. Elle avait beau avoir 20 ans, parfois elle se sentait déjà vieille, et comme dépassée par un monde nouveau sans cesse en évolution, un monde de tablettes fines comme du papier à cigarette et de montres qui servaient de téléphones portables. Depuis le jour K, le rythme des progrès technologiques ne s’était pas ralenti ; en fait de nombreux nouveaux gadgets avaient été influencés par ceux des Krinars. Non pas que les Krinars partageaient allègrement leur précieux savoir technologique ; de leur point de vue, leur petite expérience devait se poursuivre sans la moindre interruption. Mia ouvrit la fermeture éclair de son sac et en sortit son vieux Mac. Il était lourd et lent, mais il fonctionnait encore et Mia, comme tous les étudiants désargentés, ne pouvait rien s’offrir de mieux. Une fois en ligne elle ouvrit une page vierge sur Word et se prépara à rédiger sa dissertation de sociologie, une véritable torture. Après 10 minutes sans avoir écrit un seul mot elle s’arrêta. De qui se moquait-elle ? Si elle voulait vraiment s’y mettre, il ne fallait pas venir au parc ; évidemment c’était tentant de se donner l’illusion de pouvoir profiter du grand air et travailler, mais elle n’avait jamais été capable de faire les deux en même temps. Pour ce genre d’effort intellectuel, une vieille bibliothèque poussiéreuse lui convenait bien mieux. En son for intérieur Mia se reprocha d’être aussi paresseuse, soupira et commença à regarder autour d’elle au lieu d’essayer de travailler. Elle ne se lassait jamais de regarder les gens à New York. La scène lui était familière, comme elle s’y attendait il y avait le clochard de service sur un banc voisin (Dieu merci ce n’était pas le banc le plus proche parce qu’il avait l’air de sentir le fauve) et deux nounous bavardaient en espagnol en promenant tranquillement leurs landaus. Un peu plus loin, une jeune fille faisait du jogging, ses reeboks roses offrant un joli contraste avec son survêtement bleu. Mia suivit la joggeuse des yeux avant qu’elle ne disparaisse. Elle admirait sa condition physique. Elle avait un emploi du temps tellement chargé qu’elle n’avait pas beaucoup de temps pour faire du sport et elle se disait qu’elle n’aurait pas pu suivre cette jeune fille à ce rythme pendant plus d’un kilomètre. À sa droite, elle voyait le Pont Bow au-dessus du lac. Un homme était penché sur le parapet et regardait l’eau. Son visage était tourné de l’autre côté si bien qu’elle ne pouvait voir qu’une partie de son profil. Et pourtant il y avait quelque chose en lui qui attira l’attention de Mia. Elle n’arrivait pas à savoir de quoi il s’agissait. Il était vraiment grand et semblait costaud sous l’imperméable élégant qu’il portait, mais ce n’était pas ce qui l’intriguait. Les hommes grands, beaux et bien habillés ne manquent pas à New York, la ville regorge de top-modèles. Non, il y avait autre chose. Peut-être son attitude, parfaitement immobile, ne faisant aucun geste inutile. Ses cheveux bruns brillaient dans la vive lumière ensoleillée de l’après-midi, sa frange se soulevait légèrement dans la brise douce du printemps. Et puis il était seul. ― Eh bien ! voilà, pensa Mia. D’habitude, il y avait toujours du monde sur ce joli pont, mais là, il était seul ; pour une raison qui lui échappait, tous semblaient l’éviter. En fait, à part elle et le clochard qui sentait sans doute mauvais, tous les bancs au bord de l’eau, d’habitude si recherchés, étaient vides. Comme s’il avait senti qu’elle le regardait, l’homme qui faisait l’objet de son attention tourna lentement la tête et la regarda droit dans les yeux. Avant d’avoir compris ce qui se passait elle sentit son sang se glacer, elle était pétrifiée et incapable de détourner son regard de ce prédateur qui semblait maintenant, lui aussi, la regarder avec intérêt.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD