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1902 Words
LE LENDEMAIN Samedi, c’est mon jour de repos, je travaille en tant que serveuse dans un restaurant en ville. Je n’ai jamais été doué pour les bancs de l’école donc j’ai fini par abandonner. Mon rêve, c’est de tenir un salon et ce depuis un an. Mon mari me paye une formation pour y obtenir un diplôme. Il m’a promis de m’ouvrir mon institut dès l’obtention de mon diplôme alors j’ai hâte. En train de faire le linge, je n’entends pas quand Kalsoum vient me donner mon téléphone qui sonne. Moi : ce doit être mon époux. Elle me passe le téléphone et me tourne le dos. Je réponds assez vite sourire aux lèvres. Moi : mon cœur Alima : Boury C’est ma belle-sœur, la femme du grand frère d'Elimane. Moi : oh belle-sœur. Elle attend un moment avant de me répondre. Elle : tu es où ? Je bats des cils perplexes. Moi : je suis chez moi, pourquoi ? Au même moment, je vois deux hommes passer la porte de notre concession. Je reconnais très vite Samad, le meilleur ami de mon mari. Je sursaute en me dirigeant vers eux. Mon père nous rejoint très rapidement après les pas précipités de ma mère. Mon interlocuteur parle mais je n’entends plus rien, j’ai l’impression que quelque chose s’est passé avec ma belle famille. J’espère au fond de moi que ça ne soit pas mon beau-père qui ai rendu l’âme avec son AVC qui ne lui laissait plus le pouvoir de jouir de ses membres depuis l’été dernier. La voix de ma mère vient souffler près de mon oreille. Elle : ma fille vient Moi : il se passe quelque chose ? Samad qui avait toujours hâte de me taquiner à une mine bien triste aujourd’hui, je viens enfin de reconnaître celui qui l’accompagne, il s’agit d’un cousin de Elimane. Papa : va avec ta mère. Moi : mais… Maman : viens ma chérie. Elle me tire avec elle jusqu’au salon ou elle me fait asseoir et voilà les autres qui nous rejoignent. Je suis troublé, perdue, je ne comprends pas ce qu'il se passe. Moi : pourquoi vous me regardez ainsi ? C’est mon père qui prend la parole. Papa : qui vit, mourra ma fille. Voilà c’est ce que je disais, mon beau-père. Oh, j’ai tellement mal pour Elimane, il va être anéanti quand il l’apprendra. Lui qui avait précipité sa venue pour pouvoir voir son père même pour une dernière fois. Je ne sais pas comment je vais pouvoir le lui annoncer. Moi : je comprends papa. Maman : tu ne méritais pas ça, ma fille. Elle disait cela en retenant un sanglot, elle doit être touchée par le décès de mon beau-père. C’est normal après tout il était beaucoup aimé dans notre communauté, un homme humble, simple et bien généreux. Sa perte va se ressentir dans le quartier. Papa : ainsi va la vie, nous appartenons tous à Dieu et nous retournons tous un jour à lui. Je ressens un pincement au cœur pour lui, c’est son ami aussi qui est parti. Samad : que Dieu apaise ton cœur. Je hoche doucement la tête mais celle que l’on doit chercher à consoler ce n’est pas moi mais ma belle-mère, elle doit être dans tous ces états. Maman : te retrouver à cette âge veuve, personne ne l’aurait souhaité… Je tique au mot veuve en me tournant vers ma mère. Moi : veuve ? Tu parles de quoi ? Elle fixe les autres qui sont surpris par ma question. Papa : euh, ma fille… Au même moment, Nogaye passe la porte en criant. Nogaye : woyy Elimane demna (oh ! Elimane est parti) J’ai l’impression de perdre mes ondes auditives tellement mes oreilles sifflent, elle continue à crier en venant se jeter à mes pieds. Nogaye : oh ma chérie, perdre ton mari doit être si dévastatrice. Je la repousse de toutes mes forces en entendant ses mots. Moi : de quoi tu parles ? Maman : ma fille….c’est Elimane…. Mon cœur rate un battement, j’ai l’impression que l’air manque à mes poumons. Je commence à trembler d’une manière incontrôlable. L’endroit se met à tourner et je ne perçois plus que des bruits lointains. Papa : il a eu un accident et il n’a pas survécu. Pas survécu. Je vacille en perdant pied, ils se précipitent tous vers moi. Moi : Elimane Je prononce son nom comme s’il se trouvait en face de moi. Samad : crois en Dieu, c’est sa volonté. Enfin, je semble avoir compris ce que l’on essaie de me dire depuis tout à l’heure. Je laisse sortir un cri strident avant de perdre la notion du temps en s'écroulant au sol. ****** DEUX JOURS APRÈS* Je n’ai envie de rien ni de voir personne. Je veux rester seul et ça personne ne semble l’avoir compris. Après mon évanouissement, j’ai essayé de joindre le numéro d'Elimane refusant de croire ce qui se racontait mais la voix qui m’avait