Misère Deux : Guerre

1997 Mots
◦•●◉✿←« [ | :.°•∘✩☯PDV Extérieur☯✩∘•°.: | ] »→✿◉●•◦ Il ne faut pas aller bien loin pour avoir l’impression de changer complètement de réalité ! Tous les quartiers extérieurs aux trois grandes Cités du Pays regorgent de banlieue à l’exact opposée des belles architectures entretenues du centre-ville. Les bâtiments, ceux qui sont encore debout, miraculeusement sans doute, offrent une vision cauchemardesque ; les portes arrachées et les fenêtres n’étant plus que de trous béants dans les bâtisses. C’est en totale inadéquation avec les messages tagués qui semblent hurler l’indignation, comme s’ils étaient encore écoutés ! Mais à voir l’allure abandonnée, presque hantée, ce n’est pas le cas... D’ailleurs ces mots dessinés semblent si vieux, bien souvent remplacés par des grossièretés ou des pénis disproportionnés... Plus personne n’y croit dans ces banlieues abandonnées ! Ils sont surnommés “les mineurs”, rappelant cette vieille époque où les plus démunis y travaillaient jusqu’à en crever. Ils vivent des Minimums sociaux attribués par le gouvernement, tout juste assez pour payer un misérable loyer crasseux s’ils ne le gâchent pas pour de la beuh. Avant, tout le monde ici vivait joyeusement ! Les jardins entretenus ou les enfants s’ébrouaient, s’invitant les uns chez les autres et ces odeurs de barbecues entre voisins qui parfumaient l’air de toute la rue ! C’était ce que l’on trouvait normal par ici, des familles heureuses, vivant doucement au gré des saisons... Les frontières ouvertes, le commerce resplendissait, offrant de nombreux contrats juteux à toutes les usines des environs, cherchant alors de plus en plus d’employés pour les honorer. La technologie unique d’Esther-Hope était prisée, et les intelligents se gardaient bien de cacher leur recette, assurant ainsi de continuer à être demandés... C’était sans doute un peu naïf de penser que ce n’était pas près de changer ! Lorsque la guerre a commencé, la situation n’a cessé d’empirer. Sans contrats, plus besoin de tant d’usines qui tournent à plein régime, plus de travail... Les échanges commerciaux ne sont devenus que des termes techniques de banc d’école et seules les productions utiles selon l’Armée ont continué de tourner. Le chômage a explosé, laissant la population s’appauvrir d’année en année, jusqu’à s’abandonner... Qu’importe la gloire passé des édifices, ils ne sont plus que des ombres qui tombent en ruines, de simples vestiges d’une époque oubliée ! Les gosses, eux aussi abandonnés, y vont pour jouer, tentant d’éviter les plus grands qui leur parlent de se faire un petit billet facilement s’ils ramènent un copain à tabasser. Pourtant c’est tentant et la faim décide pour eux, ça arrive souvent qu’un mioche en pousse un autre, moins fort, le forçant à le suivre. Il le montre à d’autres, bien plus grand, parfois armés d’une batte, et de ce p****n de sourire mauvais… Malgré les pleurs et les supplications, rien ne les arrête et le gamin qui a ramené son ami hausse les épaules et l’ignore, le ventre trop vide pour penser... Après tout, lui il a de quoi se payer un bol de nouilles à l’entrée du centre s’il arrive suffisamment tard pour que le gérant accepte de le servir malgré son visage couvert de saleté ou ses vêtements troués. Et puis, de toute façon, de quoi il se plaint ? Son père à lui n’hésite pas à faire bien pire dès qu’il franchit le seuil de l’appartement qu’il squatte, marquant sa peau de trace de doigt là où il l’a serré. Plus personne ici ne connait la pitié, c’est un mot sans fond à leurs yeux, c’est ce que la vie éduque par ici. La moitié de ces gosses ne sont même pas scolarisés, les femmes les pondent alors qu’elles sont souvent incapables de se souvenir de quand elles sont tombées enceintes. Elles qui se vendent, les cuisses écartées, juste pour un shoot qui