Histoire de Georges Ohnet
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Georges Ohnet

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La Grande Marnière
Mis à jour à Apr 10, 2020, 08:16
La Grande Marnière est un roman de Georges Ohnet paru chez Paul Ollendorff en 1885 dans la série Les Batailles de la vie. Un jeune homme, Pascal Caravajan, de retour chez lui après une longue absence, croise une amazone à qui il demande sa route. Il en tombe amoureux, hélas elle est la fille du pire ennemi de M. Caravajan… Extrait | I Dans un de ces charmants chemins creux de Normandie, serpentant entre les levées, plantées de grands arbres, qui entourent les fermes d’un rempart de verdure impénétrable au vent et au soleil, par une belle matinée d’été, une amazone, montée sur une jument de forme assez médiocre, s’avançait au pas, les rênes abandonnées, rêveuse, respirant l’air tiède, embaumé du parfum des trèfles en fleurs. Avec son chapeau de feutre noir entouré d’un voile de gaze blanche, son costume de drap gris fer à longue jupe, elle avait fière tournure. On eût dit une de ces aventureuses grandes dames qui, au temps de Stofflet et de Cathelineau, suivaient hardiment l’armée royaliste, dans les traînes du Bocage, et éclairaient de leur sourire la sombre épopée vendéenne. Élégante et svelte, elle se laissait aller gracieusement au mouvement de sa monture, fouettant distraitement de sa cravache les tiges vertes des genêts. Un lévrier d’Écosse au poil rude et rougeâtre l’accompagnait, réglant son allure souple sur la marche lassée du cheval, et levant, de temps en temps, vers sa maîtresse, sa tête pointue, éclairée par deux yeux noirs qui brillaient sous des sourcils en broussailles. L’herbe courte et grasse, qui poussait sous la voûte sombre des hêtres, étendait devant la promeneuse un tapis moelleux comme du velours. Dans les herbages, les vaches appesanties tendaient vers la fraîcheur du chemin leurs mufles tourmentés par les mouches. Pas un souffle de vent n’agitait les feuilles. Sous les feux du soleil l’air vibrait embrasé, et une torpeur lourde pesait sur la terre. La tête penchée sur la poitrine, absorbée, l’amazone allait, indifférente au charme de ce chemin plein d’ombre et de silence. Soudainement, son cheval fit un écart, pointa les oreilles, et faillit se renverser, soufflant bruyamment, tandis que le lévrier, s’élançant en avant, aboyait avec fureur, et montrait à un homme qui venait de sauter dans le chemin creux une double rangée de dents aiguës et grinçantes. L’amazone, tirée brutalement de sa méditation, rassembla les rênes, ramena son cheval et, s’assurant sur sa selle, adressa à l’auteur de tout ce trouble un regard plus étonné que mécontent...|
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bc
Dette de haine
Mis à jour à Apr 10, 2020, 08:16
Extrait | Par une brumeuse et froide matinée de décembre, dans le salon d’une riante bastide de la route de la Seyne, aux portes de Toulon, devant un grand feu, étaient groupés, causant et fumant, sept hommes, dont le plus âgé n’avait pas dépassé la quarantaine. Une table à jeu, sur laquelle les cartes et les jetons attendaient la reprise de la partie, venait d’être abandonnée. Midi sonnait, et le maître de la maison, médecin principal de la marine, laissant pour un instant ses hôtes à eux-mêmes, était allé voir si le déjeuner s’apprêtait. Le soleil se montrait timidement au dehors, et des flocons de neige voltigeaient dans l’air, chassés par un âpre mistral qui couchait les tiges flexibles des tamaris, sifflait dans les mimosas et les oliviers, et tendait douloureusement les nerfs des habitants de la Provence. Un jeune homme, portant l’uniforme de lieutenant de vaisseau, debout devant une fenêtre, tambourinait machinalement sur les vitres, en regardant dans le jardin. — Eh bien ! Listel, qu’est-ce que vous voyez ? demanda un de ceux qui fumaient, en lançant dans le feu sa cigarette éteinte. — Rien du tout, cher ami. — Alors, à quoi pensez-vous ? — À rien du tout. — C’est le commencement du bonheur. Moi j’ai faim...|