répondu n’était pas la sienne. Je pleure depuis deux jours, et je sais que je n’ai pas fini de pleurer. On voulait me conduire hier chez ma belle-famille mais je ne pouvais pas, mon corps refusait de faire n'importe quel mouvement. Je n’ai ni goût ni force, tout ce que je demande c’est que l’on me ramène mon Elimane rien de plus. Je veux mon époux. ***** Ma mère m’arrange le voile sur la tête alors que nous arrivons devant la maison familiale de ma belle-famille. Les regards de pitié à mon égard se mêlent de partout, mais je ne veux pas les voir ni les entendre. Je passe la porte en traînant les pieds, mes tantes et cousines derrière moi. Tous ceux que je rencontre expriment leur profonde douleur en me présentant leurs condoléances. Je vois très vite ma belle-mère assise dans une natte avec le layou posé à côté d’elle d'où les gens déposent l’argent en présentant leurs condoléances. Je me laisse tomber sur le sol ne pouvant plus me tenir debout. Les gens se précipitent autour de moi et un plus grand sanglot s’élève dans l’air. Belle-mère : qu’est-ce que vous faites là ? L’assemblée se tut alors que l’on me relève. Belle-mère : vous faites quoi ici Astou Camara ? Certaines à côté essayent de la retenir, mais elle se dégage en venant nous faire face. Belle-mère : je l’avais prévenu, j’avais prévenu mon fils, j’avais prévenu mon enfant que le listikhar était formel, ce mariage n’ augurait rien de bon mais il ne m’a pas écouté et voilà où n… Elle est tirée en arrière par une femme de son âge, mais encore une fois. Elle arrive à le repousser. Belle-mère : laissez moi, elle a tué mon fils Je tique en sentant combien mon corps tremble. Belle-mère : le marabout avait raison, tu n’as pas une bonne étoile. J’ai essayé de dissuader mon fils mais il n’a pas voulu m’écouter (sniff) ohh mon fils. Moi : mama… Belle-mère : ne m’appelle plus ainsi, je n’ai jamais… Maman : je comprends ta douleur Adji Fama. Mais réfléchissez à ce que vous dites. Belle-mère : je ne dis que la vérité, sortez de chez moi. Moi : mais… Elle me tire le bras de force alors que son voile est en train de lui tomber de la tête. Les gens autour sont estomaqués mais personne n’ose rien dire. Ma famille essaye de me protéger mais je me retrouve déjà au pas de la porte, avant qu’elle ne me repousse et que je tombe sur les fesses. Belle-mère : va au diable et ne remets plus tes pieds chez moi. ***** Mon mari a perdu la vie dans des circonstances surprenantes. Parti pour aider ses collègues avec une machine, il s’est retrouvé coincé par l’appareil qui lui est tombé dessus. Je n’arrivai pas à y croire, que l’homme auquel j’avais parlé le soir. C’est retrouvé sous terre le lendemain. C’est incompréhensible et inacceptable. Veuve à juste vingt ans, je ne l’aurais souhaité à mon pire ennemi. J’ai terriblement mal, j’ai la sensation de n’avoir plus de raison de vivre. Elimane était tout pour moi, mon ami, mon confident, il était tout ce dont j’ai toujours rêvé dans ma vie alors le perdre dans ses circonstances je ne peux pas l’accepter. C’est dans ce mélanome que ma sœur vient me retrouver. Adji : quand est-ce tu vas arrêter ? Moi : … Je n’ai pas envie de discuter avec qui que ce soit. Les autres semblent avoir trop vite oublié alors que moi non. Adji : cela fait même six mois qu’il est parti et tu veux passer le restant de ta vie à te morfondre. Moi : laisse moi. Adji : si cela te touche autant, meurs et rejoins le. Je tique en sursautant. Moi : tu t’entends parler Adji ? Adji : quoi ??? Moi : c’est ton problème si je me morfonds ? Adji : je m’en fous personnellement, mais tu gâches l’ambiance de la maison. On ne peut même plus rire à haute voix parce que ça risque de déranger madame. Moi : je n’ interdis personne de vivre comme il l’entend. Adji : tchip ! Elle sort et au même moment maman apparaît. Maman : n’écoute pas Adji, elle est encore jeune. Moi : t’inquiète pas maman. Elle vient s’asseoir près de moi Maman : tu as réfléchi chérie ? Moi : à propos de quoi ? Elle détourne un instant le regard. Maman : de Samad, il… Je l’interrompt Moi : s’il te plaît, je lui ai déjà donné ma réponse. Il n’est pas question de quelconque relation avec lui, même s’il dit qu’il le fait pour la mémoire de son défunt ami. Maman : mais il est quelqu’un de gent… Moi : respecte ma décision, je ne veux pas me remarier ni aujourd’hui, ni demain. Maman : je crois que l’on doit te donner du temps. Moi : je veux rester seule. Elle hoche la tête avant de sortir de ma chambre.
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