rend tout bien plus facile ! Et elles oublient… Les plus jeunes n’ont connu que ça ! Cette violence est un quotidien, juste la normalité. Ce qui est fou est de croire à ces foutaises de famille aimante ou ces histoires hilarantes du gars déguisé en lutin qui t’apporterait des cadeaux si ton nom figure sur la liste des gentils enfants. Ils ne sont pas gentils de toute façon, tout ça, ce n’est clairement pas pour cette vie ! La moitié des ados ne sont même pas inscrits au lycée, c’est d’ailleurs miraculeux s’ils ont été au collège. Ce ne sont que des “sans avenirs” et personne n’est là pour leur dire le contraire ! Ils finiront comme la plupart des adultes d’ici, avachis dans un coin complètement ravagé par l’alcool et la drogue, les fesses écartées pour payer sa dose de la journée ! Alors ils sont résignés, ici ou ailleurs, ils trainent toute la journée, sans même songer à essayer d’échapper à cette fatalité... Et dans le coin Est de la capitale, c’est dans cette ancienne usine de montage que les ados du coin aiment trainer, celle que leurs parents ont vue en pleine activité, pensant y travailler jusqu’à la retraite... Le bâtiment traine maintenant à la sortie de la ville, légèrement en retrait d’ailleurs, bordant une limite étrange entre sable et terre. C’était une fabrique de pièces premières, souvent des électrodes à souder pour former des circuits électroniques. Elle aurait pu survivre à la guerre, c’était le type de chose dont le pays a toujours besoin de produire ! Mais certainement pas au même nombre qu’avant alors il fallait se battre pour les contrats… Ils n’ont pas gagné ! Alors leurs enfants reviennent sur place, admirant l’éclat du bâtiment qui a complètement changé d’aspect. Méconnaissables, mais tranquilles, les dealeurs préférant squatter de grosses usines bourrées de pièces à ravager, bien plus proches de chez eux en plus. Celle-ci semble bien trop loin, c’est surtout marcher sous un soleil de plomb pour ne rien y trouver ! Ils sont cinq, en âge de suivre les cours du lycée, sauf peut-être un plus jeune, qui serait sans doute au collège s’il y était inscrit. Ils sont plus ou moins potes, ou plutôt collègues de galère, et ont pris l’habitude de venir ici pour fumer. Ils sont tranquilles, personnes pour venir les emmerder, ils peuvent glander à l’abri des regards. La seule façon de faire venir la Brigade de l’Armée dans le coin est de parler d’incendie qui pourrait se propager, sinon ils n’ont pas fait de patrouille depuis plus d’une dizaine d’années ! Les cinq ados poussent, passent le muret sans mal, traversant le parking pour enfin entrer, ouvrant la porte des employés qui n’a jamais été verrouillée. L’odeur de renfermé claque directement, mais ça ne les interpelle pas, de toute façon ils vont se rendre au centre, comme d’habitude, là il y a ce petit jardin ou les employés d’antan aimait prendre leur pause... C’est un endroit vraiment sympa, même s’il est aujourd’hui desséché et que les bancs où les ouvriers s’installaient se sont effondrés, il y a toujours ces deux ou trois marches d’escalier sur lesquelles se poser. La toiture ne s’est pas encore effondrée, offrant de l’ombre au soleil et un barrage à la pluie. C’est l’endroit idéal pour planer ! Et si vraiment il fait trop chaud et que l’air est insupportable, la cantine est plutôt sympa pour déconner. Il y a l’immense tableau qui couvre un pan de mur, prouvant qu’on devait utiliser aussi cette salle pour des réunions en dehors des heures de pauses. Aujourd’hui, on ne peut plus vraiment écrire dessus, encore aurait-il fallu avoir des craies de toute façon, mais ils l’ont déjà lourdement tagué, comme s’ils avaient décorés tout en laissant une trace d’eux. Mais cette fois là, bien qu’il pleut à verse, ils n’ont pas cherché à tergiverser lorsqu’ils sont arrivés devant l’entrée de la cantine. L’un