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bc
Marchand de poison
Mis à jour à Apr 10, 2020, 08:16
Extrait | I Rue de Châteaudun, sur la façade d’un des immeubles qui avoisinent les jardins, derniers vestiges des seigneuriales demeures où habitèrent Talleyrand et la reine Hortense, se lit, sur une plaque de marbre, cette inscription : Banque de l’Alimentation — Vernier-Mareuil. Cette maison, hautement estimée dans le commerce, porte les noms de deux hommes très connus dans le monde parisien pour leur soudaine et rapide ascension vers la grande fortune. En vingt ans, Vernier et son beau-frère Mareuil, partis de rien, sont arrivés à tenir une place prépondérante à la Bourse, et les banques les plus solides sont obligées de compter avec eux. Par l’alimentation, ils étendent leur influence sur le négoce des vins, des eaux-de-vie et des liqueurs, et enlacent le Midi tout entier sous les mailles d’un gigantesque filet dont ils tiennent la corde dans leurs bureaux de la rue de Châteaudun. Ils ont établi, pour lutter contre la mévente des vins, un système de prêts sur warrants qui met en leur dépendance tous les viticulteurs de France embarrassés dans leurs affaires. Il est juste de dire qu’ils n’abusent pas de cette puissance formidable, qu’ils ne l’exercent qu’au profit de leurs adhérents, et se bornent, en ce qui les concerne, à se procurer dans des conditions avantageuses les alcools qui leur servent à fabriquer les apéritifs célèbres avec la vente desquels ils ont commencé leur fortune. À la Bourse du Commerce, Vernier-Mareuil sont aussi glorieusement connus, traités avec autant de respectueuse déférence que Rothschild, à la Bourse des Valeurs. Ils sont, au point de vue spécial de l’alimentation, de véritables potentats. Et quand on a dit d’une spéculation : « Les Vernier-Mareuil en sont », il n’y a plus qu’à s’incliner devant la réussite certaine. Vernier n’avait pas eu des commencements brillants. Après son service militaire, fait, tant bien que mal, dans un régiment de ligne, à Courbevoie, il était entré, à vingt-quatre ans, chez un marchand de vins du quai de Bercy, qui l’avait initié à tous les mystères de la science œnophile. Il avait, pendant quelques mois, manié le campèche, l’acide tartrique, et fabriqué des tonnes de vin, dans lesquelles l’eau de la Seine entrait pour plus que le jus de la vigne. Le commerce lui avait paru si facile et si simple qu’il avait rêvé de l’exercer pour son propre compte...|
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Au fond du gouffre
Mis à jour à Apr 10, 2020, 08:16
Extrait | I Dans la salle à manger des Étrangers du Club des Chauffeurs, le dîner prenait fin. Il était dix heures. Les maîtres d’hôtel apportaient le café, les valets de pied s’étaient retirés, et dans le salon voisin les boîtes de cigares préparées attendaient les fumeurs. Douze convives, six hommes et six femmes, et pour amphitryon Cyprien Marenval, le célèbre industriel qui a fait une immense fortune en fabriquant et en vendant le racahout qui porte son nom. Autour de la table ornée de fleurs rares, étincelante de cristaux et d’argenterie, dans un désordre et une familiarité que l’excellence du repas et la qualité des vins expliquaient, les demi-mondaines et les aimables viveurs réunis par Marenval, écoutaient un grand garçon blond qui, malgré des interruptions fréquentes, continuait à parler avec une imperturbable tranquillité : — Non ! je ne crois pas à l’infaillibilité humaine, même chez ceux qui ont pour profession de rendre des arrêts et qui, par conséquent, peuvent se targuer d’une expérience particulière. Non ! je ne crois pas que dès qu’un citoyen, comme vous et moi, est assis sur le banc de bois de la tribune d’un jury, il soit foudroyé par des révélations supérieures qui lui donnent la science infuse. Non ! je ne crois pas que de braves pères de famille, et même des célibataires, parce qu’ils ont revêtu une robe noire ou rouge, avec ou sans hermine, ne soient plus susceptibles de se tromper et rendent des arrêts qui soient indiscutables. En résumé, je réclame le droit de croire à l’aveuglement de nos compatriotes en général et des juges en particulier, et je pose, en principe, la possibilité de l’erreur judiciaire !