Chapitre 2

641 Mots
Chapitre 2 C’est fin juin que le commissaire Fabien avait fait monter Mary Lester dans son bureau au second étage du commissariat de Quimper. A cette époque, la pointe de Bretagne était plongée dans une vague de chaleur inhabituelle. Les rares estivants s’en donnaient à cœur joie, se baignant sur les plages quasiment désertes, mais dans les bureaux, dans les ateliers, dans les magasins, la chaleur était difficilement soutenable. Le commissaire avait installé dans un coin de son bureau un gros ventilateur qui brassait un air tiède sans parvenir à rafraîchir quoi que ce soit. – Sur quoi êtes-vous en ce moment, Lester? demanda-t-il d’une voix lasse. – Les vols à la roulotte, patron. Ils se multiplient ces temps-ci. – C’est tous les ans pareil à cette époque, soupira Fabien. Il leva les sourcils et la regarda : – Pas très excitant, n’est-ce pas? – Non, reconnut-elle. Mais il faut bien que quelqu’un s’y colle! – Ouais, dit Fabien, faut bien… Puis après un silence, il se mit à sourire : – Dites-moi, Lester, avez-vous jamais joué au golf? Elle sourit à son tour. Décidément, avec Fabien on pouvait s’attendre à tout. – Au golf! Non, jamais. – Et que savez-vous de ce noble sport? Elle fit la moue : – Eh bien, je crois qu’il s’agit, à l’aide d’instruments qu’on appelle clubs, de faire pénétrer une petite balle blanche dans un petit trou sur lequel est planté un drapeau. – Pas mal, sourit Fabien. Et encore? – Et encore? Il me semble que cette activité est l’apanage des riches, des vieux et des snobs. Le commissaire Fabien souffla un bon coup et dit : – Et, comme vous n’êtes rien de tout ça, vous ne vous sentez aucune affinité avec ce milieu. – Aucune. – Avez-vous quelquefois rencontré des golfeurs? – Hélas! Il suffit qu’il y en ait deux dans une soirée pour que tout soit gâché. Ils ne savent pas parler d’autre chose que de leur golf! Elle avait prononcé ce dernier mot avec un accent si terriblement « Marie-Chantal » que Fabien ne put s’empêcher d’éclater de rire. – Dommage, dit laconiquement Fabien. – Pourquoi dommage? demanda-t-elle. – Parce que je pensais vous faire une fleur! – Une fleur? Visiblement elle se méfiait. Le commissaire Fabien sourit. – Je voulais vous offrir des cours de golf. – A moi? La surprise n’était pas feinte, elle s’était attendue à tout, mais là vraiment… – Ouais, à vous. – Mais où ça? – La Baule. Le visage de Mary s’éclaira : – La Baule? – Enfin, presque, entre La Baule et Nantes. – Je prends, patron! Il fit mine de s’étonner : – Quel enthousiasme soudain! Je croyais pourtant que le golf et vous… – A vrai dire, je ne connais pas le golf en tant qu’activité sportive. Je ne connais que quelques golfeurs. Je suppose qu’ils ne sont pas tous de la même mouture. Et puis, je vais être franche patron, ce n’est pas entre le golf et moi, c’est entre la Z.U.P. et La Baule. Il n’y a pas à hésiter. Vous m’auriez demandé de jouer au polo, je n’aurais pas hésité non plus. Et pourtant, les chevaux, si j’ose dire, c’est pas mon dada… Elle redevint grave : – Et… qu’est-ce qui se passe dans votre golf? – Rien, dit Fabien. Et comme elle le regardait, ahurie, il précisa : – Rien pour le moment. C’est mon confrère de Nantes qui m’a appelé. C’est un bon copain, nous avons pas mal baroudé ensemble et il est passablement embêté. Et je suis poli, il a employé un autre mot, et pourtant il est plutôt vieille France, ce cher Graissac… – Et que veut-il que je fasse, ce cher Graissac? – Il souhaiterait que vous alliez au golf du Bois Joli, c’est son nom, comme une golfeuse ordinaire, que vous y preniez des leçons, que vous y jouiez… – Tout en regardant ce qui s’y trame… – C’est ça. – Et qu’ensuite je vienne lui rapporter ce que j’ai vu. – Voilà! – C’est du beau! Elle faisait mine de s’indigner. – Et sur quoi portent ses soupçons à ce cher Graissac? Drogue? Fabien acquiesça du chef. – Encore! s’exclama-t-elle. Mais j’en sors à peine! – Que voulez-vous ma chère, s’exclama Fabien, c’est devenu notre fonds de commerce la drogue. Quand j’ai débuté dans le métier, c’était le gang des tractions avant qui nous donnait du souci, avant, c’était la b***e à Bonnot, les chauffeurs du Rouergue… Elle ricana : – Le courrier de Lyon! – Comme vous dites… Le monde change, mon petit! Faut s’adapter. – Eh bien, avait-elle soupiré, adaptons-nous!
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