d’eux a mis un grand coup de pied, claquant la porte contre le mur dans un fracas horrible, résonnant partout entre les murs. On peut croire qu’un coup de tonnerre vient d’exploser, ou peut-être même qu’un abruti vient de se faire sauter sur une mine antipersonnel qui pullule partout dans le désert d’à côté. Mais ce n’est que le choc v*****t qui résonne dans entre les murs vides, rappelant fortement à quel point tout est mort autour d’eux... Pour une raison étrange, trois des gamins éclatèrent d’un rire guttural, comme s’il y avait de quoi s’amuser, les deux autres se passant simplement la clope améliorée, s’explosant un peu plus les neurones, sans relever… Puis ils sont entrés, l’un crachant sur le sol, histoire de souiller un peu plus les lieux, traversant la salle sans réellement regarder. C’est l’odeur qui aurait certainement dû les interpeller en premier. Même torchés comme ils le sont, ils se souviennent tout de même d’une chose : les mannequins en plastique ne s’urinent pas dessus. Pourtant les mômes ne réagissent pas du tout, emboitant le pas alors qu’ils avancent simplement dans la pièce, ignorant le bordel sans nom qui y règne et qu’ils connaissent de toute façon. Néanmoins l’un d’eux pense directement aux pompiers. Cette pensée lui traverse le crâne, fugace, et sans qu’il ne puisse réellement comprendre pourquoi il a directement pensé a appelé les secours ! Elle a juste explosé comme un pétard bruyant avant de finalement s’éteindre et se faire oublier. Donc il a juste suivi le pas, sursautant légèrement lorsque son pote de devant donne un coup dans l’un des tabourets qui racle douloureusement le sol avant de tomber, lui aussi en provoquant un grondement de tonnerre assourdissant. Son corps est guidé comme un automate, suivant les autres en silence alors qu’il taffe sur le joint avant de le passer derrière. Il fixe sans réfléchir les traces de poussières sur le sol qui ont laissé des empreintes de pieds larges qui ne leur appartiennent pas et le pouf bousculé tombe sur l’une des traces comme pour la mettre en valeur. Le gamin n’a pas dévié les yeux, même quand l’objet est finalement tombé et a éclaté ! Il fixe de son air un peu absent, clignant même plusieurs fois les paupières en fronçant les sourcils, comme pour comprendre ce qu’il est en train de regarder. Il les remarque, ces trainées qui ne sont pas censées se trouver là, mais il ne comprend pas pourquoi ça l’interpelle comme ça. C’est stupide, ça, par contre, il s’en rend bien compte, mais rien à faire, son attention ne s’en défait pas et il les lorgne sans pouvoir s’en détacher ! L’endroit a toujours été crade, et il se fout terriblement fort du bordel que d’autres peuvent bien foutre ici ! Mais pour autant, ces traces de pas le dérange et p****n, ça n’a aucun sens ! Elles brillent faiblement, surjouées par la pénombre du début de soirée et des nuages qui, pour une fois, plombent le ciel. Elles marquent joliment le sol, proposant presque une promenade du regard, qu’il suit finalement en se laissant tenter. Enfin alors, il le voit, abandonnant les belles marques de pieds pour prêter attention à ce qu’elles semblent entourer. Il sourit d’ailleurs comme un con, comme s’il avait finalement trouvé ce qu’il était venu cherché. Il a trouvé une réponse à ce petit suspens et il observe l’ombre qui a dû laisser de tels stigmates sur le carrelage dégueulasse. L’adolescent bâille d’un air fatigué, maintenant serein, poursuivant son chemin avec tous les autres alors qu’il n’a plus vraiment d’intérêt pour cette immense et silencieuse poupée qui trône, ficelé de tous les côtés, sur une chaise en plein milieu de la cantine... ☆:*‘¨’*:.☆(¯‘*•.¸,¤°’ ‘°¤,¸.•*‘¯)☆:*‘¨’**:.☆ Prochain chapitre : Misère Trois : Jouet Usagé ☆:*‘¨’*:.☆(¯‘*•.¸,¤°’ ‘°¤,¸.•*‘¯)☆:*‘¨’**:.☆
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