… Il y eut un tumulte dans l’assistance. Un concert d’imprécations s’éleva et quelques-unes de ces dames commencèrent à frapper leurs verres avec la lame de leurs couteaux. Les amis de l’orateur essayèrent une fois encore de lui imposer silence : — Maugiron, tu nous assommes ! — À l’amende d’un souper, Maugiron ! — Il file comme un macaroni, cet animal-là ! — En voilà un qui est vieux jeu ! Il s’occupe de la magistrature ! — Demande une place de substitut, dis ! — Vous êtes tous des idiots, cria Maugiron, profitant d’une accalmie...|
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Le maître de forges
Mis à jour à Apr 10, 2020, 08:16
Le Maître de forges est un roman de l'écrivain français Georges Ohnet paru en 1882. C'est une histoire sentimentale se déroulant dans un cadre bourgeois, utilisant les recettes du mélodrame et du feuilleton. Le Maître de forges a été adapté pour le théâtre par Ohnet lui-même dès l'année suivante. Créée au théâtre du Gymnase, la pièce connaîtra la célébrité : « un immense succès d’intérêt, d’émotions et de larmes », écrira-t-on dans Le Figaro le lendemain de la première. |Source Wikipédia| Extrait | I Par une claire journée du mois d’octobre 1880, un jeune homme, vêtu d’un élégant costume de chasse, était assis à la lisière d’un de ces beaux bois de chênes qui couvrent de leur ombre fraîche les premières pentes du Jura. Un grand chien épagneul marron, couché dans la bruyère à quelques pas de son maître, fixait sur lui ses yeux attentifs, semblant demander si on n’allait pas bientôt repartir. Le chasseur ne paraissait pas disposé à reprendre de sitôt sa course. Il avait appuyé son fusil à un tronc d’arbre, jeté sur le revers du fossé son carnier vide, et, tendant le dos au soleil, le menton appuyé dans sa main, il laissait errer ses yeux sur l’admirable panorama qui se déroulait devant lui. De l’autre côté de la route, au bord de laquelle il était arrêté, le long d’une futaie, s’étendait une taille de deux ans, dont les cépées clairsemées poussaient comme des îlots de verdure au milieu des fougères et des grandes herbes jaunes. Le terrain boisé, s’abaissant en pente douce vers la vallée, laissait apercevoir dans les prairies le bourg de Pont-Avesnes, dressant au-dessus des toits rouges des maisons le clocher d’ardoises, en forme d’éteignoir, de sa vieille église. À droite, le château, entouré de larges douves desséchées et plantées d’arbres fruitiers. L’Avesnes, un mince filet d’eau, que les habitants appellent ambitieusement « la rivière », étincelait comme un ruban d’argent entre les saules rabougris aux feuillages tremblants, qui se penchaient sur ses rives. Plus loin l’usine, par les cheminées de ses hauts fourneaux crachant une fumée rouge balayée par le vent, étendait ses noires murailles au bas de la colline, dont les assises de rochers étaient percées de larges trous servant à l’extraction du minerai. Au-dessus de ces excavations, verdoyaient les vignes qui produisent un petit vin blanc ayant un goût de pierre à fusil et qu’on vend couramment sous le nom de vin de Moselle. Le ciel d’un bleu pâle était inondé de lumière, une brume transparente comme un voile léger flottait sur les hauteurs. Une paix profonde s’étendait sur cette riante nature. Et l’air était si pur qu’à travers l’espace le bruit assourdi des marteaux de la forge montait de la vallée jusqu’à la forêt...|
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